Les grandes extinctions de masse ont-elle impacté l'évolution des insectes ? Le cas des Hémiptères Fulgoromorpha.
Auteur / Autrice : | Manon Bucher |
Direction : | Thierry Bourgoin |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Systématique |
Date : | Inscription en doctorat le 01/10/2020 Soutenance le 17/05/2024 |
Etablissement(s) : | Paris, Muséum national d'histoire naturelle |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris ; 1995-....) |
Mots clés
Résumé
Les insectes constituent le groupe le plus diversifié de la biosphère, avec plus d'un million d'espèces actuellement décrites. Le plus ancien fossile attesté d'insecte date du Dévonien supérieur (Garrouste et al., 2012), mais les calibrations moléculaires s'accordent à faire remonter l'origine des ptérygotes au Dévonien inférieur (Misof et al., 2014). Cela implique que ces organismes ont survécu à au moins quatre des grandes extinctions de masse ayant frappé le monde vivant : à la fin du Dévonien, du Permien, du Trias et du Crétacé. Ces extinctions sont généralement bien documentées pour le monde marin et les vertébrés, mais bien moins pour les insectes. Comment les insectes ont-ils ainsi traversé ces grandes crises du passé ? Cette thèse aborde cette question à travers l'étude des Fulgoromorpha, un sous-ordre d'Hémiptères strictement phytophages, dont la diversité actuelle (21 familles) et fossile (16 familles) témoigne d'une riche histoire évolutive depuis leur origine présumée au Carbonifère (Nel et al., 2013; Bourgoin & Szwedo, 2022, 2023). Pour y répondre, cette thèse vise à analyser les dynamiques de diversification des principales lignées évolutives de ce clade en se basant sur une phylogénie solidement établie. La première partie propose ainsi une hypothèse phylogénétique multigénique datée (approche en node-dating) des familles actuelles, fondée ensemble exhaustif des données moléculaires disponibles (2022) couvrant 531 taxons et 80 % de la diversité supra-générique du sous-ordre. L'objectif initial était d'établir un cadre phylogénétique de référence pour les analyses subséquentes. Le second volet présente une synthèse exhaustive des patterns de nervation des ailes antérieures des Fulgoromorpha du Paléozoïque et du Mésozoïque, réalisée sous forme d'un catalogue illustré, selon une interprétation et une terminologie standardisée. L'objectif était de faciliter l'analyse comparative d'un ensemble de données morphologiques fossiles, normalisées par des interprétations révisées, ainsi que par la mise à jour des âges stratigraphiques des taxons. Dans une troisième partie, le modèle Fossilized Birth-Death a été appliqué afin d'établir une phylogénie datée des Fulgoromorpha par une approche de total-evidence, combinant un jeu de données morphologiques standardisées et des données moléculaires. Cette méthode a ainsi permis d'intégrer des taxons actuels et fossiles de Fulgoromorpha, alliant pour la première fois les connaissances paléontologiques et néontologiques de ce clade. Les résultats ont indiqué des âges de diversification plus récents pour les familles actuelles des Fulgoromorpha que ceux avancés par les études précédentes. Ils repositionnent l'origine des lignées à des périodes géologiques postérieures et plus cohérentes avec le registre fossile, suggérant ainsi un nouveau scénario évolutif pour ces insectes. Enfin, la dynamique de diversification du groupe, inférée sur la base des occurrences fossiles, suggère que les Fulgoromorpha ont montré une résilience notable face aux grands événements d'extinction classiquement reconnus, à l'exception de la crise spécifique aux insectes du Crétacé inférieur, entre l'Aptien et le Cénomanien (Labandeira, 2005), ainsi que la crise de la limite Éocène-Oligocène. Par conséquent, bien qu'ayant été confrontés à au moins trois crises biologiques majeures, les Fulgoromorpha ont connu des périodes de diversification soutenues au fil des périodes géologiques, en particulier durant le Crétacé inférieur et le Cénozoïque. En conclusion, nous remarquons que la diversification des Fulgoromorpha est significativement corrélée à une variable biotique, la compétition entre les lignées, ainsi qu'abiotique, notamment la température moyenne globale, qui semblent ainsi avoir été des facteurs déterminants dans l'évolution de ce groupe. Nos résultats ont néanmoins suggéré que les grands réarrangements floraux et la fragmentation continentale n'ont pas significativement impacté leur diversification.