Thèse en cours

Interconnexions entre criminalité et terrorisme, impact sur les populations et les politiques publiques

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Auteur / Autrice : Mohamed Mehdi
Direction : Said Souam
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sciences Economiques
Date : Inscription en doctorat le 11/07/2022
Etablissement(s) : Paris 10
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Économie, organisations, société (Nanterre, Hauts-de-Seine ; 2000-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : EconomiX (Nanterre)

Résumé

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Université Paris Nanterre École doctorale Économie, organisation, société (ED 396) Interconnexions entre criminalité et terrorisme, impact sur les populations et les politiques publiques Mohamed Mehdi AIT-HAMLAT Sous la direction de Professeur Saïd SOUAM EconomiX, Université Paris Nanterre Projet scientifique 1. Contexte et problématique L'interconnexion entre la criminalité, le trafic de drogue et le financement du terrorisme est depuis plusieurs années un fléau qui touche bon nombre de pays. Dans ce cadre, les Nations Unies ont été précurseurs dans la lutte contre le financement du terrorisme, notamment à travers la résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies n° 1377 (2001) qui stipule « que les actes de terrorisme international constituent l'une des menaces les plus graves à la paix et à la sécurité internationale au XXIe siècle ». Par ailleurs et dans le cadre de la coopération internationale, le Conseil de Sécurité souligne « que les actes de terrorisme international sont contraires aux buts et aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et que le financement, la planification et la préparation des actes de terrorisme international, de même que toutes les autres formes d'appui à cet égard, sont pareillement contraires aux buts et aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies », en faisant appel à la participation et à la collaboration actives de tous les États Membres de l'Organisation des Nations Unies, pour lutter ensemble contre ce fléau. Afin de contextualiser notre cadre de recherche, il est important de souligner que le rapport de l'Office des Nations Unies contre les drogues et le crime (UNODC) de 2017 fait état que le revenu net de l'activité liée au trafic de drogues est d'environ 243 milliards d'euros par an, ce qui classerait, en termes de Produit Intérieur Brut (PIB), le narcotrafic à la 21ème place du classement mondial. Les groupes terroristes et criminels sont des agents économiques rationnels qui cherchent à atteindre leurs objectifs grâce au recours à la violence créant des victimes au sein des populations locales et étrangères (Schmid, 1996). Ces activités sont également encouragées par des environnements identiques avec des contrôles gouvernementaux limités dans certains pays, une faible application de la loi et des frontières perméables (Polinsky et Shavell, 2000). Les groupes criminels et les groupes terroristes utilisent les mêmes technologies, notamment pour les télécommunications, ainsi que les mêmes techniques de blanchiment d'argent. La relation entre le terrorisme et la criminalité peut être considérée comme symbiotique. Les terroristes considèrent les activités criminelles comme une source précieuse de financement. Les criminels bénéficient, en retour, du développement d'activités terroristes car elles affaiblissent les gouvernements qui les combattent (Makarenko, 2001). 2. État de l'art La littérature académique et sécuritaire a mis en évidence des liens plus ou moins forts entre les groupes terroristes et les groupes criminels dans différentes régions du monde. De plus, le nexus entre la criminalité et le terrorisme est en constante évolution, ce qui le rend difficile à appréhender. En effet, les lignes, autrefois claires, entre le trafic international de drogue, le terrorisme et le crime organisé s'estompent et mutent comme jamais auparavant, quand bien même le crime organisé et le terrorisme ont des objectifs relativement différents (Cilluffo, 2000). En partant du postulat de base de la bienveillance des gouvernements dont l'objectif principal est la préservation du bien-être social de la population, la littérature offre un aperçu global de la relation entre le narcotrafic et le terrorisme, de la façon dont les groupes terroristes financent leurs organisations par le trafic de drogue, la contrebande, les kidnappings et d'autres activités criminelles. S'agissant de l'analyse du terrorisme d'un point de vue financier, l'impact du terrorisme sur l'économie mobilise l'essentiel des recherches en économie consacrées au phénomène terroriste. Plusieurs auteurs se penchent sur la problématique du coût budgétaire de la menace terroriste, c'est-à-dire de son incidence sur les masses budgétaires des gouvernements. En pratique, les gouvernements ont pris de nombreuses mesures pour lutter contre ce phénomène. Ainsi, afin de lutter contre le financement du terrorisme, les institutions financières ont des exigences qui permettent le contrôle des flux financiers et la vérification de l'origine des fonds (Freeman et Ruehsen, 2013). D'ampleur mondiale, ce phénomène a induit une coordination internationale forte soutenue par des organisations telles que le Groupe Egmont et ses cellules de renseignement financier, qui partagent des renseignements financiers et les organismes régionaux du Groupe d'action financière (GAFI) qui évaluent les régimes de conformité des États. Ces politiques actives ont parfois abouti à des résultats probants puisque certains groupes terroristes bien connus n'ont pas été en mesure de maintenir leur niveau de violence en raison de difficultés financières. De même, les données et les rapports financiers sont un élément clé dans le traitement judiciaire des affaires de terrorisme, car ils fournissent des preuves irréfutables de liens souvent difficiles à prouver. De ce qui précède, il est important de mettre en avant l'importance que la recherche doit porter à l'impact qu'ont les interconnexions entre la criminalité et le terrorisme sur les populations et le choix des politiques publiques. En effet, malgré l'importance vitale de ce phénomène, la littérature relative à ce sujet, gagnerait à être enrichie tant sur le plan théorique, qu'empirique. A travers nos travaux de recherche, nous voudrions analyser plus en profondeur dans quelles mesures certaines populations profitent de certaines activités criminelles, parfois liées à des groupes terroristes, et comment cela impacte la politique optimale des gouvernements et plus généralement l'interaction entre les différents protagonistes. 3. Objectifs et plan de thèse Hausken et Gupta (2015), ont développé un modèle pionnier, basé sur la théorie des jeux, permettant l'analyse des politiques optimales d'un gouvernement luttant contre un groupe terroriste ayant des objectifs terroristes et criminels. En intégrant la population dans notre questionnement ex-ante comme vecteur influençant les stratégies de jeu des joueurs, nous avons développé un nouveau modèle, inspiré de celui de Hausken et Gupta (2015). La population engage un effort de soutien au gouvernement dans sa lutte anti-terroriste. Les résultats de notre modèle démontrent clairement l'impact de l'effort de la population sur les probabilités de victoire des joueurs. Le gouvernement doit donc, avant de répartir ses efforts, prendre en considération l'impact qu'aurait, sur la population, une forte répression de la criminalité, étant donné l'intéressement économique de la population par une partie de ces activités. Nous montrons que lorsque le préjudice causé à la population par les activités terroristes est relativement faible, l'effort de soutien de la population au gouvernement est nul. De plus, l'effort de la population pour soutenir le gouvernement est complémentaire à l'effort de lutte anti-terroriste de ce dernier lorsque les ressources ne sont pas importantes. En revanche, lorsque ces ressources sont suffisamment importantes une hausse supplémentaire se traduit par une baisse de l'effort de la population : il y a substituabilité stratégique. Par ailleurs, nos résultats suggèrent que le groupe terroriste augmentera ses activités criminelles si le soutien de la population au gouvernement est fort, sachant qu'une répression trop agressive des activités criminelles impacterait le bien-être de la population. Enfin, le gouvernement doit anticiper avec exactitude le préjudice subi par la population à cause des activités terroristes du groupe terroriste et ce afin de pouvoir déterminer de façon optimale les ressources à allouer à chacun de ses efforts (anticriminalité et anti-terroriste). Notre projet de recherche scientifique s'inscrit dans la continuité du modèle développé. Pour notre premier chapitre, nous approfondirons les résultats de notre modèle afin de faire ressortir des propositions de politiques publiques pertinentes. A cet effet, nous prendrons en compte l'hétérogénéité de la population. A savoir, en dissociant la partie de la population idéologiquement convaincue par les positions politiques des groupes terroristes de celles victime des groupes terroristes ou criminels, voire éventuellement indifférente. Par ailleurs, en inscrivant notre démarche dans le cadre de la coopération internationale entre les gouvernements, pour lutter contre le terrorisme et la criminalité nous projetterons, dans notre deuxième chapitre, plusieurs scenarii de politiques publiques. L'objectif ici étant la prise en compte des priorités des gouvernements (sanctions, segments de répression, laisser faire, etc.), dans la mesure où certaines activités liées à des groupes terroristes s'exportent et créent plus de préjudice à l'international que dans leurs pays d'origine. Ceci mettra en évidence l'éventuelle hétérogénéité des gouvernements à travers la hiérarchisation de leurs priorités de lutte (gouvernements de pays source ou victime de criminalité ou de terrorisme). En effet, l'absence de sanctions suffisantes pour certaines activités criminelles peut parfois se traduire par des attentats terroristes d'envergure. A titre d'exemple, les attentats de Madrid 2004, ont été financés par le trafic de drogue issu du Maroc (Jordan et Horsburgh 2005). Enfin, notre troisième chapitre sera dédié à la partie empirique, aux fins d'étudier l'impact du nexus entre criminalité et terrorisme sur la population et les politiques publiques. Cela nous permettra de tester nos modèles théoriques et d'étudier ainsi, empiriquement, ce phénomène international, véritable menace économique et sociale pour le monde. Des études de cas seront également réalisées pour étayer notre propos. Références bibliographiques Cilluffo, F. (2000). The threat posed from the convergence of organized crime, drug trafficking, and terrorism. Testimony of the Deputy Director, Global Organized Crime Program, Director, Counterterrorism Task Force, Centre for Strategic and International Studies, Washington (DC). to the US House Committee on the Judiciary Subcommittee on Crime. Garoupa, N., Klick, J., & Parisi, F. (2006). A law and economics perspective on terrorism. Public Choice, 128(1), 147-168. Hausken, K., and Gupta, D. K. (2015). Government protection against terrorism and crime. Global Crime, 16(2), 59-80. Jordan, J., & Horsburgh, N. (2005). Mapping jihadist terrorism in Spain. Studies in Conflict & Terrorism, 28(3), 169-191. Makarenko, T. (2001). Transnational crime and its evolving links to terrorism and instability. Jane's Intelligence Review, 23. Polinsky, A. M., & Shavell, S. (2000). The economic theory of public enforcement of law. Journal of economic literature, 38(1), 45-76. Schmid, A. P. (1996). The links between transnational organized crime and terrorist crimes. Transnational organized crime, 2(4), 40-82. Skaperdas, S. (2011). The costs of organized violence: a review of the evidence. Economics of Governance, 12(1), 1-23. Stewart, M. G., Ellingwood, B. R., & Mueller, J. (2011). Homeland security: A case study in risk aversion for public decision-making. International Journal of Risk Assessment and Management, 15(5-6), 367-386. Walker, J., & Unger, B. (2009). Measuring global money laundering:'' The walker gravity model''. Review of Law & Economics, 5(2), 821-853.