Thèse en cours

« Ni un, ni 2 ». Le perspectivisme de Merleau-Ponty et ses implications contemporaines

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AttentionLa soutenance a eu lieu le 01/03/2024. Le document qui a justifié du diplôme est en cours de traitement par l'établissement de soutenance.
Auteur / Autrice : Cinzia Orlando
Direction : Luca VanzagoLuca Vanzago
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Philosophie mention esthétique
Date : Inscription en doctorat le 01/09/2019
Soutenance le 01/03/2024
Etablissement(s) : Lyon 3 en cotutelle avec Università degli studi (Pavie, Italie)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de philosophie (Lyon ; Grenoble ; 2007-....)

Résumé

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Cette thèse a deux objectifs principaux : d’une part, proposer une lecture « perspectiviste » de l’ontologie de la chair de Maurice Merleau-Ponty, et, d’autre part, démontrer comment le développement merleau-pontien du thème de l’être-perspective présente des implications théoriques dans plusieurs problèmes majeurs de la pensée contemporaine. Plus précisément, la thèse cherche à établir un dialogue entre le perspectivisme chiasmatique qui émerge de l’ontologie phénoménologique merleau-pontienne, les réflexions contemporaines sur l’inhumain et les tentatives transdisciplinaires actuelles de concevoir un être-perspective au-delà du privilège ontologique du sujet humain et conscient. Entre ces deux tensions, la thèse aboutit à une proposition ontologique dans laquelle l’être-perspective, en-deçà de la distinction entre humain et non-humain, sujet et objet, soi et autrui, devient emblématique de l’Être, lui-même compris, suivant Merleau-Ponty, comme un empiètement de perspectives, comme intrusion de différences. La thèse part, donc, du problème phénoménologique de la perspective – la condition d’être-installé d’un sujet dans le monde – pour arriver au problème ontologique d’un être-perspective de l’Être lui-même. Le premier chapitre explore le problème de l’être-perspective entendu phénoménologiquement comme la manière dont le sujet corporel et perceptif s’installe dans le monde – se distinguant comme un « dedans » – à partir de la première énigme que cette installation nous pose : celle de devoir penser ensemble l’évidence de notre point de vue et l’évidence de la présence de quelque chose, d’un « dehors » auquel il a accès sans y coïncider, sans jamais sortir de lui-même. Le deuxième chapitre examine les manières dont ce même « dehors » échappe à l’appropriation du « dedans » perspectif en manifestant un pouvoir d’hantise sur ce dernier, en se révélant lui-même, en fait, comme étant une perspective. Dans son interrogation sur l’être-installé, la phénoménologie de Merleau-Ponty témoigne d’un décentrement fondamental du soi, d’une exposition primordiale à son absence, d’une inhumanité qui le hante. Le « décentrement » est interrogé en faisant dialoguer le thème de l’être-installé avec la catégorie freudienne de Unheimlichkeit (« inquiétante étrangeté ») entendue comme l’inquiétude que l’on ressent face à la reconnaissance d’une non-familiarité propre à ce qui est familier. Nous montrons que les réflexions de Merleau-Ponty, en particulier celles sur la passivité, révèlent une logique inquiétante dans laquelle la possibilité d’avoir une perspective, d’entretenir une familiarité avec le monde, est à penser simultanément à un non-familier, à un être hors de soi, exposé à sa propre absence. Au-delà de l’opposition entre un dedans et un dehors, un familier et un non-familier, le troisième chapitre développe enfin la proposition d’un perspectivisme chiasmatique merleau-pontien, selon lequel l’être-perspective n’est rien d’autre que l’émergence simultanée, dans leur différenciation, d’un « dedans » et d’un « dehors », à comprendre donc non comme deux opposés mais comme deux faces d’un même pli de l'Être. Le perspectivisme de Merleau-Ponty est mis en dialogue avec les propositions anthropologiques avancées par Marilyn Strathern et Eduardo Viveiros de Castro d’un perspectivisme mélanésien et amérindien fondé sur des prémisses radicalement relationnelles, et distinct d’un perspectivisme anthropocentrique, individualiste et relativiste de type occidental. On soutient, en conclusion, que l’ontologie merleau-pontienne, en tant qu’investigation du croisement de l’intérieur et de l’extérieur – de l’Être comme leur entrelacs – se configure comme une ontologie perspectiviste tout aussi radicalement relationnelle, ayant en outre, par ce biais, le mérite d’accompagner une reconfiguration de la notion de perspective en dehors du primat ontologique du sujet et de l’humain, capable de faire écho aux défis philosophiques de notre présent.