Thèse en cours

Identification et caractérisation de marqueurs prédictifs de neurodégénérescence chez les personnes présentant un syndrome radiologique isolé

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Auteur / Autrice : Cassandre Chateau
Direction : Christine Lebrun-frenay
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Recherche Clinique et Thérapeuthique
Date : Inscription en doctorat le 03/05/2021
Etablissement(s) : Université Côte d'Azur
Ecole(s) doctorale(s) : Sciences de la vie et de la santé
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Unité de Recherche Clinique Côte d’Azur

Résumé

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Le Syndrome Radiologique Isolé (RIS pour Radiologically Isolated Syndrome) correspond à la découverte fortuite d'anomalies de la substance blanche évocatrices de sclérose en plaques (SEP) de par leur localisation, leur taille et leur aspect, sur une Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) pratiquée pour une autre raison que pour une suspicion de maladie démyélinisante chez des sujets sans histoire de symptôme neurologique et présentant un examen clinique neurologique strictement normal. Les critères diagnostiques de RIS ont été décrits en 2009 par Okuda et al après la publication de deux séries de cas Français (Lebrun et al 2008, 2009). Dans la cohorte du Consortium International de recherche sur le RIS (RISC) de sujets suivis pendant 5 ans après la première IRM cérébrale suggestive de SEP, 34% des sujets ont présenté un évènement à 5 ans. 9,6% des patients ayant convertis ont présentés une forme d’emblée progressive de SEP. Il a été possible d’identifier les sujets à risque de développer un premier évènement clinique démyélinisant. Selon un modèle d'analyse multivarié, le sexe masculin, un âge jeune et la présence de lésions dans la moelle épinière (cervicales ou thoraciques) étaient des facteurs de risques de conversion indépendants (Okuda et al. 2014). Dans cette même cohorte, la probabilité de présenter un premier évènement clinique à 10 ans était de 51.2% (Lebrun-Frenay et al, 2020). L'âge, la présence de Bandes OligoClonales (BOCs) dans le Liquide CéphaloRachidien (LCR), la présence de lésions infratentoriales, la présence de lésions de la moelle épinière sur la première IRM évocatrice de RIS étaient des facteurs prédictifs indépendants de conversion clinique. La présence de lésions qui prennent le contraste lors des IRM de suivies était aussi associée au risque de développer un évènement clinique. Par contre, la raison de prescription de l'IRM et la présence de prise de contraste sur l'IRM de référence n’influençaient pas le risque de faire un évènement clinique (Lebrun-Frenay et al. 2020). Les sujets RIS présentant des lésions cérébrales et la moelle épinière comparativement aux sujets présentant des lésions cérébrales exclusivement présentent un risque majoré de développer un évènement clinique aigüe ou progressif. Ce risque est indépendant de la charge lésionnelle cérébrale (Okuda et al. 2011). La localisation et la morphologie des lésions paraissent déterminantes pour l’étude du risque de conversion mais seule la présence de lésion médullaire a été étudiée. Un autre facteur en cours d’évaluation est l’atrophie cérébrale. En effet, plusieurs études montrent une atrophie cérébrale aux stades précoces de la SEP notamment chez les patients dits « CIS » pour Clinically Isoled Syndrome, il s’agit de patients ayant présenté un premier épisode de symptômes neurologiques. De nombreuses études ont montré des similitudes d’atteinte structurelle du tissu cérébral chez les RIS avec les patients CIS et SEP en termes de lésions de la substance blanche (SB) (morphologie et localisation), d'atrophie cérébrale (De Stefano et al. 2011; Amato et al. 2012), d'atrophie de la moelle cervicale (Zeydan et al. 2018), de lésions de la moelle épinière (Okuda et al. 2011), de lésions corticales (Giorgio et al. 2011), de modifications métaboliques évocatrices de dommages des axones (Stromillo et al. 2013). Ces descriptions ont été effectuées sur des petites séries de cas et restent descriptives. Il a été montré que le volume cérébral total normalisé et le volume cortical normalisé sont significativement inférieurs chez les sujets RIS comparés aux sujets ayant réalisés une IRM en raison de symptômes non spécifiques, avec un examen neurologique normal, sans antécédent de trouble neurologique et pour lesquels l’IRM est normale (absence de lésion), mais il n'a pas été montré de différence entre ces deux populations pour le volume normalisé de la substance blanche malgré la présence de lésions de la substance blanches et les sujets RIS ne présentent pas de différence comparés aux sujets CIS (Rojas et al. 2015). Deux études sur l’atrophie régionale conduites par le RISC, ont montré une atrophie du thalamus chez les sujets RIS comparés aux sujets témoins (J. Azevedo, 2015) et une atrophie de la substance grise cérébelleuse antérieure et de la substance blanche cérébelleuse chez les RIS versus des sujets contrôlés (C. George et al. 2019). Notre premier objectif est étudier l’atrophie globale et régionale dans la cohorte du RISC, sur les IRM de référence versus un atlas de sujets contrôles mais aussi en suivi longitudinal jusqu’à conversion clinique. On émet l’hypothèse que l’atrophie cérébrale chez les sujets RIS est précurseur de l’inflammation et de neuro dégénérescence. Des études récentes utilisant l’IRM haute résolution et notamment une séquence spécifique en IRM, la SWI (Susceptibility-Weighted Imaging), ont montré que l’on pouvait voir une veine à l’intérieur des lésions de la substance blanche appelé « signe de la veine centrale » (SVC) et que la présence de ce signe sur un pourcentage déterminé de lésions augmentait la valeur diagnostique (quelques exemples: Solomon et al. 2016, Mistry et al. 2016, Sati et al. 2016). Sur ces images le SVC se présente sous la forme d’une ligne hypointense au centre de la lésion. Cet hyposignal reflète la présence d’une substance paramagnétique: la deoxyhémoglobine (Ogawa et al. 1990, Sati et al. 2012, 2014, 2016). Des études ont évalué le SVC chez des sujets SEP comparés aux sujets présentant des lésions de la substance blanche d’autres origines, comme les maladies microangiopathiques (Mistry et al. 2016), les migraines (Solomon et al. 2016), les vasculopathies inflammatoires du système nerveux central (Maggi et al. 2018), et les NMO-SD (Cortese et al. 2018). Sur la base de ces études un cut-off de 40% (lésions de la SB avec SVC > 40%) a été proposé pour distinguer la SEP des autres pathologies avec anomalies de la SB (Tallantyre et al. 2011). A ce jour une seule étude sur les sujets RIS (Suthiphosuwan et al. 2019) a étudié le SVC sur une cohorte de 20 sujets RIS. Sur ces 20 sujets, 18 (90%) présentent plus de 40% de lésions avec SVC. Cette étude suggère que les lésions chez ces individus reflètent une démyélinisation inflammatoire péri veineuse. Les auteurs ont trouvé des corrélations entre la proportion de lésions avec SVC et les lésions de la moelle épinière, un facteur de risque connu de conversion clinique. Le signe de la veine centrale pourrait devenir un item diagnostique pour distinguer les patients présentant un syndrome radiologique isolé à risque de développer une SEP clinique de ceux présentant des lésions de substance blanche d'autres étiologies. Notre second objectif est d’étudier la valeur prédictive des séquences de susceptibilité magnétique dans notre cohorte de sujets RIS (128 individus suivis au CRC-SEP de Nice) comparée à une cohorte de patients SEP et à une cohorte de patients avec anomalies de la substance blanche d’origine autre comme les maladies auto-immunes (MAI) systémiques à tropisme neurologique (lupus, le syndrome de Gougerot-Sjogren, Sarcoidose, vascularite, maladie de Behcet, syndrome de Susac, NMO-SD) défini comme un groupe contrôle « non-SEP ». On émet l’hypothèse que les sujets RIS qui vont développer une SEP ont un plus grand nombre de lésions avec signe de la veine centrale comparés au sujets qui en n’ont pas. Notre troisième objectif sera d’analyser la valeur diagnostique et prédictive de différents marqueurs biologiques et digitaux, associés ou non aux marqueurs d’imagerie. L'étude des biomarqueurs biologiques portera notamment sur un marqueur de dégénérescence axonale et neuronal, le NeuroFilament Light Chain (NfL) et un marqueur d'activation astrocytaire, le Glial fibrillary acidic protein (GFAP). Les neurofilaments sont des constituants de la structure du cytosquelette neuroaxonal et un composant intégral des synapses. Ils sont essentiels pour la croissance axonale, le transport et les voies de signalisation (Oberstadt et al. 2018 et Petzold et al. 2008). Les lésions de la substance blanche et les lésions corticales sont liées à un taux élevé de NfL dans le LCR qui représente en amont une perte neuroaxonale (Bergmam et al. 2016) et une augmentation des NFL dans le LCR a été retrouvée aux stades précoces de la SEP (Kuhle et al. 2013, Hakansson et al. 2017). L'étude de Matute-Blanch et al. 2018 montre que le taux de NfL dans le LCR chez les sujets RIS peut être un facteur pronostic du temps de conversion en SEP comme la présence de BOCs dans le LCR. Des études ont été réalisées sur le GFAP comme biomarqueur de l'inflammation et de progression dans la SEP (Haghighi et al. 2004, Axelsson et al. 2011, Madeddu et al. 2013), une élévation du taux de GFAP dans le LCR chez les sujets SEP et CIS (Kassubek et al. 2017) par rapport aux sujets contrôles a été démontrée avec notamment des corrélations avec des marqueurs d'inflammation en imagerie (prise de contraste). Les NfL et le GFAP dans le LCR nous paraissent être des biomarqueurs candidats intéressants comme facteur de risque de conversion clinique. Nous proposons d’étudier les biomarqueurs dans le LCR pour répondre à notre l'hypothèse : les marqueurs biologiques témoignent d'une inflammation et d'une dégénération axonale précoces. Nous pourrons dans une première étape corréler ces biomarqueurs aux marqueurs d'imagerie. La dernière étape sera d’introduire une analyse de biomarqueurs digitaux. Nous avons récemment démontré que des sujets RIS ont de moins bonnes performances au test de rapidité de finger tapping avec la main dominante et au test de synchronisation des deux mains par rapport aux sujets contrôles (Cohen et al. 2020) que des sujets contrôles à la passation de 5 tests simples et rapides d’utilisation sur une application smart phone appelée MS Screen Test (MSST) développée par le Docteur Mikael Cohen. Ces résultats suggèrent que l’application MSST peut révéler une subtile différence entre les sujets RIS et les sujets contrôles. Nous émettons l'hypothèse que des mesures digitales, collectées de façon très simple à l'aide d'un smart phone, permettraient de déceler des anomalies infracliniques qui témoigneraient d'une évolution silencieuse de la maladie et seraient prédictives d'une évolution clinique. Nous prévoyons de poursuivre nos investigations à plus grande échelle, au niveau national et espérons recruter 100 patients RIS qui réaliseront l’application MSST, et que nous suivrons jusqu’à conversion clinique dans le but d’identifier des facteurs pronostics de conversion. Cette étude a été lauréate d'un appel à projet interne du CHU de Nice et a démarrée fin 2020. Pour résumer, ce travail de thèse portera sur l’analyse de marqueurs en imagerie (volume de la SB, volume de la SG, volume lésionnel, SVC), l’étude de marqueurs biologiques et l’exploration de marqueurs digitaux dans l’objectif d’identifier des facteurs prédictifs d’évolution clinique des sujets RIS.