Thèse en cours

Étude de la réponse inflammatoire chez les enfants porteurs d'une moelle attachée

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Auteur / Autrice : Mélodie-anne Karnoub
Direction : Richard Assaker
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sciences de la vie et de la santé - MED
Date : Inscription en doctorat le 01/12/2021
Etablissement(s) : Université de Lille (2022-....)
Ecole(s) doctorale(s) : École graduée Biologie-Santé (Lille ; 2000-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Protéomique, Réponse Inflammatoire et Spectrométrie de Masse

Mots clés

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Résumé

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Étude de la réponse inflammatoire chez les enfants porteurs d’une moëlle attachée. Le syndrome de moelle basse attachée regroupe divers symptômes secondaires à des contraintes mécaniques d’étirement, appliquées à la moelle épinière. Le filum terminale est une structure anatomique dont le but primaire est de solidariser le cône terminal au canal vertébral, auquel il est fixé en S2. La position normale du cône terminal se situe à hauteur de la vertèbre L2 (1). Le filum terminale normal est supposé avoir un diamètre de moins de 2mm (2) et doit sécuriser la moelle épinière durant les mouvements du corps, qui peuvent se traduire par un raccourcissement ou un étirement de la moelle pouvant aller jusqu’à 7% (3). Le filum terminale se compose de deux parties. La partie crâniale est similaire à la moelle épinière, avec des cellules souches neuronales et un canal central de type épendymaire. La partie caudale, au contraire, est plus fibreuse, composée d’un mélange d’élastine, élaunine, de réticuline et de collagène. Dans un filum pathologique, l’élasticité est diminuée, et l’on constate une invasion d’adipocytes et des phénomènes de fibrose. Quand la structure du filum est ainsi anormale, il perd ses propriétés et ne peut jouer son rôle d’accompagnement des mouvements médullaires, aboutissant à des microlésions de la moelle épinière. Plusieurs causes peuvent être à l’origine de modifications du filum et d’un syndrome de moelle attachée. Parmi elles on note les filums courts lipomateux, les myélolipomes, les myéloméningocèles et méningocèles (. La traduction clinique comprend des déficits moteurs, sensitifs, des troubles sphinctériens, des tableaux douleurs et des déformations musculo-squelettiques. Après la chirurgie, lorsque la tension exercée au préalable sur la moelle se libère, les symptômes peuvent se stabiliser voire même s’améliorer. Au contraire, en cas d’abstention, le risque est de laisser s’installer de plus en plus de symptômes avec le temps, risquant de devenir irréversibles. Si les mécanismes embryonnaires qui aboutissent au dysraphisme et à la moelle attachée sont connus, la physiopathologie de la souffrance médullaire qui en découle demeure en revanche débattue. Néanmoins, l’hypothèse de simples contraintes mécaniques ne semble pas suffisante, et des désordres métaboliques aboutissant à la souffrance médullaire semblent impliqués. Les deux principales hypothèses seraient un déficit énergétique cellulaire, et des modifications de flux sanguin, secondaires à la déformation des cellules liées aux étirements de la moelle. Peu de papiers étudient cette question, mais la théorie principale repose sur des altérations du métabolisme oxydatif dont découleraient des phénomènes ischémiques(4). Le degré de métabolisme oxydatif serait même corrélé aux résultats cliniques après chirurgie (5). En effet, des étirements faibles ou modérés de la moelle spinale auraient des effets similaires à ceux observés suite à une ischémie modérée, tandis qu’un étirement important de la moelle conduirait à des effets similaires à ceux induits par une ischémie prolongée et irréversible (6,7). Or, lors des mouvements du corps, particulièrement de flexion et extension, la longueur de la moelle spinale varie de 3,5% à 7%(3), induisant de faibles traumatismes répétés, de plus en plus importants avec la croissance, pouvant amener à une symptomatologie clinique, lorsque la moelle est attachée. D’autre part, le rôle de l’inflammation dans les processus de lésion médullaire est important à prendre en compte, considérant les travaux menés sur la réponse inflammatoire aiguë après traumatisme de la moelle. Ces travaux illustrent l’effet dramatique de la cascade inflammatoire, phénomène clé de la formation de la cicatrice gliale et de la dégradation neurologique. Les différents papiers à ce sujet montrent en effet que le traumatisme initial aboutit à une lésion mécanique des cellules de la moelle, associée à une interruption de la microvascularisation, une initiation de signaux pro-apoptotiques, aboutissant finalement à l’ischémie. Dans le même temps, la barrière hémato médullaire endommagée autorise l’afflux de peptides vasoactifs, de cytokines et de cellules migrogliales pro inflammatoires de type M1, aboutissant à l’extension secondaire de la lésion. L’ensemble de ces mécanismes aboutit à la genèse d’un milieu cytotoxique, activant la microglie avec pour conséquence finale la création de la cicatrice gliale(8). Dans le cas de moelles fixées, chaque mouvement peut être assimilé à un microtraumatisme, consistant en l’étirement brutal de la moelle. Par extension, on peut donc imaginer que des processus inflammatoires soient impliqués dans la souffrance médullaire des moelles fixées. Dans la revue de la littérature, peu de papiers étudient la question des marqueurs inflammatoires dans des échantillons de LCR de patients porteurs de moelle attachée. Maurya et al. étudient les variations de la Glial Fibrillary Acid Protein (GFAP), la Calcium Binding Protein S100 (S100B) et des lactates, dans le LCR avant et après chirurgie de libération médullaire (9). Leurs résultats montrent une diminution franche de ces trois marqueurs, 3 mois après chirurgie de défixation. La GFAP reflète les dommages gliaux et neuronaux, la S100B est un marqueur direct de l’inflammation tandis que les lactates sont liés à l’ischémie. Une étude liée à l’analyse de la placode dans les myeloméningocèles a également retrouvé plusieurs marqueurs d’inflammation, tels que le tumor necrosis factor (TNF), l’interleukine 1B (IL 1B)et le récepteur de l’interleukine 1B (IL 1B-R), l’érythropoietine neuroprotective le récepteur de l’érythropoietine (10). Une autre étude s’intéresse à l’activation de cascades pro-inflammatoires et pro-apoptotiques dans la chirurgie de défixation médullaire pour myéloméningocèle. Celle-ci montre un profil pro inflammatoire des cellules microgliales et des astrocytes, ainsi qu’une élévation des marqueurs inflammatoires tels que IL 1B, IL 1B-R, TNF et TNF-R(11). Dans notre centre, le nombre habituel de chirurgie de défixation médullaire chez des enfants s’élève à une cinquantaine par an, toutes causes confondues (myéloméningocèle, méningocèle, filum court, lipomes). L’habitude est de les opérer avant 1 an, avant l’apprentissage de la marche. Les suites opératoires sont habituellement soit simples, soit marquées par une détérioration souvent sphinctérienne, dominée notamment par une dysurie pouvant nécessiter le recours aux sondages. Or, le profil évolutif post opératoire est assez aléatoire, et il nous est impossible de prédire quel patient aura des suites simples, et lequel aura une dégradation neurologique. Partant de ce constat, nous souhaiterions étudier le rôle de l’inflammation dans la souffrance médullaire de ces patients, la corréler aux résultats post opératoires et éventuellement débuter un protocole de traitement anti-inflammatoire préventif avant la chirurgie. Afin de tester ces hypothèses, nous comptons mener une étude en plusieurs étapes : - Dans un premier temps, nous allons collecter le LCR des patients bénéficiant d’une chirurgie de défixation médullaire, incluant les filums courts, lipomes, myéloméningocèles et méningocèles. Des études protéomiques seront menées sur les échantillons, afin d’identifier la présence de protéines et cellules inflammatoires. Les prélèvements de LCR seront réalisés sur un patient endormi, juste avant de commencer le geste opératoire de défixation. Dans le même temps, un prélèvement sanguin sera réalisé, afin de faire une analyse systémique des marqueurs de l’inflammation. L’étude protéomique sera corrélée aux données cliniques pré et post opératoires. - Si la première étape conclut à une activation de la réponse inflammatoire, nous étudierons les effets d’un traitement corticoïde sur cette réponse. Nous introduirons donc une corticothérapie à hauteur de 1mg/kg/jour, démarrée 5 jours avant la chirurgie. Les prélèvements de LCR et de sang seront à nouveau réalisés au moment de la chirurgie, et les mêmes analyses seront menées, pour établir une éventuelle inhibition de la réponse inflammatoire après imbibition en corticoïdes. - Ces études protéomiques seront corrélées à une étude clinique, comparant les suites opératoires avec et sans corticothérapie. Les éléments cliniques monitorés seront les fonctions motrice, sensitive, urinaire et anale, selon la classification de NEM score(12) L'objectif principal de l’étude est donc de démontrer le rôle de l’inflammation dans la souffrance médullaire chez les patients porteur d’un syndrome de fixation médullaire. L’objectif secondaire est de démontrer l’efficacité préventive de la corticothérapie à faible dose, dans la chirurgie de défixation médullaire. Plan de l’étude : - Phase 1: De Décembre 2021 à Septembre 2022: recueil LCR et sang au bloc opératoire, chez des patients opérés d’une défixation médullaire, hors de tout traitement médicamenteux inflammatoire pré opératoire. Seront inclus : patients mineurs, opérés d’un fiilum lipomateux, d’une méningocèle, d’une myéloméningocèle, d’un myélolipome. Les patients adultes ou sous traitement anti inflammatoire seront exclus, de même que ceux dont l’accord des représentants légaux n’aura pas été obtenu. Ces prélèvements seront réalisés au bloc opératoire de neurochirurgie, au CHU de Lille, Hôpital Salengro. Les prélèvements comprendont 2 mL de LCR, prélevés au moment de l’ouverture durale et 2 mL de sang, prélevés par l’équipe d’anesthésie, de manière concomitante, sur voie veineuse périphérique posée pour la chirurgie. Le LCR sera recueilli dans 2 tubes secs, le sang sur tube EDTA, qui seront conservés au réfrigirateur à 4°C, avant transport vers le laboratoire PRISM du Pr Salzet, localisé à Villeneuve d’Ascq. Ces prélèvements n’ajouteront donc pas de morbidité à la chirurgie, ni ne modifieront le geste. L’objectif sera d’inclure au moins 10 patients, ce qui parait adapté au vu des cohortes habituelles du CHU. Si ce nombre n’était pas obtenu, la période d’inclusion serait prolongée de 6 mois. Cette cohorte de patients, appelée cohorte 1, bénéficiera d’un suivi clinique rapproché, avec évaluation du NEM score pré opératoire, post opératoire immédiat, post opératoire à 3 mois et à 6 mois. - Phase 2 : Septembre à Octobre 2022 : Etude au laboratoire des échantillons. L’étude sera protéomique, et commencera par l’analyse spectrométrique des prélèvements, afin de déterminer l’ensemble du protéome présent. Ensuite, les protéines de l’inflammation seront recherchées et identifiées, permettant de compléter l’étude par une analyse quantitative de ces protéines (label free quantification obtenue en spectrométrie de masse et analyses Western Blot). Si cette phase ne montre pas d’inflammation dans le sang ni dans le LCR, elle marquera l’arrêt de l’étude, qui n’aura donc pas permis de démontrer la présence d’une réaction inflammatoire aigüe associée à la défixation médullaire. - Phase 3 : Octobre 2022 à Septembre 2023 : deuxième recueil LCR et sang, chez des patients traités au préalable par corticothérapie 1mg/kg/j. Les patients inclus seront mineurs, opérés d’un fiilum lipomateux, d’une méningocèle, d’une myéloméningocèle, d’un myélolipome. Les patients n’ayant pas eu de corticothérapie pré opératoire selon le protocole établi, ou sans thérapeutique anti inflammatoire autre, seront exclus, de même que ceux dont l’accord des représentants légaux n’aura pas été obtenu. Ces prélèvements, comme à la phase 1, seront réalisés au bloc opératoire de neurochirurgie, au CHU de Lille, Hôpital Salengro. Les prélèvements comprendont 2 mL de LCR, prélevés au moment de l’ouverture durale et 2 mL de sang, prélevés par l’équipe d’anesthésie, de manière concomitante, sur voie veineuse périphérique posée pour la chirurgie. Le LCR sera recueilli dans 2 tubes secs, le sang sur tube EDTA, qui seront conservés au réfrigirateur à 4°C, avant transport vers le laboratoire PRISM du Pr Salzet, localisé à Villeneuve d’Ascq. Ces prélèvements n’ajouteront donc pas de morbidité à la chirurgie, ni ne modifieront le geste. L’objectif sera d’inclure au moins 10 patients, ce qui parait adapté au vu des cohortes habituelles du CHU. Si ce nombre n’était pas obtenu, la période d’inclusion serait prolongée de 6 mois. Cette cohorte de patients, appelée cohorte 2, bénéficiera d’un suivi clinique rapproché, avec évaluation du NEM score pré opératoire, post opératoire immédiat, post opératoire à 3 mois et à 6 mois. - Phase 4 : Septembre 2023 à Octobre 2023 : De manière équivalente à la phase 2, étude au laboratoire des échantillons. L’étude sera protéomique, et commencera par l’analyse spectrométrique des prélèvements, afin de déterminer l’ensemble du protéome présent. Ensuite, les protéines de l’inflammation seront recherchées et identifiées, permettant de compléter l’étude par une analyse quantitative de ces protéines (label free quantification obtenue en spectrométrie de masse et analyses Western Blot). Cette étude sera suivie de la comparaison des résultats biologiques obtenus dans les 2 cohortes. - Phase 5 : Mars 2024- Avril 2024 : comparaison des résultats cliniques des 2 cohortes, au terme du suivi de la cohorte 2 (NEM score pré opératoire, post opératoire, post opératoire 3 mois et post opératoire 6 mois). Les résultats cliniques seront également analysés en fonction des résultats biologiques, l’objectif de l’étude étant de démontrer une efficacité clinique de la corticothérapie via la réduction de l’inflammation. - Fin d’étude prévisionnelle : Avril 2024 La durée totale de l’étude sera donc de 30 mois, pouvant être allongée jusque 42 mois maximum en cas de défaut de recrutement. Références 1. Liu F-Y, Li J-F, Guan X, Luo X-F, Wang Z-L, Dang Q-H. SEM study on filum terminale with tethered cord syndrome. Childs Nerv Syst ChNS Off J Int Soc Pediatr Neurosurg. déc 2011;27(12):2141‑4. 2. Greenberg MS (ed): Handbook of Neurosurgery. New York: Thieme, 2001 - Recherche Google [Internet]. [cité 6 juill 2021]. Disponible sur: https://www.google.com/search?rlz=1C5CHFA_enFR954FR954&q=Greenberg+MS+(ed):+Handbook+of+Neurosurgery.+New+York:+Thieme,+2001&spell=1&sa=X&ved=2ahUKEwiow_S0u87xAhUBSxoKHa0sAdIQBSgAegQIARA2&biw=1200&bih=833 3. Tani S, Yamada S, Fuse T, Nakamura N. [Changes in lumbosacral canal length during flexion and extension--dynamic effect on the elongated spinal cord in the tethered spinal cord]. No To Shinkei. déc 1991;43(12):1121‑5. 4. Yamada S, Zinke DE, Sanders D. Pathophysiology of « tethered cord syndrome ». J Neurosurg. avr 1981;54(4):494‑503. 5. Schneider SJ, Rosenthal AD, Greenberg BM, Danto J. A preliminary report on the use of laser-Doppler flowmetry during tethered spinal cord release. Neurosurgery. févr 1993;32(2):214‑7; discussion 217-218. 6. Yamada S, Won DJ, Pezeshkpour G, Yamada BS, Yamada SM, Siddiqi J, et al. Pathophysiology of tethered cord syndrome and similar complex disorders. Neurosurg Focus. 2007;23(2):E6. 7. Yamada S, Won DJ, Yamada SM. Pathophysiology of tethered cord syndrome: correlation with symptomatology. Neurosurg Focus. 15 févr 2004;16(2):E6. 8. Ahuja CS, Nori S, Tetreault L, Wilson J, Kwon B, Harrop J, et al. Traumatic Spinal Cord Injury-Repair and Regeneration. Neurosurgery. 1 mars 2017;80(3S):S9‑22. 9. Maurya VP, Rajappa M, Wadwekar V, Narayan SK, Barathi D, Madhugiri VS. Tethered Cord Syndrome-A Study of the Short-Term Effects of Surgical Detethering on Markers of Neuronal Injury and Electrophysiologic Parameters. World Neurosurg. oct 2016;94:239‑47. 10. Kowitzke B, Cohrs G, Leuschner I, Koch A, Synowitz M, Mehdorn HM, et al. Cellular Profiles and Molecular Mediators of Lesion Cascades in the Placode in Human Open Spinal Neural Tube Defects. J Neuropathol Exp Neurol. sept 2016;75(9):827‑42. 11. Cohrs G, Drucks B, Sürie J-P, Vokuhl C, Synowitz M, Held-Feindt J, et al. Expression profiles of pro-inflammatory and pro-apoptotic mediators in secondary tethered cord syndrome after myelomeningocele repair surgery. Childs Nerv Syst ChNS Off J Int Soc Pediatr Neurosurg. févr 2019;35(2):315‑28. 12. Pierre-Kahn A, Zerah M, Renier D, Cinalli G, Sainte-Rose C, Lellouch-Tubiana A, et al. Congenital lumbosacral lipomas. Childs Nerv Syst ChNS Off J Int Soc Pediatr Neurosurg. juin 1997;13(6):298‑334; discussion 335.