L'usance commune de parler" : les représentations du parler quotidien dans les devis facétieux (1480-1580)

"The common manner of speaking" : daily language and its representations in facetious dialogues (1480-1580)

• Auteur / Autrice : Amina Houaraoudji
• Direction : Marie-Claire Thomine-Bichard
• Type : Projet de thèse
• Discipline(s) : Langue et littérature françaises
• Date : Inscription en doctorat le 09/09/2019
• Etablissement(s) : Université de Lille (2022-....)
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de l'homme et de la société (Lille ; 2006-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Analyses Littéraires et Histoire de la Langue

Mots clés

Mots clés libres

Devis

Facétie

Sociolinguistique

Normes linguistiques

Rire et sociabilité

Marges

Dialogues

Facetious

Sociolinguistics

Linguistic standards

Laughter and sociability

Margins

Résumé

Nous nous proposons d'étudier les représentations du « parler » quotidien, dans un corpus de textes facétieux dialogués (des « devis » selon la terminologie de l'époque), s'étendant de la fin du XVe siècle au tournant du XVIe siècle, et mettant en scène le petit peuple de la province devisant. Notre problématique consistera à analyser en termes de marges les représentations de l'interlocution quotidienne, qui posent la question du « bien-dire », centrale dans les débats philologiques, rhétoriques mais aussi moraux du XVIe siècle. Nous souhaitons ainsi voir dans le genre du devis la mise en place d'un champ littéraire spécifique, amorcée dès la fin du XVe siècle, qui interroge à même l'interaction facétieuse (c'est-à-dire à même la langue en mouvement), entre devisants de basse extraction, le rapport du langage à la norme, du parler au bien-dire, à une époque de "normativisation" de la langue française (S. Auroux).

Nous nous proposons d'étudier les représentations du « parler » quotidien, dans un corpus de textes facétieux dialogués (des « devis » selon la terminologie de l'époque), s'étendant de la fin du XVe siècle au tournant du XVIe siècle, et mettant en scène le petit peuple de la province devisant. Notre problématique consistera à analyser en termes de marges les représentations de l'interlocution quotidienne, qui posent la question du « bien-dire », centrale dans les débats philologiques, rhétoriques mais aussi moraux du XVIe siècle. Nous souhaitons ainsi voir dans le genre du devis la mise en place d'un champ littéraire spécifique, amorcée dès la fin du XVe siècle, qui interroge à même l'interaction facétieuse (c'est-à-dire à même la langue en mouvement), entre devisants de basse extraction, le rapport du langage à la norme, du parler au bien-dire Concernant le versant moral, rappelons brièvement les travaux des historiens, tels que N. Elias, ou R. Muchembled, qui s'attachent à décrire la progression d'un idéal de civilité qui exerce des « pressions culturelles nouvelles », auxquelles nos auteurs répondraient. En effet, la mise en scène de l'interlocution paysanne dans les devis permettrait de renvoyer à un modèle préservé de communication où, en périphérie de la Cour, le parler supplante le bien-dire, et où ce que la linguistique moderne appellerait aujourd'hui la « norme spontanée », c'est-à-dire le langage naturel de la conversation, élude les normes contraignantes. L'opposition topique entre urbanitas (le lieu de la Cour) et rusticitas ne désigne plus seulement ici un conflit d'ordre géographique, mais ici la confrontation de deux idéaux. L'idéal d'urbanité (progressivement corrélé à l'idée « d'honnête homme », comme le démontre l'étude du terme par G. Matoré) vient affronter le naturel rustique. Or cet idéal de l'homme urbain repose sur un critère de civilité essentiel, celui de la conversation. Autrement dit, la dualité entre ces deux modes d'être et de communiquer en société passe par un rapport différé à une même valeur : celle de l'échange comme rituel de sociabilité. Il y a donc un geste fort de la part de nos auteurs qui replacent l'interlocution dans son terreau natal, celui de la conversation quotidienne (cette « usance commune du parler »), qui constitue le canevas du devis. La marge géographique (la campagne), sociale (c'est le peuple qui prend la parole) mais aussi générique devient, ainsi, un lieu prompt à repenser le rapport de la norme au langage, rapport subsumé par la question du bien-dire. La norme morale rejoint, ici, la norme linguistique. Le contexte linguistique du XVIe siècle est celui d'une « grammatisation » des langues, pour reprendre la terminologie de S. Auroux qui désigne par là la capacité d'un idiome à se doter d'outils métalinguistiques (de grammaires et de dictionnaires, prototypiquement). De fait, les années 1540 et 1550 (dont trois de nos textes sont les contemporains) voient l'émergence d'une normativisation progressive de la « langue française ». Cette édification de normes linguistiques va de pair avec ce que R. Lafont qualifie de « colonialisme intérieur » pour désigner la situation linguistique des différents parlers vernaculaires au XVIe siècle, en situation progressive de minorité face à l'émergence d'une norme langagière. Ce terme de « colonialisme » n'est pas innocent dans le cadre d'un travail sur les « marges », et nous invite à étudier, sur les pas des post-colonial studies, la manière dont nos textes littéraires opèrent des gestes conscients de distanciation, ou d'écarts (relayés par la thématisation des marges géographiques et sociales dans nos textes), par l'élection d'un certain nombre de valeurs littéraires. Or voilà la caractéristique essentielle de ce que N. Blanchard et T. Mannaig nomment les « littératures périphériques » : ce geste même de distanciation. En effet, nos devis répondent de différentes manières à cette émergence de prescriptions linguistiques normatives, calquées sur les valeurs d'un français de plus en plus centralisé par les usages de la Cour. D'abord, la construction consciente d'un parler qui serait celui du quotidien (donc toujours surpris dans un rapport d'interaction dynamique) court-circuite la conception d'une langue dont il faudrait fixer les usages. Il s'agirait là de procéder à une étude des écarts stylistiques (qui sont aussi linguistiques), parmi lesquels nous pouvons nommer les dérivations. Ici, l'intertexte ne renvoie plus seulement à un procédé comique déjà éprouvé. En plein contexte de débats linguistiques sur l'enrichissement de la langue française, la copia interroge à même la langue littéraire le bon goût des néologismes. Nous nous proposons d'étudier les représentations du « parler » quotidien, dans un corpus de textes facétieux dialogués (des « devis » selon la terminologie de l'époque), s'étendant de la fin du XVe siècle au tournant du XVIe siècle, et mettant en scène le petit peuple de la province devisant. Notre problématique consistera à analyser en termes de marges les représentations de l'interlocution quotidienne, qui posent la question du « bien-dire », centrale dans les débats philologiques, rhétoriques mais aussi moraux du XVIe siècle. Nous souhaitons ainsi voir dans le genre du devis la mise en place d'un champ littéraire spécifique, amorcée dès la fin du XVe siècle, qui interroge à même l'interaction facétieuse (c'est-à-dire à même la langue en mouvement), entre devisants de basse extraction, le rapport du langage à la norme, du parler au bien-dire, à une époque de "normativisation" de la langue française (S. Auroux).