Thèse en cours

Fabrication d'une figure héroïque : le règne de l'infante Isabelle-Claire-Eugénie dans les Pays-Bas espagnols (1599-1633)
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Auteur / Autrice : Mathilde Vergnaud
Direction : Sarah Voinier
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Etudes hispaniques
Date : Inscription en doctorat le 16/11/2021
Etablissement(s) : Artois
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale en Sciences humaines et sociales
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Textes et Cultures

Résumé

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Le sujet de cette thèse porte sur Isabelle-Claire-Eugénie et, plus précisément, sur la construction d'images et de représentations politiques qui en ont été faites au tournant du XVIIe siècle, sur la période où elle fut aux côtés de son époux l'archiduc Albert souveraine puis gouvernante des Pays-Bas espagnols. Deux périodes se distinguent très clairement dans la vie de l'Infante. Depuis sa naissance jusqu'à son mariage, juste après la mort de Philippe II, elle passa sa vie à la cour de Madrid aux côtés de son père. Cette période fut celle de l'apprentissage politique, dans l'observation et le conseil du roi qui lui prêtait une attention et une écoute particulières. Ainsi l'Infante profitait-elle d'un prestige politique et d'un rayonnement courtisan au sein du gouvernement monarchique en tout point propice à sa destinée postérieure. Son mariage marqua son départ de la cour d'Espagne où elle ne revint jamais. La deuxième partie de sa vie se déroula à Bruxelles d'où elle sillonna les Flandres espagnoles à la rencontre de ses sujets catholiques. Notons que cette période flamande s'articule autour de deux temporalités bien distinctes. Dans un premier temps, Isabelle gouverna conjointement avec son mari, Albert II d'Autriche : ils furent souverains de ces territoires qui leur furent cédés à leur mariage. Même si ces territoires ne dépendaient pas officiellement du gouvernement de Madrid, le couple archiducal et Philippe III s'appliquaient à mener une politique commune visant à étendre et consolider le pouvoir de la Monarchie hispanique par la restauration et l'affirmation de la religion catholique dans tous les territoires qui la composaient. Après le décès d'Albert, Isabelle-Claire-Eugénie resta à la tête du gouvernement des Pays-Bas espagnols, cette fois sous l'autorité officielle de Madrid puisqu'elle n'eut pas de descendance, et prit l'habit religieux des franciscaines. Elle fut donc Infante, souveraine, gouvernante et religieuse. Travailler sur les représentations d'Isabelle-Claire-Eugénie permettrait de contribuer à mettre au jour son rôle politique et religieux pendant sa vie. L'enjeu est d'analyser la fabrication de son image à partir de discours à la fois textuels et iconographiques. Le recours au motif du triomphe dévoile une stratégie de célébration de sa figure et de son action politique et religieuse dans un contexte politique difficile où les conflits entre catholiques et protestants ravageaient le nord de l'Europe et menaçaient l'hégémonie espagnole. Il s'agirait de comprendre comment les diverses représentations d'Isabelle-Claire-Eugénie pouvaient servir, au-delà des circonstances historiques de son règne, la cause et les intérêts de la dynastie des Habsbourg. À quels éléments faisait-on appel pour construire l'image d'un idéal politique féminin au XVIIe siècle ? Dans quelle mesure ces représentations construites de toutes pièces s'inscrivaient-elles dans une logique politique visant à consolider et à perpétuer la puissance des Habsbourg en Europe ? Comment ces représentations circulaient-elles au sein des territoires ? Quelles en étaient les réceptions tant à l'échelle des Pays-Bas espagnols et de la Monarchie hispanique qu'à l'échelle européenne, en France, en Angleterre, en Allemagne ? À partir de quel moment le processus d' « héroïsation » s'est-il mis en place et selon quelles logiques idéologiques ? Quels en étaient les auteurs et les acteurs ? Toutes ces questions ont trait à la mise en forme d'une campagne de propagande au profit du pouvoir espagnol, depuis des territoires certes périphériques du point de vue de Madrid mais installés au cœur de l'Europe, dans le voisinage de catholiques rivaux et d'ennemis protestants. D'autre part, il serait intéressant d'observer et d'analyser comment la gouvernante était représentée par les protestants et les partis adverses qui cherchaient non seulement à étendre leur domination confessionnelle mais également à attaquer le pouvoir en place et à renverser la suprématie de l'Espagne catholique en Europe en affaiblissant la réputation de la dynastie régnante. À quelle facette de sa personnalité s'en prenaient-ils ? Sous quelles formes apparaissaient ces attaques ? Comment les écrits et les images ont-ils été utilisés et instrumentalisés pour déconstruire cette image de souveraine ou gouvernante exemplaire ? Qui en étaient les commanditaires? Comment circulaient ces écrits ? D'où provenaient-ils précisément ? Comment la dynastie répondait-elle à ces agressions? C'est à la guerre des plumes et des images autour d'Isabelle-Claire-Eugénie que nous inviterait une telle enquête. La gouvernance des Pays-Bas a plusieurs fois été aux mains de femmes, de sœurs et de filles de roi telles que Marguerite d'Autriche (gouvernante de 1507 à 1530), Marie de Hongrie (gouvernante de 1531 à 1555) et Marguerite de Parme (gouvernante de 1559 à 1567). Isabelle-Claire- Eugénie s'inscrit ainsi dans une lignée et une tradition de gouvernance féminine illustre qui inspira directement son action temporelle. Nous nous interrogerons donc sur les caractéristiques communes aux divers gouvernements féminins des Habsbourg. Comment les gouvernements féminins et plus largement le pouvoir au féminin ont-ils appuyé -voire inspiré- la politique de la branche espagnole de la dynastie ?