Thèse en cours

Pensée juridique, doctrines politiques et conceptions religieuses de la démocratie chrétienne en France et en Italie au XXe siècle. Étude comparée et confrontation de modèles.

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Auteur / Autrice : Sarah Thomas
Direction : François Jankowiak
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire du Droit et des Institutions
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2022
Etablissement(s) : université Paris-Saclay
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Droit, économie, management (Sceaux, Hauts-de-Seine ; 2020-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : DSR - Droit et Sociétés Religieuses
référent : Faculté de droit, économie, gestion

Résumé

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Les résonances singulières produites par la juxtaposition des deux termes de la « démocratie chrétienne », alliant le politique au religieux et – en un sens renouvelé l'éloignant de l'union traditionnelle du trône et de l'autel – le temporel au spirituel, pour être décelables depuis la période révolutionnaire française (Lamourette, 1791), n'ont à ce jour que peu retenu l'attention des historiens du droit. Un tel constat peut surprendre, alors même que certaines figures marquantes de la mouvance de la Démocratie chrétienne en France et en Italie étaient juristes, tels A. Champetier de Ribes, C. Corsanego, G. Dossetti, E. Duthoit, M. Hauriou, P. Pflimlin, A. Piccioni, A. Poher, R. Saleilles, R. Schuman ou P. E. Taviani. Ce courant protéiforme, ayant accueilli de multiples sensibilités, a déployé tout au long du XXe siècle des conceptions et manié des catégories juridiques très riches, apportant une contribution substantielle à l'histoire contemporaine de la pensée du droit. La thèse a pour ambition de caractériser et de retracer cette évolution humaine et intellectuelle des conceptions et raisonnements élaborés, défendus, véhiculés et pour certains mis en œuvre par les instances et les représentants de la démocratie chrétienne au sein des deux « nations-sœurs », la France et l'Italie, en matière de droit public interne et international (catégorie de la constitution comme norme fondamentale, droit des traités et conventions, organisations internationales, construction européenne, motif de la paix, droit public économique, engagement politique et citoyenneté, rôle des femmes – à l'image de G. Poinso Chapuis et G. Touquet –, sentiment d'affiliation et place ménagée au sein du mouvement aux non chrétiens et aux non croyants, droits de l'homme et libertés fondamentales, droit des relations Église-État en régime concordataire et en régime de séparation, laïcité et neutralité religieuses, morale et éthique) et relativement aux domaines « mixtes » et aux questions de droit privé (justice et justice sociale, droit de la famille et éducation, place des femmes, droit du travail et des relations sociales, statut des personnes en droit colonial). Un autre intérêt majeur d'une telle reconstitution historique comparée est de mettre en rapport ces catégories avec le substrat politique et religieux nourrissant le courant de la Démocratie chrétienne (héritage du catholicisme social et du catholicisme libéral, appréhensions de la « Question sociale », politique du Ralliement inaugurée par Léon XIII, système du non expedit jusqu'au pacte Gentiloni de 1913), au-delà de la seule problématique de la constitution d'un « parti catholique », et les scansions majeures de son évolution au XXe siècle, depuis la formation du Partito Popolare Italiano de don Luigi Sturzo, coïncidant avec la création en France de la CFTC (1919), jusqu'à 1978, « année des trois papes » mais aussi de l'assassinat d'Aldo Moro. Au sens large, les éléments de cette genèse doctrinale de la Democrazia cristiana italienne (créée en 1943) et du Mouvement républicain populaire (MRP), son homologue français fondé à la Libération, seront recueillis puis analysés sous plusieurs angles : l'inspiration des principes et valeurs du christianisme (par l'étude des écrits des grandes figures de la Démocratie chrétienne ainsi que celle des manifestes politiques et des programmes électoraux), l'organisation juridique et des principes de fonctionnement des instances internes des partis et, après la Seconde Guerre mondiale, des groupes parlementaires (statuts, organigrammes, modes de prise de décision, concertation et collégialité, dialectique centre-périphérie et subsidiarité, représentations extérieures et relations avec les autres formations politiques, notamment d'obédience marxiste), les liens entretenus avec les hiérarchies ecclésiastiques locales (épiscopats et, en leur sein, les cardinaux résidentiels) et avec le Saint-Siège, tant sous l'aspect institutionnel (Secrétairerie d'État, Saint-Office, congrégation Consistoriale, congrégation de la Propagande pour les questions missionnaires) que sur les attitudes adoptées vis-à-vis des évolutions ecclésiologiques promues par le concile Vatican II et sur celles nourries à l'égard de l'enseignement magistériel des papes et de la « doctrine sociale de l'Église », de Benoît XV (1914-1922) à Paul VI (1963-1978).