Thèse soutenue

Projeter en maquettes, au-delà du plan : le matériau comme règle du modèle

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Auteur / Autrice : Christel Marchiaro
Direction : Paolo Amaldi
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Architecture, culture, projet
Date : Soutenance le 27/11/2023
Etablissement(s) : Université Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Langue, littérature, image, civilisations et sciences humaines (domaines francophone et anglophone) (Paris ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'étude et de recherche interdisciplinaire de l'UFR LAC (Paris ; 2009-....)
Jury : Président / Présidente : Valéry Didelon
Examinateurs / Examinatrices : Véronique Patteeuw, Anna Rosellini
Rapporteur / Rapporteuse : Jean-Pierre Chupin, Artur Rozestraten

Résumé

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Depuis les années 1990, alors que le numérique se développe, les architectes produisent de plus en plus de maquettes physiques, pour concevoir comme pour montrer le processus de conception. En témoignent leurs productions, publications, expositions, enseignements. Le phénomène reste non interrogé, pourtant signe d'une conception désormais, essentiellement, voire directement, en volume. Serait-ce la fin de l'hégémonie du plan dans la conception architecturale ? Si la géométrie ou la typologie ne sont plus les modalités de la composition, par quelles règles serait-elles remplacées en maquette ? Au-delà, je m'intéresse au projet. Anticipation opératoire de type flou, générant une itération conception/réalisation, réduisant peu à peu les incertitudes, il esquisse une nouvelle forme d'avenir. Les traces de la conception résidant dans sa matérialisation, je me concentre sur la production que les architectes font de leurs mains, dessins et maquettes, en particulier ces dernières, entre abstraction intellectuelle et construction matérielle. Les exégètes convoquent régulièrement la définition inaugurale de la maquette en ouverture du Livre II Materia du De re ædificatoria d'Alberti. Mais quel rapport entre materia et modulo (dans le texte en latin) ? La maquette-module mesurerait-elle le matériau ? Pour Alberti, elle doit être simple et nue, en planchettes de bois ou autre, dans tous les cas un mono-matériau abstrait permettant la simplification modélisante nécessaire au projet. Le matériau serait-il la règle du modèle, par-là, celle du projet sur la forme et l'espace ? En guise d'hypothèse, je propose une catégorisation selon des opérations manuelles de transformation de la matière : modeler/additionner, sculpter/soustraire, multiplier/mouler ; complétées par des opérations intellectuelles de transposition du matériau : diviser (comme les planchettes albertiennes analogiques au mur en moellons issus de l'extraction et de la division de la pierre) décliné en : empiler des blocs, équilibrer des éléments linéaires et plier des surfaces. En découle un corpus de maquettes apparues à des moments de l'histoire où un changement de matériau a induit une nouvelle conception du rapport espace/forme. Les sources ayant majoritairement disparu ou étant mal accessibles, je déplace mon regard de l'observation de la maquette à sa fabrication. Leroi-Gourhan, Simondon, Lévi-Strauss, préconisent de refaire les objets techniques pour les comprendre par leur fabrication. Ceux-ci n'étant pas des médiums de projet, j'adopte la posture du praticien réflexif. En situation d'analyse et de projet j'expérimente les procédés liés aux matériaux en fabriquant des re-maquettes du corpus. J'établis leurs chaînes opératoires pour retrouver les gestes du faire et du penser, comprendre les liens entre savoirs et savoir-faire et leurs conséquences sur la conception. Comme un projet, la thèse comporte : 1. Une partie théorique qui enquête sur l'étymologie et la sémantique de maquette et modèle à travers les traités, dictionnaires, encyclopédies et autres imprimés. Elle montre l'évolution des définitions, des matériaux et leurs rapports au projet. Avec le bozzetto en argile des statuaires et le modulo en bois des menuisiers, apparaît une double origine, plastique et tectonique, confirmant la catégorisation initiale. 2. Une partie pratique, composée des sous-parties plastique et tectonique, qui expérimente les procédés et matériaux, d'un côté, liés au bozzetto-maquette, de l'autre, au modulo-modèle. Les re-maquettes montrent comment les architectes s'approprient ce médium conceptuel et transforment en corollaire leurs pratiques de projet : selon un processus par itérations ou itinération ; dans un rapport maquette/édifice oscillant entre homologie et analogie ; établissant un nouveau rapport sujet/objet, la maquette repoussant l'emprise séculaire de l'optique par son caractère haptique, mettant à distance la géométrie, la perspective et finalement, les linéaments albertiens.