Thèse en cours

Une « philosophie des sciences sociales » du débat sur le calcul socialiste (1918-1939)

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Auteur / Autrice : Jean-François Colomban
Direction : Mélanie Plouviez
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Philosophie
Date : Inscription en doctorat le 01/11/2021
Etablissement(s) : Université Côte d'Azur
Ecole(s) doctorale(s) : SHAL - Sociétés, Humanités, Arts et Lettres
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : CENTRE DE RECHERCHE D'HISTOIRE DES IDÉES

Résumé

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En observant l'évolution des théories des prix depuis Adam Smith jusqu'à nos jours, il peut être tentant d'interpréter cette histoire comme le développement cumulatif d'une science des phénomènes économiques valide pour toute société (ou du moins toute société moderne), indépendamment des transformations socio-historiques dont les théoriciens économistes sont contemporains. À rebours de cette conception, dans la lignée de la « philosophie des sciences sociales » défendue par B. Karsenti, elle-même inspirée des travaux de Durkheim, de Mannheim et d'Elias, on ne saurait comprendre la façon dont émerge, se maintient, ou décline une science sans rapporter cette dernière à la société dont elle émane. Considérer les théoriciens comme des acteurs sociaux intégrés dans des groupes qui éprouvent le besoin, pour réaliser l'idéal social de leur groupe, de se saisir d'un objet précis pour le théoriser d'une certaine manière permet non seulement d'éclairer les dynamiques des sciences, mais encore, en examinant les sciences comme produit de la réflexivité de groupes sociaux déterminés, d'en apprendre davantage sur les groupes sociaux et plus largement sur les sociétés dont sont issus ces théoriciens -lesquels peuvent alors incarner individuellement l'aboutissement théorique d'une réflexivité collective. Voilà les deux objectifs centraux d'une telle démarche. Cette démarche se distingue d'autres histoires des idées dans la mesure où elle ne se limite pas à mettre en contexte des thèses pour mieux les comprendre (travail préalable toutefois précieux et nécessaire). Il s'agit d'élaborer des hypothèses sur la dynamique des réflexivités sociales ainsi que sur la forme concrète qu'elles prennent. On ne peut éclairer la dynamique des sciences (la formation de courants, l'instauration de débats etc.) et leur contenu (tel ou tel argument ou telle ou telle thèse) sans les rapporter à ce qui confère une valeur à ces travaux (et donc un moteur pour leur avancement), i.e. l'idéal social auxquels sont attachés les théoriciens considérés. Partant du triptyque mannheimien de ces idéaux (conservatisme, libéralisme, socialisme) et de leur dynamique de réponses mutuelles face aux critiques qu'ils portent, il s'agirait de montrer comment cette réflexivité se déploie et n'aurait pu le faire autrement (sans pour autant écarter toute contingence). C'est dans cette perspective que je m'intéresse au débat sur le calcul socialiste, essentiellement dans l'espace allemand et autrichien durant l'entre-deux-guerres ; un débat saisi comme une confrontation de réflexivités fondées dans des idéaux sociaux opposés (libéralisme et socialisme). Le travail sur ce débat dans le cadre de cette méthode aboutit à répondre à deux interrogations. D'une part, pourquoi la théorie autrichienne libérale s'oriente vers la constitution d'une science économique qui s'éloigne des sciences sociales, alors que les socialistes (notamment autrichien et allemands) s'en rapprochent ? D'autre part, pourquoi, à ce moment de refondation des sciences économique, d'un côté, via Otto Neurath, émergent les prémices d'une science économique adaptée à nos enjeux écologiques contemporains (délaissant la seule étude des flux monétaires pour recentrer la focale sur les flux physiques de ressources), et d'un autre côté, cette piste est verrouillée par Ludwig von Mises, au point où les sciences économiques peinent encore aujourd'hui à se saisir pleinement des enjeux écologiques ? Comprendre ce qui se joue dans les sciences économiques à ce moment permettrait d'en apprendre davantage sur les dynamiques contemporaines des sciences économiques (notamment sur leurs blocages concernant les enjeux contemporains), ainsi que sur les groupes porteurs de ces théories.