Thèse en cours

L'adversité précoce et ses conséquences psychopathologiques peuvent-elles résulter sur un accroissement de l'hétérogénéité cognitive et faire le lien entre les conceptions divergentes du Haut Potentiel Intellectuel (HPI) ?

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Auteur / Autrice : Nathalie Boisselier
Direction : Andrea Soubelet
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Psychologie
Date : Inscription en doctorat le 01/07/2020
Etablissement(s) : Université Côte d'Azur
Ecole(s) doctorale(s) : SHAL - Sociétés, Humanités, Arts et Lettres
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : COGNITION BEHAVIOUR TECHNOLOGY

Résumé

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La question de savoir si le Haut Potentiel Intellectuel (HPI) constitue un facteur de risque ou de protection contre les difficultés socio-émotionnelles et de santé mentale reste débattue, avec deux conceptions divergentes qui persistent dans la littérature. Le premier objectif de cette recherche était de déterminer si les expériences adverses de l'enfance (ACEs), incluant la maltraitance et la négligence, peuvent expliquer ces perspectives contrastées en distinguant les adultes HPI (Quotient Intellectuel, QI ≥ 130) rencontrant des difficultés de ceux qui n'en rapportent pas. Le second objectif était d'examiner si les ACEs sont liées à une hétérogénéité cognitive accrue, et si celle-ci caractérise des adultes HPI les plus vulnérables sur le plan psychopathologique et socio-émotionnel. Pour répondre à ces objectifs, 245 adultes HPI (Mâge = 41,71 ans ; MQI = 137,87) et 205 témoins (Mâge = 33,36 ; MQI = 116,11) ont complété des questionnaires en ligne évaluant les ACEs, le Trouble du Stress Post-Traumatique (TSPT), la dissociation, l'anxiété, la régulation émotionnelle, et le bien-être psychologique. Les données relatives au profil neurocognitif ont aussi été recueillies. Pour le premier objectif, les résultats montrent que l'exposition aux ACEs est fortement associée à des scores plus hauts de dissociation et d'anxiété-trait. Par exemple, la multiplicité des ACEs prédit des niveaux plus élevés d'absorption dans les pensées (ρ = .22 ; p < .001) et d'anxiété (ρ = .25 ; p < .001). Peu de liens significatifs sont observés entre les ACEs et le TSPT, la régulation émotionnelle, et le bien-être psychologique. De plus, QI Total (QIT) élevé ne protège pas contre ces difficultés. Il s'associe même parfois à des difficultés, incluant des comportements impulsifs accrus (ρ = .15 ; p = .004), un sentiment de maîtrise de l'environnement réduit (ρ = -.12 ; p = .028), et des relations sociales altérées (ρ = -.10 ; p = .046). Aucune association n'est observée entre le QI et l'anxiété. La modération du QI sur la relation entre l'adversité précoce et les difficultés socio-émotionnelles est partiellement confirmée, avec des effets protecteurs et aggravants observés. Le QIT modère ainsi positivement la relation entre les abus sexuels et les difficultés de régulation émotionnelle, et négativement la relation entre la violence sur les frères et sœurs et les comportements impulsifs. Enfin, les résultats indiquent plus de difficultés de régulation émotionnelle et un bien-être affecté chez les adultes HPI présentant des symptômes du TSPT. Pour le deuxième objectif, nous montrons que l'hétérogénéité cognitive n'est pas liée aux ACEs ni aux difficultés socio-émotionnelles. Les analyses de médiation modérée n'ont pas soutenu l'hypothèse selon laquelle l'hétérogénéité cognitive pourrait expliquer la relation entre les ACEs et les troubles socio-émotionnels, quel que soit le niveau de QI. En conclusion, deux facteurs semblent distinguer les adultes HPI rapportant des difficultés socio-émotionnelles et de santé mentale de ceux qui n'en rapportent pas : la maltraitance et la négligence pour ce qui concerne l'anxiété et la dissociation, et des symptômes actuels d'un TSPT associé à des abus précoces pour le bien-être psychologique et la régulation émotionnelle, sans que le trouble atteigne forcément le seuil diagnostique. Néanmoins, il est envisageable que tous les adultes HPI, indépendamment de leur historique de maltraitance et de l'homogénéité de leur profil neurocognitif, rencontrent des difficultés de régulation émotionnelle incluant des comportements impulsifs et des difficultés à accéder à des stratégies de régulation émotionnelle efficaces, ainsi que des difficultés dans les interrelations et l'acceptation de soi. Nos résultats montrent qu'une forte proportion d'adultes HPI a subi la maltraitance et la négligence dans l'enfance, suggérant une surreprésentation en consultation de santé mentale. Néanmoins, des symptômes du TSPT sous le seuil syndromique, une sous-estimation des effets néfastes des abus émotionnels par rapport aux abus physiques, une surévaluation du rôle protecteur du QI, et une surinterprétation de l'hétérogénéité cognitive peuvent avoir au fil du temps contribué à la persistance d'une vision négative du HPI parmi les cliniciens et dans une partie de la littérature. Mais une certaine complexité pourrait aussi avoir été gommée dans la littérature polarisée autour de deux visions du HPI mutuellement exclusives. Malgré les contributions de notre recherche, certaines limites demeurent. De futures recherches devront notamment explorer le rôle de la résilience ainsi que d'autres facteurs potentiellement confondants, tels que des troubles sous-jacents ou le statut socioéconomique actuel et passé.