Modélisation dynamique multirégionale de la demande en énergie, matériaux et infrastructures
Auteur / Autrice : | François Verzier |
Direction : | Olivier Vidal |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Sciences de la Terre et de l'Environnement |
Date : | Inscription en doctorat le 01/11/2021 |
Etablissement(s) : | Université Grenoble Alpes |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de la Terre de l'Environnement et des Planètes |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut des Sciences de la Terre |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Cadre général La baisse des émissions de gaz à effet de serre est un enjeu crucial du 21° siècle pour limiter le réchauffement global. Les accords de Paris (COP21) prévoient une incorporation d'au minimum 30% d'énergie renouvelable en 2050 et l'atteinte de la neutralité carbone dans la deuxième moitié du siècle. Cette transition vers les énergies renouvelables (EnR) implique de bâtir une nouvelle infrastructure de production, de stockage, de transport et d'utilisation d'énergie. Or les EnR sont des énergies de flux intermittentes et diluées qui nécessitent de grandes infrastructures pour être capturées afin de produire l'électricité. Pour cette raison, les infrastructures d'EnR sont beaucoup plus gourmandes en matières premières que les centrales électriques conventionnelles et on s'attend à ce que la capacité d'effectuer la transition énergétique soit conditionnée par la disponibilité d'une grande variété de métaux, qui sont d'autres ressources fossiles (Vidal et al., 2013; 2016, 2017 ; 2019; Vidal, 2017, 2018; Ali et al., 2017). Le lien entre matières premières et énergie est à double sens : il faut des matières premières pour construire l'infrastructure d'énergie, mais il faut également de l'énergie pour produire les matières et les transformer en une infrastructure (actuellement, 35% de l'énergie consommée par le secteur industriel au niveau mondial est utilisée pour la production des matières minérales). La surconsommation de métaux due à la transition énergétique s'inscrit par ailleurs dans un contexte de croissance forte de la demande dû au développement économique rapide de grands pays à forte population (Chine, Inde, Afrique). Pour ces raisons, la disponibilité future de la ressource ainsi que le coût énergétique et les impacts environnementaux de leur production sont questionnés. Or la plupart des scénarios énergétiques publiés omettent ces contraintes et se focalisent sur les capacités industrielles et les coûts économiques. Pour essayer d'apporter des éléments de réponses quantifiées, Isterre développe depuis trois ans un modèle dynamique (DyMEMDS) capable de transformer les scénarios en infrastructure de production et de consommation d'énergie, puis en besoins matière. Il est ensuite possible d'estimer 1) les quantités de matière primaire et recyclée mobilisées et de les comparer à l'évolution future des réserves 2) les quantités de CO2 émises au cours de l'évolution du mix énergétique et des modes de consommation à la fois localement, mais aussi dans les pays sources d'où nous importons les matières et produits manufacturés, 3) l'énergie consommée pour produire les matières et l'énergie totale pour produire toute l'infrastructure de production et de consommation d'énergie, 4) les impacts en termes de réchauffement global et de consommation d'eau. L'originalité de notre modèle est de faire un lien explicite entre PIB/hab, population, énergie, matière, prix et réserves, CO2 et eau. DyMEMDS permet ainsi de reproduire les évolutions passées depuis 1900 jusqu'à aujourd'hui et a été testé avec succès au niveau mondial, pour la France, les USA et la Chine. Cela valide les hypothèses du modèle et donne une certaine confiance dans ses capacités de prédiction des évolutions futures. Une autre originalité est de couvrir toute la chaine de l'énergie depuis la production primaire jusqu'aux secteurs de consommation et d'estimer les productions primaires et secondaires ainsi que les impacts de manière dynamique par une approche stock and flow (type modèle World du Club de Rome). Enfin, un module de production estimant les coûts de production (le prix) et donc les réserves futures des matières premières est également implémenté, qui prend en compte l'évolution de la qualité des gisements et de l'amélioration technologique au cours du temps. Une dynamique interne de type proie-prédateur (réserves-capital) est utilisable, qui semble être une alternative convaincante aux approches d'optimisation sous équilibre partiel ou total utilisées en économie (e.g. Modèle Tiam/Times de l'IFPEN-IEA, POLES de Gael Grenoble). Objectif de la thèse Si DyMEMDS possède de nombreux avantages par rapport à d'autres modèles existants, il possède aussi des inconvénients, dont deux limites majeures que nous souhaitons effacer dans le cadre du projet de thèse proposé : 1) Il s'agit d'un modèle scalaire qui ne décrit pas de manière explicite les flux de matière et d'énergie entre pays. L'évaluation de la vulnérabilité d'un pays due à sa dépendance aux importations est faite à partir du rapport production domestique/importation. Cette approche n'est pas satisfaisante, car le rapport varie au cours du temps et la vulnérabilité doit prendre en compte la diversité et la nature des pays sources. Nous proposons de passer à un modèle en deux dimensions où le modèle scalaire sera décliné localement pour quelques grandes régions géographiques (Europe, Amérique du nord et du sud, trois régions africaines, Australie, Chine, Russie, Inde et trois régions asiatiques). Les flux d'énergie et de matière entre ces régions seront implémentés. En outre, cette géographisation permettrait de mieux décrire les couplages entre énergie, matière et infrastructure/biens de consommation en fonction de l'évolution de PIB et population. Elle permettrait également d'analyser le risque avec une approche quantifiée possédant une unité physique ou monétaire (Risque(unité) = Aléa*vulnérabilité(unité)), ce qui n'a jamais été fait jusqu'à présent. L'unité est celle de la vulnérabilité, donc des conséquences de la réalisation d'un « accident » dont la probabilité d'occurrence est l'aléa. Cette approche devrait permettre d'aller plus loin que les analyses de criticité actuelles qui ne donnent que des résultats qualitatifs sans unité. Si le risque est évalué en unité monétaire, il est nécessaire d'inclure dans DyMEMDS des flux locaux et entre pays de monnaie. Là est la deuxième limite importante du modèle. 2) Il n'existe pas de flux de monnaie dans DyMEMDS car l'unité de base est le Joule. Nous souhaitons intégrer un modèle économique et le compléter avec des flux de monnaie basés sur ceux de l'énergie. Les relations énergie-monnaie sont assez simples : 1) le rapport Energie grise/prix est similaire pour la grande majorité des produits de consommation courants, avec une évolution en fonction du niveau de maturité et technologique des produits considérés (learning curves). On peut alors estimer l'énergie grise de n'importe quel produit fini à partir de son prix ou l'inverse. 2) La situation est différente pour les ressources fossiles et renouvelables, le rapport Energie grise/prix variant fortement depuis l'extraction de la ressource jusqu'au produit fini, d'un facteur 5 à 50 selon les ressources. Nous avons montré que le prix déflaté des ressources est cependant proportionnel à l'énergie de leur production, dont la variation au cours du temps est contrainte par l'amélioration technologique (baisse du coût de production) et la qualité de la ressources exploitée (augmentation du coût avec la baisse de qualité). Le modèle énergie-coût développé à Isterre (Vidal, 2017 ; Vidal, 2020) prend en compte l'énergie de broyage, l'entropie de mélange (séparation) et la métallurgie (variation de l'énergie libre de réaction phase porteuse métallique -> métal). Le même modèle peut être décliné pour le recyclage en fonction de la concentration des métaux dans les déchets. On peut ainsi estimer la recyclabilité en fonction du coût d'extraction par rapport au coût de production primaire. Une systématisation de l'approche avec nos collègues économistes (Francesco Ricci de l'université de Montpellier en co-encadrement de la thèse) devrait permettre de transformer les flux d'énergie sur lesquels DyMEMDS est construit, en flux de monnaie, et d'intégrer un modèle économique réaliste. Nous envisageons d'appliquer le modèle par pays producteurs, en fonction des caractéristiques géologiques des gisements exploités et ainsi d'estimer l'évolution des réserves. Il sera également possible de créer des flux de monnaie locaux et entre pays, en fonction du niveau de consommation et de production et consommation d'énergie et de produits finis.