Thèse en cours

Autour du basileus normanorum : étude sur l'assimilation et l'utilisation du droit romain dans l'espace de pouvoir anglo-normand (fin XIe-début XIIIe siècle)

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Guilhem Panaye
Direction : Gilduin Davy
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire du droit et des institutions
Date : Inscription en doctorat le 25/11/2021
Etablissement(s) : Paris 10
Ecole(s) doctorale(s) : École Doctorale Droit et Science Politique (Nanterre, Hauts-de-Seine ; 1992-...)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'histoire et anthropologie du droit (Nanterre)

Résumé

FR  |  
EN

Après plusieurs recherches menées sur le terrain des sources narratives afin de repérer les traces qu'auraient pu laisser la culture juridique antique dans les récits anglo-normands, il nous a semblé que le problème fondamental de l'assimilation du droit romain ne pouvait pas être traité sans s'atteler à une série de questions qui ne fait pas consensus aujourd'hui encore, et qui implique de faire remonter notre cadre chronologique d'investigation à la première moitié du XIe siècle (c'est-à-dire environ 50 ans plus tôt que prévu initialement) : Lanfranc de Pavie (mort en 1089) a-t-il importé un enseignement juridique romaniste - et les textes de référence par la même conséquence - depuis les écoles du Nord de l'Italie (Pavie) jusque dans les monastères normands (le Bec, Saint-Etienne de Caen) puis en Angleterre (archevêché de Canterbury) dans lesquels il a enseigné et cogouverné ? Nous disposons malheureusement de peu d'informations sur la formation Italienne de Lanfranc mais il est possible que nous trouvions un troisième chemin qui puisse nous permettre de sortir de cette question sans réponse univoque entre adhésion totale et le rejet radical. En effet, il semble que Lanfranc ait été a minima l'importateur d'une « visions nord-italienne » du trivium, c'est-à-dire d'une culture philosophique qui place la rhétorique au sommet de l'étude des voces (ou étude des mots, par opposition à l'étude des res, à travers le quadrivium) ; par opposition à la tradition carolingienne, qui place au contraire la grammaire comme télos du trivium. A défaut d'enseigner directement le droit romain, Lanfranc est-il alors responsable d'une nouvelle prédisposition d'esprit propice à la réception, plus tardive, du Corpus iuris ? Voici notre nouvelle préoccupation. Une réponse positive impliquerait de faire remonter au moins à la fin du XIe siècle l'émergence dans le(s) monde(s) normand(s) d'une forme de théologie juridique traditionnelle attribuée à Vacarius (mort vers 1200), étudiant bolonais ayant importé son fameux Liber pauperum destiné à l'étude du droit romain pour les novices anglais vers 1143-9. L'une des particularités les plus saillantes de l'apport du Liber pauperum est l'apport massif des brocards, c'est-à-dire de petites structures argumentatives standardisées destinées à servir aux plaideurs afin d'impressionner le juge. Cette nouvelle approche – le rapport de causalité entre l'apport dans le monde anglo-normand d'un nouvel enseignement rhétorique depuis le nord de l'Italie et l'assimilation du droit romain – nous permet de repenser le rôle qui sera progressivement attribué au langage juridique romain et de nous demander in fine quelle est sa performativité au XIIe siècle. Or, il est manifeste que l'interprétation et l'usage du droit romain ait dépassé le cadre de l'enseignement (écoles-cathédrales, écoles indépendantes et monastères). Nous pensons donc intégrer l'étude des théologiens proches du pouvoir (les auteurs de miroirs au prince en particulier) pour voir dans quelle mesure le droit romain a contribué à la construction d'une philosophie juridico-politique susceptible de modéliser le discours des rois anglo-normands. Nous voyons ici un second degré de performativité du droit romain médiéval. Enfin, nous projetons de mesurer la pénétration du droit romain dans les documents de la pratique, toujours en rapport avec le fil rouge que nous avons établi : le rapport entre droit romain et rhétorique. Il sera alors intéressant de repérer si les justiciables initiés au vocabulaire civiliste obtenaient gain de cause. Voici, selon nous un troisième terrain de performativité du droit romain au Moyen Âge.