Caliban Migrating, Caliban Settling : Les générations (Post)Windrush et le « droit à la ville » dans les uvres de George Lamming et Andrea Levy. Mémoire littéraire, histoire (photo)graphique et interventions muséales.
Auteur / Autrice : | Gina Cesto |
Direction : | Françoise Kral |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes |
Date : | Inscription en doctorat le 01/09/2021 |
Etablissement(s) : | Paris 10 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Lettres, langues, spectacles |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre de Recherches Anglophones |
Résumé
« Black and British » (Olusoga, 2016) : c'est en arborant cette double identité que les premiers migrants caribéens quittent en 1948 (date à laquelle fut acté le British Nationality Act), à bord de l'HMT Empire Windrush, leurs îles natales pour Tilbury. Événement amplement filmé et photographié afin de cristalliser ce fait historique, la naissance de la génération « Windrush » et son témoignage quant à son implantation en Angleterre demeure mineure dans l'histoire officielle britannique. C'est le roman migratoire caribéen qui s'empare alors de cette absence en narrant un récit historique en filigrane faisant concurrence à cette histoire britannique officielle. L'objet de ce travail de recherche vise à analyser l'implantation et la dure réalité des immigrés caribéens en métropole, communauté dont l'image fut réduite à un archétype du Caliban de Shakespeare. La littérature migratoire devient alors l'un des lieux où s'écrit une histoire parallèle et se fait témoignage textuelle de ces spectres invisibles dans l'histoire britannique. Parmi les auteurs qui illustrent le mieux l'arrivée, l'installation et le quotidien des Caribéens en métropole figurent George Lamming, auteur barbadien appartenant à la première vague migratoire et Andrea Levy, auteure jamaïcaine née en Angleterre qui reconstruit l'histoire de la génération Windrush dont elle est l'une des descendantes. La plume de Lamming dépeint dans les romans The Emigrants (1954), The Pleasures of Exile (1960) et Water With Berries (1971) la tension identitaire interne qui s'impose au Caribéen. Narrant une immersion au cur de la communauté caribéenne de Londres, Lamming endosse le rôle de participant-observateur se faisant témoin oculaire et restituteur d'un quotidien rythmé par la discrimination raciale et la découverte de l'Homme noir vu par le prisme de son hôte britannique blanc. Il instrumentalise la langue anglaise, paradoxalement celle du colonisateur, mais qui permet de recourir à cette perte de mémoire. Levy, au travers des romans Every Light in the House Burnin' (1994), Never Far From Nowhere (1996), Fruit of the Lemon (1999) et Small Island (2004), s'empare de son histoire familiale pour rendre hommage à cette première génération de migrants caribéens. Cet élan vers le « droit à la ville (Lefebvre, 1968) » est d'ailleurs protéiforme puisqu'aux récits migratoires de nos auteurs s'ajoute une mémoire photographique visant à déconstruire les clichés racisés attribués à tort au migrant. Cette mémoire photographique, au contraire, valorise une représentation du migrant au travers de laquelle ce dernier devient le metteur en scène, au-delà d'un simple sujet. Plusieurs travaux de photographes seront utilisés à cet effet. Ceux d'Ernest Dyche, photographe attitré des premiers migrants dès leur l'arrivée à Birmigham ; Howard Grey, dont les clichés de Caribéens pris en 1962 et perdus ont fait résurgence en 2014 ; Keith Piper et son exposition « Ghosting the archives » de 2005, témoin de la présence spectrales des Caribéens au travers de négatifs non développés et Jim Grover qui fit en 2018 une exposition intitulée « Windrush : Portrait of a Generation ». La place occupée par le Caribéen dans un espace qui l'invisibilise se redéfinie à la fois par la littérature, la photographie et les lieux de mémoire. Ce travail de recherche fait surtout résonance dans l'histoire britannique contemporaine puisque les écrits de Levy et Lamming voient leur importance resurgir à la lumière du « scandale du Windrush » de 2018. Aussi bien en 1948 qu'aujourd'hui, la question du « droit à la ville » demeure existentielle puisqu'elle n'est, in fine, que la lutte pour la reconnaissance au juste droit d'exister.