L'''Idara'' : l'étouffement des identités professionnelles, le cas des Directions culturelles de Rabat
Auteur / Autrice : | Chaimae Boulhilat |
Direction : | Saskia Cousin |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Inscription en doctorat le 22/11/2021 |
Etablissement(s) : | Paris 10 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Économie, organisations, société (Nanterre, Hauts-de-Seine ; 2000-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Sociologie, philosophie et socio-anthropologies politiques |
Mots clés
Résumé
En 1912, Rabat devient la capitale administrative du Maroc sous le régime du protectorat français. En 2012, soit 100 ans après, une partie des biens de la ville de Rabat est reconnue en tant que patrimoine mondial par l'UNESCO. Il a été, parallèlement, décerné à l'espace pris en compte dans cette patrimonialisation (biens et zones tampons) la mention de VUE (Valeur Universelle Exceptionnelle), un statut très privilégié qui sans l'ombre d'un doute accentue « la valeur » patrimoniale et identitaire de la ville. La capitale fut alors intitulée et « immatriculée » : « Rabat, capitale moderne et ville historique, un patrimoine en partage ». Il faut noter qu'au-delà de la patrimonialisation des biens, c'est l'essentiel de la ville qui bénéficie d'une configuration identitaire et territoriale. En 2014, le Ministère de l'Aménagement du territoire national amorce à son tour un projet urbain, on constate que Rabat est « doublement patrimonialisée ». La ville, est alors intronisée : « Rabat, la ville lumière et capitale culturelle du Maroc ». Bien que ce soit un projet de développement urbain il n'en reste pas moins que nous sommes face à une expression d'identification patrimoniale et territoriale tout aussi légitime que la précédente, car « la simple énonciation, d'un patrimoine, le fait de le nommer suffisent à légitimer sa reconnaissance comme bien collectif vécu et partagé par la population locale, fondant à la fois l'identité du groupe et du territoire ». (Bonnerandi,2005). Cependant, penser la mise en patrimoine demande aussi, de d'explorer et de réinterroger, le processus de patrimonialisation et la valeur qui lui est accordée, car étant, le résultat d'un construit, la question est donc de savoir dans quelles conditions est-il mobilisé, comment et par qui ? Dans une logique inverse, la question qui se pose aussi, est comment s'exprime la configuration et la mise en patrimoine de cet « espace patrimonial » ? Pour le cas de Rabat, à quoi fait référence cette notion « d'espace » ? Un territoire ? Une institution ? Un espace politique ? Ou de façon plus abstraite peut-on le penser et le comprendre comme un espace relatif au discours et à la narration ? Étant donné que la patrimonialisation est avant tout un jeu de mots, la construction d'une narration représente la première étape de toute mise en patrimoine. Par ailleurs, étant une notion protéiforme, il serait intéressant de s'interroger sur les différentes expressions et manifestations que met en exergue cette notion « d'espace », principalement à travers les décisions politiques et les actions publiques. Dans le cas de Rabat, comment la patrimonialisation devient un objet instrumentalisé et un outil ? Aussi, comment est-elle opératrice d'un changement social et institutionnel profond qui bouleverse la manière de constituer et de concevoir le patrimoine et la gestion de la culture ? Pour comprendre, il faut d'abord avoir à l'esprit que toute patrimonialisation s'enclenche pour des raisons essentiellement territoriales et identitaires, jusqu'ici la patrimonialisation au Maroc était dû à la dégradation d'un bien souvent à caractère historique. Néanmoins, si l'on prend en considération le cas de Rabat, quels sont les enjeux d'une nouvelle valeur identificatoire pour la capitale ? Pourquoi avoir recours au patrimoine quand les mots suffisent « à faire une ville » ? Les conditions de cette mise en patrimoine sont peut-être à chercher du côté du contexte territorial et géopolitique marocain tendu, lié à la reconnaissance et à la revendication territoriale du Sahara. Suivant cette hypothèse, ce processus de patrimonialisation est-il devenu, aujourd'hui, un recours nécessaire dans la revendication et la reconnaissance de son identité et de son territoire ? L'usage de ce processus pousse à interroger les rapports du politique à son territoire et à se demander si ce processus n'est pas devenu un outil répondant à des intérêts essentiellement politiques et diplomatiques. Par ailleurs, les politiques donnent-ils la possibilité à tous les citoyens d'être acteur dans ce processus de patrimonialisation en particulier quand il implique des enjeux politiques et territoriaux ? Suivant ces interrogations, cette recherche a pour but d'interroger et de mettre en avant les usages politiques de la patrimonialisation de Rabat et de son statut de « ville-patrimoine » comme processus de reconfiguration identitaire dans le but de remodeler les rapports de la capitale au(x) territoire(s) marocain(s). Enfin, il s'agit aussi de montrer comment les processus patrimoniaux deviennent des outils moteurs qui font naître de nouvelles configurations structurelles et institutionnelles afin de renforcer les différents rapports du politique à son environnement spatial.