Thèse en cours

La discipline budgétaire en Thaïlande

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Auteur / Autrice : Anan Krabuansri
Direction : Vincent Dussart
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit
Date : Inscription en doctorat le 31/08/2021
Etablissement(s) : Toulouse 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Droit et Science Politique
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : IMH - Institut Maurice Hauriou

Résumé

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Aujourd'hui, l'article 62 de la Constitution de 2017 prévoit que «l'État doit strictement maintenir sa discipline monétaire et financière afin de s'assurer que la situation monétaire et financière de l'État est durablement stable et sûre, conformément à la loi sur la discipline monétaire et financière de l'État, et doit mettre en place un système fiscal pour garantir l'équité dans la société. La loi sur la discipline monétaire et financière de l'État contient au moins des dispositions relatives au cadre de l'engagement des finances publiques et du budget de l'Etat, à l'exercice de la discipline fiscale tant budgétaire qu'extra-budgétaire, relatives aux dépenses budgétaires, à la gestion des biens de l'Etat et des réserves du Trésor et à la gestion de la dette publique.». L'enjeu est de comprendre ce que signifie selon, la Constitution thaïlandaise, la notion de « discipline monétaire et financière de l'État ». Peut-on la comparer à la discipline budgétaire européenne en vertu du traité de Maastricht ou bien à la Cour de discipline budgétaire et financière en France ou dans d'autres pays européens qui utilisent le même système juridique ou la théorie quantitative de la monnaie ? Comment est-elle appliquée ? Est-elle efficace ? En réalité, cette constitution n'est pas la première loi à mentionner la «discipline budgétaire». Dans le système juridique thaïlandais, et plus particulièrement dans le domaine du droit public financier, la « discipline » est mentionnée à plusieurs reprises avec des formulations différentes. Le terme « discipline » est apparu pour la première fois lors de la réforme du droit public en Thaïlande, où le système des finances publiques a radicalement changé entre 1992 et 1997. Dans le chapitre «Dispositions transitoires» de la Constitution de 1997, l'article 333 prévoit qu'«en plus des dispositions de la présente Constitution, la loi organique sur le contrôle de l'État doit contenir au moins les matières suivantes en tant que sa substance: (1) les pouvoirs et les devoirs de la Commission de contrôle de l'État, à savoir, l'élaboration de la politique, la fourniture de conseils et de recommandations, des recommandations relatives à la correction des défauts et erreurs dans le contrôle d'État, la prescription de règles standard pour le contrôle d'État, la prescription de règles et de procédures pour les actions disciplinaires en matière budgétaire et financière, la prescription de sanctions administratives, l'examen et la décision, en qualité d'organe suprême, de la responsabilité disciplinaire ainsi que de la responsabilité budgétaire et financière et la sélection d'une personne apte à exercer les fonctions d'Auditeur général ;...». Cet article montre que la Constitution adopte le concept de discipline budgétaire et financière, en tant qu'il est influencé par la Cour de discipline budgétaire et financière en France, mais n'en définit pas les détails. Pourquoi avons-nous besoin de sanctions administratives de discipline budgétaire et financière en Thaïlande ? La justification de la réforme du droit public financier est que dans le passé, le Bureau de vérification des fonds publics était sous le commandement du Premier ministre et ne pouvait donc pas travailler de manière indépendante et efficace. Il n'avait pas non plus compétence pour punir les agents publics pour avoir enfreint les lois et règlements relatifs aux finances publiques. En vertu de la loi sur la vérification des fonds publics de 1979, si le bureau détectait des défauts, il ne disposait que des pouvoirs suivants : 1) notifier et faire un rapport à l'inspection, aux services contrôlés pour déterminer la mesure disciplinaire dans la fonction publique ou la responsabilité "extracontractuelle" de l'administration à l'encontre des fonctionnaires, qui correspondent au contrôle interne; 2) demander aux services contrôlés d'engager des poursuites pénales dans le cas où une infraction pénale aurait été commise. Malheureusement, dans la pratique, des problèmes surgissaient parce que la culture des fonctionnaires thaïlandais était celle d'une organisation interdépendante et corporatiste. Le superviseur avait donc tendance à offrir une protection plutôt qu'une punition. De plus, parfois lors de la détection de problèmes, les services contrôlés refusaient de signaler l'accusation à l'enquêteur, parce que la direction avait peur d'être tenue elle-même pour responsable. Pour résoudre ce problème, les contrôles des finances publiques des institutions supérieures de contrôle des finances publiques thaïlandaises, qui correspondent au contrôle externe, doivent être renforcés pour imposer des sanctions de manière indépendante . C'est pourquoi la Thaïlande a adapté le concept du système juridique français, à savoir la Cour de discipline budgétaire et financière, dans le système juridique thaïlandais. Ainsi, lors de la réforme du système judiciaire de contrôle de l'exercice du pouvoir dans l'État, l'idée est apparue de mettre en place un nouveau système juridique de droit public distinct de l'ancien système judiciaire. Devaient être mises en place la Cour Administrative pour contrôler les pouvoirs administratifs, la Cour des Comptes pour contrôler les dépenses administratives et enfin la Cour de discipline budgétaire et financière pour punir les fonctionnaires pour non-respect du droit des finances publiques. Toutefois, étant donné que la Thaïlande n'était pas encore prête à instituer certains des nouveaux organes judiciaires, elle n'avait réussi à l'époque qu'à établir un tribunal administratif pour contrôler les actes administratifs. En ce qui concerne les contrôles des dépenses et les mesures disciplinaires budgétaire et financier, la Constitution de 1997 prévoit un modèle mixte, i.e. la Commission de vérification des fonds publics (le modèle du Conseil) et le Vérificateur général (le modèle Westminster), avec l'appui du Bureau de vérification des fonds publics, qui agit à titre d'unité administrative (organisation unitaire, unité avec des responsabilités administratives). Ces institutions supérieures de contrôle des finances publiques ont le statut juridique d'un organe constitutionnel indépendant. D'un côté, la vérification des fonds publics relève du pouvoir de la Commission de vérification des fonds publics et du Vérificateur général, qui doivent travailler ensemble. D'autre côté, le contrôle du comportement des agents publics en violation de la discipline budgétaire et financière relève du pouvoir de la Commission de vérification des fonds publics, avec l'appui de la Commission de discipline budgétaire et financière nommée par la Commission de vérification des fonds publics. Plus tard, la loi organique relative à la vérification des fonds publics de 1999 a prévu une commission nationale d'audit indépendante et impartiale. L'article 19 de ladite loi prescrit la création de la commission de discipline budgétaire et financière afin d'examiner et d'infliger une amende préliminaire aux agents ou employés des services contrôlés qui enfreignent les mesures de contrôle financier fixées par la Commission de vérification des fonds publics. Ces mesures sont appelées «discipline budgétaire et financière» telle que définie dans le règlement de la Commission de vérification des fonds publics sur la discipline budgétaire et financière de 2001 qui a clairement défini la base des infractions et des amendes administratives. Enfin, la Commission de la vérification des fonds publics examine le dossier d'enquête de la commission de discipline budgétaire et financière et prononce une sanction administrative en cas de culpabilité de l'officier faisant l'objet d'une enquête. La Constitution de 1997 avait l'intention de créer un gouvernement fort pour lutter contre l'instabilité habituelle du gouvernement. Toutefois, le système juridique a facilité l'accession au pouvoir du politicien "populiste", Thaksin Shinawatra. Après le coup d'État de 2006, une nouvelle constitution a été rédigée. C'est la Constitution de 2007, la dix huitième constitution de Thaïlande. Conformément à la volonté des rédacteurs de la Constitution de 2007, le système de vérification des fonds publics et de discipline budgétaire et financière conçu dans la Constitution de 1997 n'a pas fonctionné de manière indépendante et efficace, en particulier dans la défense et la suppression des politiques populistes du gouvernement. Afin de prévenir l'apparition de problèmes « populistes », cette Constitution a spécifiquement établi le chapitre 8 sur la «Monnaie, les Finances et le Budget» et a exigé l'adoption d'une loi sur la monnaie et les finances publiques de l'État fixant les disciplines monétaires et financières en détail, en vertu de l'article 167 alinéa 3. Cependant, la loi sur la monnaie et les finances de l'État n'aurait pas pu exister à l'époque de cette Constitution. Dans le régime juridique de la Constitution de 2007, il n'y a aucun changement concernant la loi relative aux pouvoirs de la Commission de vérification des fonds publics et en particulier sur l'obligation d'imposer des sanctions administratives sur la discipline budgétaire et financière car le projet de loi organique relative à la vérification des fonds publics conformément à cette Constitution n'a pas été approuvé par l'Assemblée nationale. Néanmoins, il y eu un événement important en droit public financier, à savoir l'arrêt de révocation du projet des lois de finances par la Cour constitutionnelle, car ce projet viole les dispositions du chapitre 8 de la Constitution. C'est l'arrêt n°3 - 4/2557 du 12 mars 2014: le président de l'Assemblée nationale soumet les opinions des membres de l'Assemblée nationale et le président de la Chambre des représentants présente les opinions des membres de la Chambre des représentants, en saisissant la cour constitutionnelle d'un recours en annulation contre un projet de loi autorisant le ministère des Finances à emprunter de l'argent pour le développement des infrastructures de transport du pays dont les dispositions sont contraires ou incompatibles avec la présente Constitution ou qui a été adopté contrairement aux dispositions de la présente Constitution en vertu de l'article 154 premier alinéa (1) (คดีรถไฟความเร็วสูง l'affaire «Train à grande vitesse»). On peut dire que c'est l'émergence officielle de la"Discipline budgétaire", qui est applicable en Thaïlande. La «Discipline budgétaire» est donc l'instrument de la Cour constitutionnelle pour assurer la constitutionnalité. Bien qu'il n'y ait pas eu de «loi sur les disciplines fiscales et financières de l'État de 2018» à l'époque, la Cour a néanmoins donné le sens de: «Discipline budgétaire» à travers l'interprétation de diverses lois liées aux finances publiques. La discipline budgétaire n'a été mise en pratique qu'en 2014. Une tentative a été faite pour rédiger une loi d'emprunt de 2000 milliards de bahts afin de construire l'infrastructure ferroviaire du pays, dénommée “Train à grande vitesse”, qui est l'une des politiques sur lesquelles le gouvernement de Yingluck Shinawatra a fait sa campagne électorale. Le projet a été déposé auprès de la Cour constitutionnelle pour emprunter et dépenser de l'argent, en évitant les lois liées à la discipline budgétaire (à l'époque, il n'y avait pas de loi sur les disciplines fiscales et financières de l'État) telles que la loi sur le Trésor, la loi sur la procédure budgétaire, et la loi sur la gestion de la dette publique. La Cour constitutionnelle a jugé que ledit projet, en ce qui concerne les dépenses publiques, n'est pas conforme à l'article 169 de la Constitution de 2007, qui stipule que les dépenses publiques doivent être effectuées par le biais de quatre lois uniquement prévues par la Constitution, à savoir la loi sur le budget annuel, la loi de procédure budgétaire, la loi autorisant le transfert du budget et la loi sur la balance du Trésor. La promulgation d'une loi spécifique par le législateur qui donne au pouvoir exécutif la compétence pour financer le programme, est donc inconstitutionnelle. En outre, la Cour constitutionnelle a également interprété le sens de «Discipline monétaire et budgétaire», comme indiqué à l'article 167, paragraphe 3, en ce sens que “..... Bien que la constitution ne définisse pas clairement la signification du cadre de discipline monétaire et budgétaire. Mais compte tenu de la Constitution, l'article 163, paragraphe trois, … Le cadre de discipline budgétaire et financière et du chapitre 8 désigne les critères de planification financière, d'acquisition de revenus, d'établissement de lignes directrices pour la budgétisation, les dépenses nationales, la gestion financière et immobilière, la formation de la dette, la charge financière de l'État et d'autres questions. Il doit être utilisé comme cadre pour obtenir des revenus, réglementer les dépenses en argent conformément aux principes de stabilisation, de développement économique durable et de justice sociale.”. Par conséquent, la Cour constitutionnelle a statué, dans l'arrêt de la Cour constitutionnelle n ° 3-4 / 2014 au 12 mars 2014, que “... ce projet de train à grande vitesse ne respectait pas le cadre disciplinaire monétaire et fiscal en vertu de la Constitution, chapitre 8, et que ce projet de loi était contraire ou incompatible avec l'article 170 paragraphe 2 de la Constitution, qui est l'essence du projet. Cette loi a donc été annulée entièrement par la Constitution de l'article 154, paragraphe 3”. Peu de temps après la décision de la Cour constitutionnelle, il y a eu un autre coup d'État, le 22 mai 2014. La Constitution provisoire a été rédigée en 2014 avec justification, au début du texte, de la prise de pouvoir au même titre que la constitution provisoire de 2006, mais a été détaillée au titre de la politique «populiste» du gouvernement: “...Cette situation chaotique pourrait nuire à la vie, aux propriétés et aux conditions de vie du grand public, aux travaux et aux dettes des agriculteurs ; notamment les riziculteurs…”. Après l'entrée en vigueur de la constitution de 2017, la loi sur la discipline monétaire et financière de l'État de 2018 a été adoptée dans le but de faire échec à la politique «populiste». La raison de cette loi apparaît à la fin du texte : étant donné que la Constitution oblige l'État à maintenir strictement la discipline monétaire et financière afin que le statut monétaire et financier de l'État soit durable et stable conformément à la loi de discipline monétaire et financière de l'État, et que cette loi doit contenir les dispositions du cadre budgétaire et financier de l'État, la discipline budgétaire sur des recettes et des dépenses, des dépenses hors budget, de l'administration des biens de l'État, du Trésor et de la dette publique, alors il est nécessaire de promulguer cette loi. Cette loi se compose de deux parties importantes, le chapitre général sur la discipline budgétaire de l'État et le chapitre sur les infractions à la discipline budgétaire et financière qui doivent être examinés conjointement avec la loi organique relative à la vérification des fonds publics de 2018. Bien que les deux soient essentiellement différents, ils portent le même nom que «la discipline monétaire et financière de l'Etat» ce qui cause une confusion sur le sens de la notion. Quant aux sanctions administratives en cas d'actes contraires aux normes des finances publiques fixées par la loi, l'intention de la loi est de séparer les pouvoirs entre l'organisme de réglementation et l'organisme de contentieux, i.e. la Commission de la politique monétaire et financière de l'État établit des règles, tandis que la Commission de vérification des fonds publics détermine les infractions et prononce des sanctions. L'article 80 de la loi sur la discipline monétaire et financière de l'État de 2018 prévoit que “Le contrôle d'État est effectué avec intégrité, circonspection, transparence, équité et courage et sans parti pris et doit être conforme aux principes de bonne gouvernance, conformément à la loi organique relative à la vérification des fonds publics. En cas de manquement aux disciplines monétaire et financière de l'Etat prévues par la présente loi, les sanctions administratives sont infligées conformément à la loi organique relative à la vérification des fonds publics.” L'article 97 de la loi organique relative à la vérification des fonds publics de 2018 prévoit que “Tout fonctionnaire du gouvernement, qui est responsable du respect de la loi sur la discipline monétaire et financière de l'État, ayant violé intensément la loi, et l'article 95, paragraphe 3, ou l'article 96 ne pouvant pas être appliqué à ce cas, le Vérificateur général soumet le cas à la Commission de vérification des fonds public afin d'infliger une sanction administrative audit fonctionnaire en appliquant la disposition de l'article 96 alinéa 2 mutatis mutandis.” En effet, l'idée de discipline budgétaire est nouvelle dans le système juridique thaïlandais. Il n'y a pas d'étude systématique, ce qui est reflété par l'utilisation de termes juridiques redondants et vagues. De tels problèmes rendent le droit financier thaïlandais actuel très difficile à appliquer. Même la Commission de vérification des fonds publics elle-même n'est actuellement pas sûre de sa propre compétence. Cela rend le contrôle des finances publiques thaïlandaise actuel inefficace et peut entraîner une distorsion de l'exercice du pouvoir à des fins politiques.