Thèse en cours

L'appropriation artistique de l'espace public en Algérie. La ville témoin et support de l'expression de la société civile en contexte contraint.

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Auteur / Autrice : Gaëlle Hemeury
Direction : Nora Semmoud
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Aménagement
Date : Inscription en doctorat le 03/11/2021
Etablissement(s) : Tours
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la Société : Territoires, Économie et Droit (Centre-Val de Loire ; 2018-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Cités Territoires Environnement et Sociétés (Tours ; 2004-....)
Equipe de recherche : EMAM - Monde Arabe et Méditerranée

Résumé

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En Algérie, à partir du milieu des années 2010, dans la continuité des premiers événements artistiques indépendants organisés en 2014 et plus récemment à travers les manifestations du Hirak (depuis février 2019), on observe un renouvellement des formes d'expression qui questionne le rapport à l'art ainsi que le rapport aux lieux d'expression. Ainsi, ce projet doctoral a pour ambition d'étudier la production et la réception artistique en tant qu'outil de (re)appropriation, (re)politisation, (re)esthétisation et (ré)création de l'espace public. De fait, il s'agit d'une part d'analyser la production de la ville à l'aune de la place accordée à l'art en tant qu'expression politique dans l'espace public, d'autre part de questionner l'émergence réelle et/ou supposée d'un mode de vie artistique urbain sous contrainte en Algérie en contexte autoritaire, et enfin d'examiner de manière concomitante l'articulation entre normalisation de l'art en ville et urbanisation de l'art (Guinard, Margier 2018), ainsi que la politisation du geste esthétique et/ou l'esthétisation de l'expression politique des artistes qui interviennent dans l'espace public au regard de leur volonté plus ou moins explicite d'œuvrer à la démocratisation artistique. Ce renouveau, jusqu'ici en marge des questionnements de la recherche universitaire, se traduit par un recours accru, original et diversifié à la pratique artistique (graphique et scénique). Celle-ci, se caractérise par l'adaptation des pratiques artistiques traditionnelles héritées aux pratiques artistiques contemporaines, nourrie par de nombreux transferts culturels. Ce renouvellement s'exprime en partie au sein de l'espace public qui se définit dans le contexte algérien par la négative, par rapport aux espaces privés (Frémond) et par l'ambigüité par rapport à ce qui n'est pas privatisé (Paquot). Dans ce contexte, l'appropriation de l'espace public questionne la fabrique de la ville et le droit à la ville de la société civile (Lefebvre, 1968), tant au regard de son aspect politique que de son aspect esthétique. En effet, les nouvelles expressions artistiques semblent reconfigurer le rôle normé voire normatif de la ville et contribuent à faire de cette dernière un espace support et un espace témoin qui interrogent l'expression citoyenne (Bacqué et Biewner, 2014) oscillant entre expressions contestatrices et formulations de propositions. Ces démarches et productions artistiques au sein de l'espace public qui concourent à la visibilité de l'artiste (conformiste et/ou non conformiste vis-à-vis du pouvoir) de son geste, de son corps et de son message (Ouaras, 2012) révèlent ainsi l'enjeu politique de l'espace public investi ainsi que le contrôle social exercé à l'encontre de pratiques dont la réception singulière auprès d'un public hétérogène (autorités, habitants, passants, conservateurs) varie de la tolérance, à l'infra-légal à la répréhension. De plus, ces pratiques participent également à bousculer les codes sociaux et moraux tacitement acceptés par la société ravivant de fait le débat autour des conservatismes. Enfin, ces pratiques contribuent, de manière concomitante ou indépendamment du politique, à renouveler les codes esthétiques et à faire de la ville « un espace d'expression artistique » (Bonte, 2017) dans lequel l'expérience du sensible (pathos) complète, concurrence ou s'oppose à l'expérience de la raison (logos). Ainsi, ces nouvelles formes d'expression artistique questionnent directement la production et le renouvellement de la ville, mais aussi ses spécificités socio-spatiales. A cet égard, selon un traitement différencié, certaines tendent à être récupérées par les acteurs de l'urbanisme et concourent ainsi à la requalification urbaine. D'autres, tendent à être sacralisée et érigées en étendard de la liberté ou encore intégrées à des espaces destinés à un public spécifique. Enfin, a contrario, certaines demeurent ignorées et/ou effacées, comme maintenues en marge de l'art toléré par les institutions officielles. Ainsi, ce projet s'inscrit dans les champs disciplinaires de la géographie de l'art et de la géographie du sensible et à la croisée de la géographie culturelle, humaine, sociale et urbaine, et entend privilégier une approche créative ayant pour ambition de questionner les effets des productions artistiques et de leurs réceptions sur la production de la ville. Dans cette optique, nous envisageons de recourir sur le terrain à des méthodes dites « classiques » (entretiens, observations flottantes, parcours commentés) ainsi qu'à des méthodes dites « hybrides » relevant de l'approche du sensible et de l'artistique (participation active, cartographie émotionnelle). Ce positionnement, nous permettrait de gagner la confiance des publics, saisir leur démarche et nous positionner en interface entre la production et la réception (Jaurand, 2014), entre l'espace construit, l'espace perçu et l'espace vécu (Lefebvre, 1968). De fait, cela permettrait en creux de questionner l'attitude du chercheur ainsi que l'interdisciplinarité au service de l'étude de terrain. Dans cette optique, inspirée des démarches hybrides de S. Henni (pharmacologie du logement, 2019) et de P. Guinard et A. Volvey (L'espace de la géographie au prisme des artistes, 2013), le recours à la photographie, à l'enregistrement sonore ou encore au film ethnographique sont envisagés en vue d'organiser des expositions créatives informatives et sensorielles qui reproduisent l'atmosphère artistique urbaine. Cette production artistique filée permettrait de servir le terrain d'étude, d'alimenter un archivage épars en cours et de rendre compte du terrain à savoir saisir les interactions et les perceptions entre les publics au regard de la production artistique en contexte autoritaire.