Thèse en cours

Le partage du sort en réassurance

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Auteur / Autrice : Thierry Pelgrin
Direction : Georges Decocq
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit
Date : Inscription en doctorat le 31/08/2021
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale SDOSE (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche droit Dauphine (Paris)
établissement opérateur d'inscription : Université Paris Dauphine-PSL (1968-....)

Résumé

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RESUME DE THESE: 'le partage du sort en réassurance' La Réassurance et le Droit étaient voués, il nous semble, à mener chacun leur propre chemin. Les aspects juridiques de la réassurance n'ont certes pas manqué d'être mis en valeur par des auteurs aussi illustres que Mr Picard-Besson, Mr Ancel, Mr Van de Casteele ou Mr Hapopian, mais il était considéré jusqu'à une époque récente que l'approche actuarielle, économique et technique dominait la matière. L'évolution en cours modifie cette position : elle ne la supprime pas ; elle en nuance la portée. En effet, le concept et la réalisation d'un contrôle européen inédit de la réassurance, résultat d'un compromis entre les systèmes anglo-saxons et continentaux, ou l'insertion inévitable dans le Code des Assurances de règles régissant l'opération de réassurance obligent à s'inscrire dans des perspectives dans lesquelles la présence du droit sera plus forte et davantage nécessaire. Les aspects éthiques sont, quant à eux, totalement nouveaux. Après leur essor dans le monde moderne de l'industrie et des services, leur émergence dans le domaine de l'assurance est récente. La réassurance ne connaît pour l'heure que ses premiers balbutiements éthiques. Pourtant, nul ne peut remettre en cause l'importance des enjeux et des contraintes éthiques qui se sont accrus dans les opérations du commerce international et à laquelle la réassurance ne fait pas exception. Le droit et l'éthique ont une valeur commune en réassurance : la confiance. Cette dernière se traduit en réassurance à travers le principe du partage du sort, élément stabilisateur des relations commerciales entre l'assureur et le réassureur au plan international et garant de l'équilibre contractuel entre les parties. Toutefois, la confiance et son corollaire, le partage du sort, ont subi de profondes altérations de sorte qu'il nous apparaît opportun de s'interroger sur le nouvel environnement juridique et éthique de la réassurance et d'ouvrir des pistes de réflexion, voire des recommandations, sur les défis juridique et éthique de la réassurance qui ne se réaliseront pas sans la restauration de la confiance. Le support juridique de la réassurance provient d'usages très anciens, ce qui démontre que cette activité n'a pu naître et se développer sans un certain corps de règles mis en place par les professionnels de ce métier. Néanmoins les usages sont-ils adaptés à l'évolution actuelle de la réassurance au moment où celle-ci commence à sortir quelque peu d'une profonde crise de confiance. Cette thèse se propose justement de fournir des éléments de réponse, et notamment pour ce qui concerne la règle de partage du sort ou de l'identité de fortune entre l'assureur et le réassureur. Le support éthique de la réassurance est plus concentré et issu pour l'essentiel de positions doctrinales et de la publication de codes, réglementations ou de positions éthiques publiques et privées. Le support linguistique principal de la réassurance est l'anglais, ce qui est renforcé par la prépondérance actuelle de la jurisprudence anglo-saxonne palliant, dans ce domaine, la carence des décisions de droit européen en général et du contentieux des juridictions Françaises en particulier. En outre, l'étude des clauses rédigées en langue anglaise, leur délicate interprétation, leur éventuelle transposition en Droit français soulèvent d'immenses difficultés. Le support technique de la réassurance nous est fourni par les traités de réassurance qui font l'objet d'une complexité sans cesse croissante. De manière synthétique, notre projet de thèse intitulé 'le partage du sort en réassurance' (le titre initial 'le principe du partage du sort et l'éthique en réassurance' a été modifié sur la recommandation de me co-directeurs de thèse) est bâti à partir d'une double réflexion comme suit. Notre étude se propose en premier lieu d'étudier le partage du sort en l'état actuel du droit, puis de l'analyser sous le prisme de l'éthique. Ainsi, dans un premier temps, il s'agira d'en étudier la nature juridique à la lumière de la doctrine et de la jurisprudence récente. En prenant appui sur les positions juridiques de la profession et les décisions des juges de droit anglo-saxon novatrices en ce domaine et sur la base de décisions françaises, nous avons procédé à une revue des principales contributions récentes de jurisprudence à l'étude de partage du sort en réassurance. Dans un effort de classification des étapes de la jurisprudence, nous verrons que nous sommes passés d'une vision initialement absolue et unilatérale du partage du sort (confiance aveugle du réassureur et exécution immédiate de la prestation qui lui est attachée) à une conception relative et bilatérale du partage du sort. Dans cette dernière approche, une contestation par le réassureur, puis une recherche d'équilibre contractuel possible, enfin parfois une remise en cause de la règle de partage du sort sont apparues. Nous parviendrons au constat que les décisions des tribunaux publiées restent rares en droit français, que les sentences arbitrales dominent la réassurance et en particulier les traités, et que les solutions de jurisprudence de droit anglo-saxon sur le partage du sort ne sont pas directement applicables à toutes les contrats et à tous les marchés. Le partage du sort a intéressé de nombreuses familles du Droit. En sus du droit commun des contrats (droit civil, théorie générale des obligations), nous nous pencherons ainsi notamment sur les branches du droit suivantes constituées par le droit commercial, le droit des assurances ainsi que le droit propre de la réassurance (appelé 'reinsurance law' dans les pays anglo-saxons) Le partage du sort n'est pas étranger à l'influence du droit des assurances comme à celle du droit commercial ; il revêt une mixité qui emprunte à chacune de ces familles du droit. Toutefois, nous démontrerons que l'analyse juridique des situations juridiques créées par le partage du sort ramène le partage du sort au droit commun des contrats d'une part, et à un droit original et propre à la réassurance d'autre part. L'originalité de cette thèse (enfin espérons !) consiste non seulement dans la classification juridique des clauses récentes de partage du sort, mais aussi par la contribution de l'étude du partage du sort sous le prisme de l'éthique. En effet, par le biais de l'utilisation représentative des dispositions contractuelles de traités relatives au partage du sort, nous tenterons de dresser une classification des catégories de clauses en droit contractuel et de fournir une actualité sur ces clauses jusqu'au renouvellement 2025. La notion de partage du sort, identifiée à l'origine comme une illustration contractuelle d'une sorte de confiance aveugle entre les parties, a fait l'objet, nous l'avons entr'aperçu, de controverses au sein des professionnels de ce métier, de la doctrine et des jurisprudences. Il résulte de cette constatation que l'on peut légitimement se poser la question si la clause de partage du sort n'est plus qu'une clause standard de référence ou reste-t-elle encore une clause exécutée ou susceptible d'être exécutée fermement dans les traités (ou contrats) conclus entre l'assureur et le réassureur ? En d'autres termes, la clause ‘Follow-the-Fortunes' n'est-elle dans la forme qu'une clause de style standard ou résiste-t-elle au fond en tant que ‘core provision' dans le langage juridique anglo-saxon , c'est-à-dire clause essentielle de sorte que l'on pourrait dire qu'il n'y a pas de contrat de réassurance en l'absence de clause de partage du sort ? Selon nous, la clause de partage du sort est le fruit de la volonté des parties et ce qui a prévalu historiquement est valable à l'époque moderne. En l'absence de cette provision contractuelle, il convient selon nous de se référer et d'appliquer des règles d'usage professionnelles, qui sont à défaut délimitées et sanctionnées par les règles de droit commun des contrats. Le manque de confiance dans la puissance contractuelle de la clause de partage du partage est peut-être le reflet d'un bousculement dans la relation de confiance entre la cédante et le réassureur. Toutefois, il nous faut tenter de comprendre les raisons de ce changement du paradigme fondé sur la confiance entre les cocontractants. Certains invoqueront que le marché est guidé en pratique par la nature du cycle économique et financier, tantôt mou tantôt fort, qui influence les deux partenaires à l'opération de réassurance. D'autres mettront en avant la distinction doctrinale entre le sort technique qui appartiendrait à une vision du passé et le sort commercial qui opère plus fréquemment de nos jours. La crise sanitaire récente en est une bonne illustration. Dans un second temps, cela nous conduira au débat qui trouve sa raison d'être dans une analyse du partage du sort sous le prisme de l'éthique. Après son essor dans le monde moderne de l'industrie et des services, l'émergence de l'éthique dans le domaine de l'assurance est récente. La réassurance ne connaît pour l'heure que ses premiers balbutiements éthiques. Pourtant, nul ne peut remettre en cause l'importance des enjeux et des contraintes éthiques qui se sont accrus dans les opérations du commerce international et à laquelle la réassurance ne fait pas exception. La réassurance étant une matière par essence internationale et constituant une part non négligeable du flux des opérations de la finance internationale, les évolutions de l'environnement du monde dans lequel elle opère ne peuvent lui être indifférentes, surtout au plan éthique : - D'une part, dans le cadre de contraintes environnementales plus lourdes (fiscale, concurrentielle, prudentielle ou juridique), il nous appartiendra de préciser les origines et de délimiter les enjeux du débat éthique en réassurance, avant d'étudier les solutions éthiques préconisées à la lumière des événements récents (catastrophes naturelles, pools de réassurance par exemple) et les implications financières en jeu ; - D'autre part, dans le cadre des spécificités soulevées par le droit privé du contrat international applicable à la réassurance, notre attention se portera sur l'influence grandissante des législations du droit du commerce international en la matière ainsi que sur le contrôle exercé par les parties tierces à l'opération de réassurance (agences financières, régulateurs) sur la protection du partage du sort au plan institutionnel. Selon nous, la recherche d'un compromis s'avère nécessaire avec la protection de la liberté contractuelle et de l'esprit initial (historique) de la réassurance propres aux échanges internationaux. Cette thèse a également pour objet de fournir une contribution utile à la recherche du développement de l'éthique en réassurance L'éthique est certes indispensable, nouvelle mais elle est tardive en réassurance : pourquoi ? Il nous faut tenter d'en comprendre les raisons et de se prononcer sur le type d'éthique qui nous intéresse en parallèle de l'étude du partage du sort. Pour atteindre cet objectif ambitieux, nous devrons examiner les principaux courants éthiques qui prévalent et qui sont susceptibles de s'appliquer en réassurance : - la théorie de l'éthique fondée sur l'approche actionnariale (‘Shareholder's theory') - la théorie de l'éthique fondée sur l'approche des parties prenantes (‘Stakeholder's theory') - la théorie de l'éthique basée sur l'approche sociétale (‘Societal theory'). Nous verrons comment l'éthique en réassurance cherche à (ré)concilier une conception financière à court terme et la vision originelle à long-terme des relations de réassurance. Les liens forts qui unissent l'éthique et la confiance, et son corollaire contractuel qu'est la clause de partage du sort, demandent une vision étendue de l'éthique qui ne peut que dépasser l'exigence moderne de profit immédiat et de rentabilité financière élevée. Ce projet de thèse concerne une recherche à caractère international dans un domaine, à la fois juridique et éthique, où les travaux français restent rares.