Thèse en cours

Détection de la diffusion cohérente élastique neutrino-noyau avec l'expérience RICOCHET à l'Institut Laue-Langevin : bruits de fond et sensibilité

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Auteur / Autrice : Guillaume Chemin
Direction : Jacob Lamblin
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Physique Subatomique et Astroparticules
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2021
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale physique
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de Physique Subatomique et Cosmologie

Résumé

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Depuis leur découverte en 1956, les neutrinos ont été à l'origine de résultats fondamentaux en physique nucléaire, en physique des particules et encosmologie. Les nombreux efforts expérimentaux utilisant des sources de neutrinos et des techniques de détections variées ont conduit à deux conclusions majeures : i) les neutrinos ont une masse,et ii) ils possèdent plusieurs saveurs et ils peuvent osciller entre ces saveurs,c'est-à-dire changer de saveur. Bien que les connaissances des propriétés de cette particule ont beaucoup progressé durant les dernières décennies, le neutrino conserve encore une large part de mystère. Quelle est l'échelle et la hiérarchie des masses des neutrinos ? Les neutrinos sont-ils leur propre antiparticule ? Même une question aussi simple que le nombre de saveurs de neutrinos fait encore l'objet de débats scientifiques. Les réponses à ces questions ne concernent pas seulement la physique des neutrinos, elles sont également centrales pour la construction du modèle standard qui décrit la physique des particules et pourraient ouvrir la porte sur un changement complet de paradigme. Pour répondre à ces questions, il est indispensable de développer de nouvelles techniques expérimentales et d'explorer de nouveaux processus d'interaction. L'un de ces processus est la diffusion cohérente des neutrinos avec les noyaux. Prédite il y a 40ans, cette diffusion élastique induit par interaction faible des reculs nucléaires de l'ordre du keV. Grâce au phénomène de cohérence, sa section efficace est proportionnelle au carré du nombre de nucléons,suggérant que même une expérience à l'échelle du kilogramme pourrait observer un signal neutrino significatif. Cela ouvre la possibilité de sonder le secteur des neutrinos avec des expériences de taille beaucoup plus petites que les expériences actuelles à l'échelle de la tonne. La condition de cohérence,c'est-à-dire une longueur d'onde de diffusion plus grande que la taille des noyaux, est remplie pour quasiment tous les noyaux lorsque l'énergie des neutrinos est inférieure à 10 MeV. De tels neutrinos sont produits abondamment dans le Soleil et dans les réacteurs nucléaires. En août 2017, l'expérience COHERENT située auprès de la source de neutrino de spallation à Oak Ridge, émettant des neutrinos de relativement haute énergie (jusqu'à environ 50 MeV), a rapporté la première observation de la diffusion cohérente de neutrinos. Ce premier résultat a été obtenu sur des détecteurs CSI[Na] cumulant une masse totale cible de 14.6 kg avec un seuil en énergie d'environ 4.25keV. Même si cette détection a une sensibilité limitée à de la nouvelle physique, car la plupart des scenarii de nouvelle physique induisent des déformations du spectre à basse énergie (<100eV), elle a prouvé l'existence de ce nouveau canal de détection qui ouvre la porte à une grande variété d'opportunités scientifiques. Du point de vue astrophysique — comme la diffusion cohérente est le processus dominant à basse énergie, elle régit la dynamique de l'explosion des Supernovae et donc l'éjection de matière vers l'extérieur. De plus, comme elle constitue le bruit de fond ultime de la détection directe de matière noire, une mesure et une compréhension claire de la diffusion cohérente est indispensable pour valider à la fois les modèles de bruit de fond et de réponse de la prochaine génération des détecteurs de matière noire. Du point de vue de la physique des particules — la diffusion cohérente permettrait de sonder la physique au-delà du modèle standard : mettre en évidence l'existence de neutrinos stériles, chercher de nouveaux médiateurs massifs et enfin, contraindre avec une grande précision la possibilité d'interactions non-standard dans le secteur électrofaible, motivées par de nombreux développements théoriques et qui pourraient mener à des dégénérescences dans l'exploration de la hiérarchie des masses de neutrino avec les futures expériences d'oscillation à grande distance telle DUNE. Grâce à ce programme scientifique extrêmement riche et encouragé par la première détection, la diffusion cohérente des neutrinos est l'objet d'efforts expérimentaux mondiaux avec plusieurs expériences dédiées en cours ou prévues. La plupart de ces expériences sont ou seront situées près de réacteurs nucléaires, qui émettent des neutrinos de relativement basse énergie (<10MeV). Certains de ces projets se focalisent sur la recherche de physique au-delà du modèle standard avec des seuils en énergie inférieurs à 100eV : CONNIE utilisant des CCDs et les projets NUCLEUS, MINER et RICOCHET utilisant des bolomètres cryogéniques. Dans ce contexte à forte compétition internationale, l'objectif principal du projet RICOCHET est de délivrer la première mesure à très basse énergie (<100eV) et de haute précision, au niveau du pourcent, de la diffusion cohérente des neutrinos. Pour ce faire, RICOCHET propose d'installer un détecteur bolométrique auprès du réacteur de l'Institut Laue Langevin (ILL) de Grenoble. Bien qu'il constitue une source de neutrinos plus faible que des réacteurs commerciaux, ce réacteur de recherche permet de positionner le détecteur à très courte distance. L'expérience RICOCHET pourra également bénéficier des résultats de l'expérience STEREO, une expérience de recherche de neutrinos stériles, actuellement en prise de données à l'ILL, dans laquelle l'équipe neutrino du LPSC a joué un rôle central. STEREO a, d'une part, permis d'acquérir beaucoup de connaissances sur le bruit de fond environnant et d'autre part, publiera prochainement le spectre en énergie des neutrinos émis, mesuré avec une précision de l'ordre du pourcent. Le début de la prise de données est prévu dès 2023, ce qui positionnerait idéalement le projet RICOCHET parmi les autres projets concurrents. Cette thèse dédiée au projet RICOCHET comportera plusieurs aspects : - L'estimation du bruit de fond interne, à l'aide de simulations Monte-Carlo (code GEANT4), des résultats de l'expérience STEREO et des mesures sur site; - La conception du veto muon, permettant de rejeter les événements associés à des rayons cosmiques; - L'étude de la sensibilité de l'expérience, à partir des points précédents; - La mise en place et le démarrage de l'expérience - L'obtention des premiers résultats afin de valider le dispositif expériental et effectuer les premières analyses de physique.