Thèse en cours

La «photographie imaginale» : pour une esthétique symbiotique

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Auteur / Autrice : Célia Boutilier
Direction : François-René Martin
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : SACRe, arts visuels
Date : Inscription en doctorat le 01/09/2021
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale École transdisciplinaire Lettres/Sciences
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Sciences, Arts, Création, Recherche
établissement opérateur d'inscription : École Nationale Supérieure des Beaux-Arts (Paris)

Résumé

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« Nous habitons un monde à partir des images que nous nous faisons de lui » Je pense que notre manière de nous rapporter aux choses peut se lire dans notre manière de fabriquer nos images (graphiques ou métaphores/mythologiques) et ces images définissent notre manière d'habiter les mondes. Construire des manières d'habiter un monde passe par des manières de fabriquer des images. Ce qui suppose donc aussi, et peut-être même avant tout, de fabriquer des manières spécifiques « d'entrer en relation » avec certaines choses qui le compose : cultiver un soin dans le rapport que l'on entretien avec l'Autre, qu'iel soit humain ou non-humain et utiliser nos images comme boussoles. Ce rapport est celui d'une attention, d'un souci, d'une vigilance. L'état de vigilance est un état de lenteur qui s'étire dans le temps. C'est une attention profonde au long terme, qui prend le contre-pied du temps éclaire de l'immédiateté et charrie avec elle un certain degré d'incertitude pour devenir un espace de partage commun. En ce sens, prendre soin de nos relations et de leurs modes d'existences va de pair avec le fait de prendre soin de la fabrique de nos images car « le monde auquel nous appartenons est d'abord celui que nous portons en nous.» J'aimerais que mes images soient des lisières. Qu'elles soient des zones de rencontre, des espaces de contact, des lieux symbiotiques et crépusculaires où l'évidence se suspend et où, dans une étrange familiarité, les choses entrent en relation. Je privilégie l'observation des formes transitoires et symbiotiques, les changements d'état, la confusion des échelles (du satellite au microscope) et toute autre forme de pratiques de télescopage, en ce qu'iels impactent la solidité des corps, la netteté des contours et la fixité des images. Le particulier est alors porteur de toujours plus que de lui-même en ce que l'image se fabrique à partir d'un ailleurs qui traverse l'ici, pour rendre compte d'un ici à la fois toujours ouvert et toujours inquiété. Il me semble aujourd'hui que la question de la représentation pose en réalité la question des imaginaires, c'est-à-dire celle de la fabrication de nouvelles fictionnalités. L'enjeu de l'imagination est capital, car sans la faculté imaginative, c'est tout un pan de la réalité qui nous est à jamais perdu. Nous risquons une perte du réel en cloisonnant les mondes sensibles et intelligibles, les tuant à petit feu, justement parce qu'ils ne s'animent et ne se vivifient qu'à la condition d'être l'un au contact de l'autre. Cette faculté imaginative doit prendre racine dans une attention aux mondes car l'observation, l'expérience et ce que l'antropologue Anna L. Tsing appellerait « l'alignement avec les connexions des racines mycorhiziennes », est une façon d'apprécier les enchevêtrements de la vie sur Terre. Dans le cadre de ce doctorat, je collabore avec l'équipe du laboratoire «Interactions et Evolution Végétales et Fongiques» (INEVEF) du MNHN Paris. Je m'intéresse spécifiquement aux symbioses mycorhiziennes des orchidées épiphytes : celles qui créent des réseaux entre individus et espèces différentes, notamment entre les champignons et les racines des plantes. Ces associations sont parmi les plus spécifiques du règne végétal. De quelles manières les associations mycorhiziennes peuvent-elles être à la source de nouvelles fictionnalités ? Peuvent-elles d'une part nous inspirer une esthétique spécifique et d'autre part nous aider à changer notre façon d'agir et d'inter-agir ? Ce projet doctoral s'emploiera à esquisser certaines réponses, à la fois formelles et textuelles. Le collage est la première manière satisfaisante que j'ai trouvé pour traduire esthétiquement l'identité hybride, les relations interdisciplinaires et interspécifiques par laquelle se manifeste l'intrication des liens. Certains assemblages photographiques ont été réalisés grâce aux missions scientifiques de l'équipe du MNHN. L'esthétique se veut organique, vivante, elle convoque à la fois l'art nouveau et la réalité virtuelle, elle est le lieu où la photographie naturaliste côtoie l'inventivité picturale.