Thèse en cours

Légitimités du genre. Fabulistes au féminin, entre Europe, Amérique Latine et Russie (1780-1850)

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Auteur / Autrice : Sophie Daniel
Direction : Anne Duprat
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Littérature comparée
Date : Inscription en doctorat le 20/09/2021
Etablissement(s) : Amiens
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale en Sciences humaines et sociales (Amiens)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'études des relations et contacts linguistiques et littéraires (Amiens ; 2008-....)

Résumé

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Notre projet s'intitule : « Légitimités du genre. Fabulistes au féminin, entre Europe, Amérique Latine et Russie (1780-1850) ». Il a pour objet principal le choix du genre de la fable chez plusieurs auteures de la fin du XVIIIème et du début du XIXème siècle, à un moment où le chantre français du genre, La Fontaine, est en passe de devenir un incontournable de l'enseignement républicain. Inscrit dans le cadre d'une étude en littérature comparée, ce projet vise à comprendre ce choix générique et à apprécier les ressorts de son adaptation à l'écriture personnelle des auteures. Face aux modèles des siècles passés dont les textes font figure de références, il faudra se demander quel sens revêt l'adoption de cette forme littéraire et morale particulière et quels sont ses effets. En prenant pour point de départ la fable telle que la pratique La Fontaine, il s'agira d'établir, par des lectures plurielles et transversales, un dialogue entre les textes du corpus pour comprendre quelle relation les auteures entretiennent avec ce qui est devenu le modèle de la fable et comment la circulation de la forme se fonde en même temps sur une adaptation. La question centrale soulevée concerne l'idée que ce choix serait le vecteur d'une légitimation à travers l'écriture. En ce sens, il faudra se demander quelles sont les stratégies d'appropriation déployées dans le cadre d'un genre basé sur l'autorité des créations masculines. C'est le genre poétique même qu'il faudra interroger : comment s'approprier un langage poétique originellement pensé par et pour d'autres ? Quelles spécificités dans cette réappropriation du genre poétique et quel rapport à l'altérité implique-t-elle ? Car, loin d'être un choix neutre, les genres littéraires sont aussi affectés par des questions relatives au gender : qu'est-il considéré « convenable » d'écrire quand on est une femme à telle époque ? Comment l'héritage littéraire influe-t-il sur les choix formels au cours du processus créatif ? Répondre à ces questions présuppose d'approfondir la connaissance des œuvres de fabulistes de la fin du XVIIIème siècle au début du XIXème siècle afin de mieux comprendre l'élargissement progressif du concept de fable. Les enjeux sont multiples : d'abord, il faudra s'intéresser au discours que tiennent ces poètes sur leur expérience à la fois en tant que femmes mais aussi en tant qu'auteures. Cette dimension ne pourra se passer d'une analyse précise, notamment sociale, des conditions qui ont permis l'émergence de ces voix féminines : leur milieu d'origine, leur éducation, les contraintes (symboliques, financières, matérielles) auxquelles elles ont fait face dans le processus de création littéraire, leurs stratégies de publication. Ce qui devra être ensuite interrogé en relation avec la question de l'originalité auctoriale et des choix opérés pour marquer celle-ci. La dimension morale, en lien avec le genre de la fable, constituera un autre des enjeux abordés, notamment dans la mesure où certaines des auteures étudiées entretiennent des relations privilégiées avec une littérature à visée éducative ou pédagogique, à l'instar des conduct books à destination des jeunes femmes, des leçons à destination des enfants. En parallèle, il faudra montrer comment ces fables ont été illustrées (si elles l'ont été) et étudier les enjeux de ces représentations. Enfin, les questions relatives à la réception feront elles aussi partie des enjeux étudiés : par qui sont-elles lues (ou pas) ? Quels mécanismes ont conduit certaines à être oubliées de l'histoire littéraire, là où leurs textes ne l'ont pas forcément été ? Quel rôle ont-elles pu jouer dans la production et l'institution littéraires dans la période considérée ? Quelle importance leur a-t-on accordé dans les études et les récits de cette période ? Analyser ainsi ces auteures et leur rapport à la fable permettra d'interroger les catégorisations usuelles en montrant leur caractère construit. Il convient ainsi de préciser que les auteures du corpus ne s'inscrivent pas forcément de manière linéaire dans les tendances générales de l'histoire littéraire.