Écologie et identités calédoniennes

Ecology and New Caledonian Identities

• Auteur / Autrice : Elise Pons
• Direction : Alain Thalineau, Christophe Serra-mallol
• Type : Projet de thèse
• Discipline(s) : Sociologie
• Date : Inscription en doctorat le 06/09/2021
• Etablissement(s) : Tours
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la Société : Territoires, Économie et Droit (Centre-Val de Loire ; 2018-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Cités Territoires Environnement et Sociétés (Tours ; 2004-....)
• Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : COST - Construction Sociale et politique des espaces, des normes et des Trajectoires

Mots clés

Mots clés libres

Mouvements sociaux

Sociologie politique

Écologie

Political sociology

Social movements

Ecology

Résumé

Contextualisation En 1997, dans le contexte des mouvements altermondialistes, Pierre Rabhi, agriculteur, écologiste et essayiste, publie le Manifeste pour des Oasis en tous lieux. En 2006, il participera à la création de l'association Colibri, à l'origine des quelques milles « Oasis » présentes aujourd'hui sur le territoire. Elles sont des lieux de partages, tendant vers une souveraineté alimentaire, un usage raisonné de ressources, une ouverture au monde, et vers des formes de gouvernances respectueuses. Le mythe entourant la mouvance Oasis / Colibri provient d'une légende amérindienne, racontée par l'auteur : « Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s'activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : 'Colibri ! Tu n'es pas fou ? Ce n'est pas avec ces gouttes d'eau que tu vas éteindre le feu ! ' Et le colibri lui répondit : 'Je le sais, mais je fais ma part.' » Dans des temps où on assiste, impuissants, à des embrasements de forêts et à la destruction d'écologies terrestres et où en parallèle, on observe un discours autour de la responsabilité individuelle, on comprend en quoi cette fable est très chargée symboliquement. L'État, conçu pour gérer les masses, n'aurait pas les moyens d'effectuer cette transition qui, selon les Colibris, passe inévitablement d'abord par l'échelle individuelle puis par l'échelle locale qui l'entoure. « Je ne suis pas militant », dit Pierre Rabhi, « je n'ai jamais levé le poing. Le changement de société doit d'abord passer par moi. Il faut construire des petites cellules pacifiques, des cellules de bienveillance qui permettront une transformation de la société. ». Cette transformation passe par une diversification des oasis présentes sur le territoire (des habitats partagés, des centres de soin, lieux d'hébergements, épiceries sociales et solidaires, temple zen). Objectif de la recherche Outre la dimension non-violente et non-contestataire du mouvement, les Oasis posent la question d'une relocalisation du politique à différents niveaux. L'hypothèse théorique placée ici est que, malgré sa dimension associative, on peut analyser le mouvement Colibri comme un mouvement social politique qui entre en tension, sans entrer en conflit, avec l'État. En tant que tel, il nécessite une relecture de l'analyse des mouvements sociaux et des termes les définissant (comme le militantisme ou l'action collective concertée (Erik Neveu). En favorisant une mise en dialogue de différents prismes de lectures (Arendt, Graeber, tassin..), l'objectif sera de mettre en lumière les particularités de ce mouvement social et de ces espaces dans lesquels il s'inscrit. En laissant aux Oasis leur indépendance, le mouvement Colibri participe à la naissance de nouveaux modèles de gouvernance qui semblent entrer en tension avec les techniques de gouvernances souhaitées par le gouvernement néolibéral français. Les deux entités politiques (Colibris et Oasis) s'alimentent mutuellement pour durer, en veillant à n'investir que les espaces autorisés par l'État, tout en effectuant des expérimentations localisées au cœur même de ses « carences », là où il lui est difficile d'agir, à savoir dans les domaines de l'écologie, des solidarités, et des pratiques démocratiques qui contrarient sa dépendance au système de production capitaliste. il s'agit dans cette thèse d'interroger la différence produite entre ce que fait le mouvement des Oasis, à vocation communautaire, et sa stratégie de diversification dans l'intention de ne pas privilégier les organisations, pour s'adapter aux projets des individus et rendre son réseau de projets durable. Éléments méthodologiques Pour saisir ce double mouvement individualisme/commun présent dans le mouvement Colibri/Oasis, le terrain de recherche se centrera sur des initiatives locales menées par les acteurs du mouvement des Oasis en Région Centre, caractérisées par la mise en commun de ressources et de capitaux. Les structures des oasis, leur modes d'organisation, leurs relations aux acteurs publics, ainsi que les traces de leur histoire feront l'objet d'un premier volet d'analyse. Il sera complété par une analyse des trajectoires sociales des participants, leurs relations au politique, au sens large du terme, ainsi que les représentations qu'ils ont de leurs propres pratiques

In 1997, within the context of anti-globalization movements, Pierre Rabhi, an agriculturer, ecologist and essayist, published « Le Manifeste des Oasis en tous lieux ». In 2006, he participated in the creation of the Colobri association, at the origin of the few thousand “Oases” present today on the French territory. They are places of sharing, tending towards food sovereignty, a reasoned use of resources, an openness to the world and towards respectful forms of governance. The myth surrounding the Oasis/Colibri movement comes from a Native American legend told by the author:”Once upon a time, says the legend, there was a huge forest fire. The animals, terrified and aghast, helplessly watched the disaster. Only the little hummingbird was bustling about, fetching a few water drops with its beak to throw them on the fire. After a while, the armadillo, annoyed by this derisory agitation, said to him:” Hummingbird! Aren't you crazy? It is not with a few water drops that you are going to put out this fire!” And the hummingbird replied:” I know but I'm doing my share”. In times when we are helplessly witnessing forests blazing up, terrestrial ecologies being destroyed, and where in the meantime, we hear a discourse around individual responsibility, we can easily understand how highly symbolical this fable is. The State, designed to manage the masses, would not have the means to make this transition which, according to the “Colibris”, inevitably first goes through the individual scale and then through the local scale around it. « I am not an activist », says Pierre Rabhi, « I have never raised my fist. The change of society must first come through me. We must build small peaceful cells, cells of benevolence that will allow us to transform society.” This transformation requires a diversification of the Oases present on the territory (shared habitats, care centers, places of accommodation, social and solidarity grocery stores, zen temples) In addition to the non-violent, non-protest dimension of the movement, the Oases raise the question of a relocation of politics to different levels. The theoretical hypothesis here is that in spite of its associative dimension, the Colibri movement can be analysed as political social movement that comes into tension, though not into conflict, with the State. As such, it requires rereading the analysis of social movements and the terms defining them (such as activism or collective concerted action (Erik Neveu). By promoting a dialogue between different prisms of reading, the goal will be to highlight the specificities of this social movement and of the spaces in which it belongs. Mobilizing the Arendtian action/work/labor triptych permits to analyse the form of the condition of this movement, in substance, which is not only made of labor, and not part of a register of collective action, since as an action is explained in and by itself, it is in essence momentary. A strike or a succession of demonstrations are part of the register of collective actions since they are not intended to be established as such. Une grève ou une succession de manifestations font partie du registre des actions collectives, puisqu'elles n'ont pas pour projet de s'établir en tant que tel. Here the two political entities (Colibri and Oasis) feed on each other to last while making sure to only invest the spaces allowed by the State. With the simple reading of Arendt, one understands a first peculiarity of this movement, namely that it is rather a question of a common and concerted political work, intervening on the territory of the State, of course, but beyond its political field of action, through experiments located at the very heart of its “deficiencies”, where it is difficult for it to act, namely in the fields of ecology, solidarity and democratic practices. As David Graeber shows in his essay « La Démocratie aux Marges”, democratic practices are hardly compatible with the massive structures of the State, which, moreover, struggles to commit to an ecological transition, since it requires questioning and overcoming the elementary structures on which it was built, such as those of the capitalist production system. The Colibri/Oasis movement raise the question of this going beyond, thanks to an operation emphasizing the liquidity of the network (Zygmunt Bauman) as opposed to the rigidity of state structures. For Laurent Jean-Pierre, dans In Girum : Leçon des ronds-points, there are three ways of going beyond capitalism. The first one would break with the state, through a revolution; the second, on the other hand, would pass through the State and its legislative apparatus; the last one, which interests us here, would involve experiments located outside the State, such as the “ZADs” or here the Oases. Based on fieldwork and the collection of demographic data on the Oases present in the region and at a national level, i twill therefore be a question of describing to what extent this relocation of politics invites us to reinterpret our categories of analyses in the definition of what a social movement is.