Le réalisme moral d'Elizabeth Anscombe : une philosophie de l'intégrité
Auteur / Autrice : | Blandine Lagrut |
Direction : | Roger Pouivet, Peter Gallagher |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Philosophie |
Date : | Soutenance le 05/09/2024 |
Etablissement(s) : | Université de Lorraine |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale SLTC - Sociétés, Langages, Temps, Connaissances (Nancy ; 2013-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Archives Henri Poincaré- Philosophie et Recherches sur les Sciences et les Technologies (Nancy ; Strasbourg ; 2018-....) |
: Facultés Loloya Paris | |
Jury : | Président / Présidente : Valérie Aucouturier |
Examinateurs / Examinatrices : Roger Pouivet, Peter Gallagher, Isabelle Moulin, Mark Wynn, Anna Zielinska | |
Rapporteur / Rapporteuse : Valérie Aucouturier, Isabelle Moulin |
Résumé
Pour Elizabeth Anscombe, tout effort de bonté est indissociablement une quête de vérité. La vigilance morale prend chez elle la forme d’un Daimôn rappelant à chacun la tâche d’examiner sa vie : « Peut-être que d’une manière que je ne vois pas, je me trompe désespérément sur une chose essentielle*. » Cette thèse défend l’idée qu’Anscombe élabore un type original de réalisme moral centré sur la notion d’intégrité et polarisé par une question : comment une personne parvient-elle à saisir, le plus rigoureusement possible, le sens et la gravité de ses actions ? Selon elle, trois conditions sont nécessaires afin d’évaluer correctement le poids de nos actes — elles donnent le plan de notre travail : on a besoin de savoir ce qu’on fait effectivement, on doit avoir une certaine idée des nécessités liées à sa nature d’humain et enfin, on doit reconnaître l’infinie valeur de cette nature.Pour savoir ce qu’elle fait, la personne doit pouvoir identifier les critères de « ce qui compte comme une description pertinente d’une action.» Or c’est précisément ce à quoi s’attèle Anscombe dans son étude de l’intention. Elle montre qu’il est possible d’isoler des types d’actions dont nous savons que, si nous la faisons intentionnellement, nous sommes dans le faux. La catégorie d’« acte intrinsèquement injuste » redevient disponible, offrant ainsi le point de départ d’une épistémologie morale réaliste.Pour être intègre, la personne a, par ailleurs, besoin de justifier ses évaluations en les fondant sur une compréhension approfondie de la forme de vie des humains. Là encore, Anscombe opère un déplacement majeur en donnant une nouvelle consistance au concept de nature humaine. Elle s’appuie sur l’idée que nous apprenons quelque chose sur la sorte d’être que sont les humains en dépliant la forme logique de leurs pratiques linguistiques. Sa méta-éthique gravite autour d’un axe souvent inaperçu, combinant le naturalisme d’Aristote et la grammaire logique de Wittgenstein.Enfin, une action ne sera vraie sur le plan moral qu’à la condition de manifester la valeur « mystique » de la nature humaine. La mise au jour de cet aspect constitue l’apport le plus novateur de cette thèse. L’étude approfondie des textes éthico-religieux permet de dégager le cœur de son anthropologie métaphysique : les humains sont non seulement des animaux rationnels, mais aussi des êtres spirituels, doués d’une dignité que nous pouvons connaître par « connaturalité » ou par « perception mystique ».L’exploration des différentes facettes du réalisme moral anscombéen permet, in fine, de préciser son rôle dans le débat éthique contemporain sur l’absolutisme. Certains actes sont-ils à refuser absolument, quoiqu’il en coûte du bien-être de la personne ou de la situation conséquente ? Pour Anscombe, la réponse est oui. Mais cela ne peut se faire ni au détriment du discernement personnel ni au prix d’une aliénation. Sa manière de concevoir l’humain permet de résoudre la tension en établissant que l’interdit n’a pas besoin d’être décrété par une autorité extérieure pour être absolu. Il peut s’imposer intérieurement à la personne, comme une évidence impérieuse, en raison de sa nature spirituelle.*G.E.M. Anscombe, « La philosophie morale moderne », traduit par G. Ginvert et P. Ducray, Klesis-Revue Philo-sophique. Actualité de la philosophie analytique, 2008, no 9, p. 25.Mots-clés : réalisme moral, intégrité, absolutisme, philosophie de l’action, épistémologie morale, méta-éthique, naturalisme, grammaire logique, perception mystique, connaturalité, anthropologie métaphysique, nature spirituelle.