Thèse en cours

Les enjeux du principe d'égalité des créanciers

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Anny Joachim
Direction : Augustin Aynes
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit
Date : Inscription en doctorat le 01/09/2020
Etablissement(s) : Paris 12
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Organisations, marchés, institutions (Créteil ; 2010-)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : LDP - Laboratoire de Droit Privé

Résumé

FR  |  
EN

L'objet de mon étude dans le cadre de ce doctorat porte sur « Les enjeux du principe d'égalité des créanciers ». Cette question fait l'objet de plusieurs débats doctrinaux qui influencent la pratique. En outre, il s'agit d'un principe dont l'application tend encore à évoluer sous l'influence de la transposition en droit interne de la directive européenne sur la restructuration et l'insolvabilité du 20 juin 2019 « directive (UE) 2017/1132 ». Cette directive vise à harmoniser a minima le droit des entreprises en difficulté dans les Etats Membres de l'Union Européenne. En doctrine, les débats sur le principe d'égalité entre les créanciers transcendent la seule matière du droit des entreprises en difficulté. Certes, le principe d'égalité des créanciers est régulièrement présenté comme étant le principe au cœur des règles gouvernant le traitement des entreprises en difficultés. Mais ses racines sont ancrées dans le droit civil et les conséquences de son application dans les différents mécanismes du droit des entreprises en difficultés rejaillissent sur des ensembles de règles appartenant à d'autres branches du droit (droit du travail, droit de la propriété intellectuelle, droit des obligations etc.). Pourtant ni les dispositions normatives, ni la jurisprudence de la Cour de cassation ne permettent de se faire une idée satisfaisante de la consistance de ce principe. Lors du colloque « Que reste t-il du principe d'égalité des créanciers dans les procédures collectives ? » qui s'est tenu le 20 juin 2019 à faculté de droit de Montpellier, l'intervention du Professeur Aynès rappelle la distinction qui existe entre deux conceptions de la notion d'égalité. En effet, il ressort des travaux d'Aristote que l'égalité peut se concevoir de manière arithmétique ou géométrique et que deux idées distinctes de la justice découlent de ces conceptions. L'égalité arithmétique correspond à l'idéal de justice commutative. Par conséquent, dans une conception arithmétique de la notion d'égalité, il y a une idée d'équivalence entre toutes choses qui préside dans la répartition des biens. En revanche, l'égalité géométrique correspond à un idéal de justice distributive qui invite à prendre en compte la notion de mérite et commande une répartition des biens en fonction de la contribution de chacun dans la situation. Mais l'application de l'une de ses conceptions de l'égalité entraine des inégalités. Appliqué au traitement des créanciers, le principe d'égalité entraine nécessairement une forme de traitement inégalitaire. En droit commun, on voit un exemple d'application d'une conception arithmétique de la notion d'égalité des créanciers dans le droit de gage général énoncé à l'article 2285 du Code civil. Cette règle énoncée en droit commun est immédiatement tempérée par d'autres dispositions en droit des sûretés qui organisent une différenciation dans le traitement des créanciers. Les créanciers titulaires d'une sûreté personnelle ou réelle échappent entièrement ou partiellement au concours des créanciers sur le droit de gage général tandis que, les créanciers chirographaires qui supportent au moins partiellement l'insolvabilité du débiteur. Le principe d'égalité des créanciers au sens du droit civil est vite apparu comme étant inadapté aux enjeux du monde commercial dans lequel les partenaires créanciers sont eux-mêmes débiteurs de leurs créanciers. Dès lors, il y a un risque de défaillance des acteurs qui pourrait se généraliser si l'on appliquait la conception civiliste de l'égalité. Ainsi, le droit des entreprises en difficulté adopte la conception de l'égalité géométrique. Cette conception de l'égalité permet de limiter le risque de défaillance en chaine. La justice distributive découlant de l'égalité géométrique commande d'instaurer une différenciation de traitement des créanciers dès lors que ceux-ci sont placés dans des situations différentes. L'une des finalités de cette politique juridique est d'augmenter les chances de survie de l'entreprise en difficulté. Mais ce traitement est loin d'être uniforme et dans d'autres cas le traitement des créanciers révèle une vision de l'égalité sous son angle arithmétique. Voir même, certaines dispositions organisent un dispositif d'inégalité de traitement des créanciers. Dans toutes les branches du droit, le principe d'égalité des créanciers fait l'objet de plusieurs exceptions qui paralysent la recherche de sa consistance réelle, tant et si bien que l'on en arrive à remettre en cause l'existence même de ce principe. Le contentieux devant les Tribunaux révèle également une difficile réception et application de la notion par les praticiens et les justiciables. Or ces incertitudes théoriques et pratiques risquent d'être encore accentués par la transposition de la directive européenne sur la restructuration et l'insolvabilité.