Thèse en cours

Collégiales et territoires dans les diocèses de Reims et Châlons (IXe-XVe siècles)

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Auteur / Autrice : Nicolas Philippe
Direction : Véronique Beaulande-barraudAnne Massoni
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire
Date : Inscription en doctorat le 08/01/2019
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Universitaire Histoire Culture(s) Italie Europe

Résumé

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Le sujet de ce doctorat porte sur les « Collégiales et territoires dans les diocèses de Reims et Châlons (IXe-XVe siècles) » Cette étude s'inscrit dans la continuité des travaux actuels sur les collégiales séculières, notamment dans la droite ligne des recherches menées par Anne Massoni et son groupe de recherches. Il s'agit d'explorer de nouveaux axes de travail n'étudiant plus les collégiales séculières dans une perspective monographique mais en les plaçant davantage dans / comme un réseau de relations pour un espace donné. Cette recherche s'inscrit dans les études actuelles portant sur la territorialisation des espaces, des pouvoirs, comme ceux de Fl. Mazel, soumis à débâts (MAZEL (Fl.), L'évêque et le territoire. L'invention médiévale de l'espace (Ve-XIIIe siècle), Paris, 2016). Elle s'insère également dans les nouvelles perspectives d'études de la réforme de l'Eglise du Moyen Age central. Enfin, elle s'inscrit dans la continuité des travaux en autres menés par M. Sot (SOT (M.), Un historien et son église, Flodoard de Reims, Paris, 1993), P. Demouy (DEMOUY (P.), Genèse d'une cathédrale, Langres, 2005) et P. Desportes (DESPORTES (P.), Reims et les Rémois aux XIIIe et XIVe siècles, Paris, 1979) sur le diocèse de Reims. Cette recherche peut également apporter de nouvelles connaissances sur un diocèse de Châlons encore peu exploré, dans la continuité des études de S. Guilbert et J.P. Ravaux. I. Bornes spatiales et chronologiques 1. Espace dans lequel s'inscrit la recherche Cette recherche est réalisée à l'échelle des diocèses de Châlons et de Reims. Ces deux diocèses permettent d'étudier des institutions pouvant s'avérer bien différentes entre celles qui dépendent des comtes de Champagne, des châtelains, de l'archevêque, et des évêques. Les pistes de recherches s'inscrivent donc également dans une logique comparative. Outre ces différents pouvoirs, ces diocèses en position de frontière font des collégiales une institution relayant l'influence politique au sein de ces marches. Ces limites spatiales offrent également un corpus de sources permettant de répondre à nos problématiques. 2. Bornes chronologiques L'étude débute en 816, le concile d'Aix étant fondateur dans la définition de l'ordre canonial. La fin de l'étude doit être encore définie plus précisément. Les pistes envisagées sont l'annexion du comté de Champagne au domaine royal, après le mariage entre Jeanne de Navarre et Philippe IV en 1184 ; intégration effective sous Louis X (1314-1316). En effet, les puissances politiques ayant eu un rôle sur les collégiales ont été modifiées. Elle pourrait également correspondre à la fin de la guerre de Cent Ans. En effet, ce conflit a pu avoir un réel impact sur le temporel, sur l'emprise territoriale et sur la composition des chapitres des collégiales séculières. Une étude approfondie des sources permettra de déterminer la pertinence de ces limites dès la première année de doctorat. II. Thématiques envisagées 1. Les collégiales séculières : un acteur de la morphogenèse des diocèses et du renforcement du pouvoir épiscopal A partir du XIe s. la fonction épiscopale s'émancipe de la tutelle des grands laïcs. La « restauration » de l'autorité de l'évêque et de son prestige sur les clercs et les lieux de culte au sein de son diocèse est une des données importantes de ce processus qui s'intègre dans la Réforme grégorienne. Même si le monde monastique est le grand bénéficiaire du phénomène, le volume de transfert des lieux de culte des mains des laïcs vers le patrimoine épiscopal ou des chapitres cathédraux n'en demeure pas moins inédit. Outre ces résignations entre les mains de l'Eglise, la croissance démographique du Moyen Age central fait que l'institution ecclésiale doit s'adapter pour gérer cette augmentation du nombre de fidèle, ce qui a pu se matérialiser par la création de nouvelles paroisses au sein des diocèses. L'étude des collégiales séculières des diocèses de Reims et de Châlons-sur-Marne montre que les grands ecclésiastiques (évêque, archevêque, chapitres cathédraux) ont choisi cette institution séculière pour gérer cette forte augmentation d'autels, de dîmes et des autres revenus à la charge des pouvoirs épiscopaux et des chapitres cathédraux. Il est remarquable que les dotations originelles mentionnées dans les chartes des fondations des XIe et XIIe siècles soient souvent constituées exclusivement de cures et de dîmes. Ce rôle des collégiales séculières dans la territorialisation du diocèse peut également être mis en avant dans l'établissement de la frontière septentrionale du diocèse de Reims. En effet, dans cette zone de confins du massif ardennais, aux limites du diocèse de Liège, le sanctuaire de Braux aux origines épiscopales est devenu une collégiale contrôlant une série de cures marquant cette limite diocésaine dans l'espace, faisant un effet miroir avec une collégiale du diocèse de Liège. Ensuite, la cité de l'évêque est le lieu central de sa parrochia autour duquel 's'organise l'espace rural de manière hiérarchisée en cercles successifs au fur et à mesure que l'on en s'éloigne ' (Fl. Mazel L'évêque et le territoire. L'invention médiévale de l'espace (Ve-XIIIe siècle), Paris, 2016, p. 91). Néanmoins, l'étude des deux diocèses et particulièrement celui de Reims, pourrait montrer que les collégiales sont les relais de cette influence ou de ce contrôle de l'espace diocésain. Elles seraient des 'lieux épiscopaux' polarisant des régions éloignées de la cité et notamment aux espaces de confins. En outre, dans la gestion au quotidien, le nombre de chanoines au sein de ces chapitres séculiers offre la possibilité de gérer les paroisses, les conflits entre paroissiens etc. Il faudrait également travailler sur les interventions des évêques et des archevêques au profit de collégiales seigneuriales afin d'identifier les évolutions juridictionnelles perceptibles entre les XIe et les XIIIe s et leur implication dans l'encadrement spirituel des chapitres. Les collégiales séculières ayant comme fondateur un Grand ecclésiastique pourraient donc avoir été perçues comme « outils administratifs et de gestion » au service des évêques de la réforme grégorienne, notamment dans une région où les prélats sont peu enclins à laisser se propager les grands ordres monastiques pour défendre leurs privilèges. 2. Les collégiales séculières : un acteur dans la gestion des principautés Les fondations de collégiales par les comtes au sein des deux diocèses peuvent révéler ou confirmer l'importance de ces institutions dans l'établissement de leur pouvoir sur une région. Les comtes de Champagne ont fondé des collégiales séculières prestigieuses, offrant un personnel qualifié, notamment de notaires. Comme l'a montré P. Corbet, Henri Ier le Libéral (1152-1181) a renoué avec la vague des fondations de collégiales séculières en créant des chapitres exceptionnels par le nombre de prébendes (P. Corbet, « Les collégiales comtales de Champagne (vers 1150-vers 1230) », dans Annales de l'Est, 1977-3, p. 195-241). L'étude du diocèse de Châlons montre que Blanche de Navarre, régente du comté de Champagne, reprend cette politique, en créant l'exceptionnel chapitre de Vitry-en-Perthois en y prévoyant l'installation de cent chanoines. Il faut essayer de comprendre quelles sont les motivations des comtes et comtesses, le nombre de prébendes fondées en trois siècles étant considérable, bien plus que nécessaire pour mettre à disposition un personnel qualifié. Ces institutions, sous la mainmise du comte qui possède les droits de collation, ont dans leur dotation de vastes censives et semblent avoir un réel rôle économique et de gestion à l'échelle du comté. Il est également probable que ces fondations doivent être mises en lien avec la situation de concurrence entre les comtes et le pouvoir royal sur des territoires stratégiques. Enfin, les dignitaires ou chanoines ont pu être choisis parmi des alliés ou des grandes familles du comté. Une étude prosopographique permettra de corroborer cette théorie. Dans les régions où le pouvoir comtal est moins présent, des châtelains ont également fondé leurs propres institutions. Dans la mesure où les sources le permettent, il faut étudier les finalités et l'impact territorial de ces fondations, notamment dans l'établissement de nouveaux pouvoirs politiques sur leur région. Un nombre important de ces fondations seigneuriales sont régularisées au XIIe s. L'étude de ce phénomène devra permettre de comprendre si la réforme de l'Eglise esr la seule explication de ces régularisations ; il faudra également étudier l'impact de ces régularisations en terme territorial. De même, la réduction à trente du nombre de prébendes de la collégiale de Vitry quelques années après sa fondation doit être analysée, et notamment sous l'angle du temporel donné par la comtesse pour doter le chapitre. 3. Les collégiales séculières : un acteur de la morphogenèse urbaine L'étude des collégiales séculières des deux diocèses pourrait montrer que les seigneurs laïques ou ecclésiastiques leur ont dévolu la tâche de développer les espaces urbains. En effet, des collégiales des cités de Reims et de Châlons possédaient des censives situées à l'extérieur des remparts, et cela vraisemblablement dès leur fondation. L'évêque, soucieux de développer sa cité et d'en tirer profits, a pu donner aux collégiales qu'il venait de fonder cette mission de gestion et de développement des faubourgs urbains, tant au niveau spirituel que temporel. Il semblerait que les collégiales comtales et châtelaines des diocèses eurent également cette fonction d'administrer les vastes possessions et droits seigneuriaux détenus par leurs fondateurs. Ces chapitres séculiers, de fondation ecclésiastique ou laïque, ont acquis ensuite de nouveaux biens et droits. Outre des politiques d'achat, ces acquisitions sont intimement liées aux pratiques spirituelles qui restent au cœur même du rôle des chanoines dans la société médiévale grâce aux donations obituaires. Il est intéressant d'étudier l'emprise foncière et des droits perçus sur un territoire ainsi que son évolution. L'accroissement de ces propriétés a eu vraisemblablement des conséquences sur les liens entre les chapitres et les différents pouvoirs, mais également des liens avec les fidèles, paroissiens ou non des cures contrôlées par les chapitres. 4. Les chanoines et chapelains des collégiales : un réseau de relations « territoriales » ? Etudier le rôle de chapitres séculiers au sein d'un territoire nécessite d'étudier les individus et les liens qu'ils ont pu nouer au sein de cet espace. Une étude prosopographique sera donc réalisée à l'échelle des deux diocèses. Elle doit permettre d'étudier les réseaux relationnels des chanoines et des chapelains des collégiales. Ces liens avec les fondateurs, avec les pouvoirs temporels et spirituels, pourraient mettre en évidence un recrutement local ou au contraire mettre en avant des liens dépassant le territoire diocésain. Au XIIe siècle, les locaux semblent très présents mais l'étude de la composition des chapitres aux XIIIe et XIVe siècles, au moment où les papes et le roi interviennent de plus en plus dans les collations, permettrait de déterminer si les chanoines sont toujours issus de l'espace proche. Il s'agira également d'étudier les carrières des chanoines à l'échelle du diocèse afin de mettre en évidence des stratégies dans leur « parcours canonial ». Les relations entre les autorités et les chapitres en tant que corps constitué doivent être étudiées dans un travail portant sur la territorialisation de ces institutions. Il faudra donc comprendre comment ces autorités gardent une influence juridictionnelle, morale, politique, économique sur les communautés de chanoines, au travers de visites épiscopales, comtales, de processions et autres moments d'unités ou lors de procédures civiles ou spirituelles.