L'écrivain et la 'cuisine de l'art' : modalités et enjeux de l'approche matérielle des peintures dans les écrits sur l'art (1819 1917)
Auteur / Autrice : | Baptistin Rumeau |
Direction : | Martine Lavaud |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Langue et littérature française |
Date : | Inscription en doctorat le 01/09/2020 |
Etablissement(s) : | Artois |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale en Sciences humaines et sociales (Amiens) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Textes et Cultures |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
« Quoi qu'en disent les esthétiques et les faiseurs de mythes, la première qualité de la peinture est d'être de la peinture ; vérité assez niaise et qu'on ne devrait pas avoir besoin de proclamer », s'emporte en 1838 le jeune critique d'art Théophile Gautier, devançant de quelques années le mot célèbre des Goncourt pour lesquels « la peinture » est avant tout « un art matérialiste ». Alors que règne au Salon le paradigme néo-classique de la transparence et que s'accumulent les toiles aux surfaces « léchées », polies comme des miroirs, de telles affirmations entendent rappeler la picturalité de la peinture, les moyens proprement matériels dont disposent les artistes pour concevoir leurs uvres et produire des effets susceptibles de toucher un spectateur. Si elle s'impose comme une évidence pour Gautier comme pour les Goncourt, la matière picturale constitue souvent un impensé des discours sur l'art, puisqu'elle confronte à l'informe, au rien, à une opacité induisant un trouble dans la perception. Loin de se réduire à l'insurmontable « muraille de peinture » du Chef-d'uvre inconnu, elle suscite pourtant la fascination de plusieurs écrivains amateurs d'art du XIXe siècle. Comme matériau, elle oppose une résistance qui révèle le travail physique de l'artiste. Comme texture, elle invite à explorer la riche variété des sensations éveillées par la peinture. Comme touche, elle constitue la trace d'un geste, une empreinte permettant de restituer la genèse plastique de l'uvre, d'identifier le faire singulier d'un peintre. Cette thèse proposera donc de réévaluer le rôle des écrivains critiques d'art dans l'évolution du discours sur la matérialité de la peinture à un moment déterminant de l'histoire de l'art. Le XIXe siècle voit en effet se multiplier les expérimentations sur la manière de peindre, renforcées par l'essor des sciences et des techniques, et engage un mouvement qui fait passer du régime classique de la dissimulation matérielle à celui, transgressif, de l'exhibition des dessous de la peinture. Il constitue aussi le premier moment d'interaction quasi-systématique entre l'artiste et la « civilisation du journal », l'écrivain critique devenant alors la première courroie de transmission entre le travail du peintre et l'il du spectateur. En relisant les textes de critiques et amateurs d'art connus (Théophile Gautier, Edmond et Jules de Goncourt, Emile Zola, Joris Karl Huysmans ) ou moins étudiés pour leurs écrits esthétiques (Jules Laforgue, Albert Aurier, Emile Verhaeren ), on s'attachera à comprendre dans quelle mesure ces auteurs envisagent la peinture comme une praxis ou accordent dans leurs commentaires une place déterminante à la matière, cherchant à reconstituer par le langage « la cuisine de l'art », le scénario pratique des créateurs. Tout l'enjeu sera de déterminer en quoi des textes littéraires relevant de catégories génériques variées (comptes rendus journalistiques, fictions sur l'art, récits de voyage, monographies ) ouvrent un espace de réflexion et de rêverie sur les secrets de la peinture contemporaine, dont les écrivains accompagnent l'évolution, et de la peinture ancienne, dont ils retrouvent, découvrent ou fantasment la singularité.