Thèse en cours

'Les voix du sport' : la mise en onde du spectacle footballistique

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Auteur / Autrice : Elie Sabry
Direction : Olivier ChovauxThomas Bauer
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire et civilisations Histoire Contemporaine
Date : Inscription en doctorat le 04/02/2020
Etablissement(s) : Artois
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale en Sciences humaines et sociales
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de Recherche et d'Etudes - Histoire et Sociétés

Mots clés

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Mots clés libres

Résumé

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Né en Angleterre au XIXe siècle, le football s'est progressivement imposé sur la planète comme le sport universel par excellence, « ne connaissant ni limites ni frontières» en étant à la fois « mondialisé et enraciné ». Sport populaire de masse, ce sport a investi depuis la fin du XXe siècle le champ de la recherche universitaire, impliquant différentes disciplines scientifiques, dont l'histoire, la géopolitique, la sociologie, les STAPS ou l'économie dans une dimension multiscalaire. Depuis la fin des années 1970, de nombreux chercheurs ont ainsi contribué à écrire une histoire locale du football (en centrant leurs problématiques sur un territoire déterminé, comme dans les anciennes régions françaises du Nord-Pas-de-Calais ou du Poitou-Charentes, en Bretagne, en Normandie, en Lorraine ou en Alsace etc.), d'autres se sont attachés à construire une histoire globale et politique du football ou se sont interrogés sur l'histoire des relations internationales. Si aucun travail spécifique sur l'histoire footballistique à la radio n'a été jusqu'à présent réalisé, la question du football et ses rapports aux médias a néanmoins suscité l'intérêt de plusieurs générations d'historiens, qui se sont principalement appuyés sur les archives de la presse écrite (journaux généralistes ou sportifs, quotidiens, hebdomadaires, mensuels ou presse quotidienne régionale) pour construire leurs recherches. Histoire du sport et des médias, état de la question bibliographique Si les premiers travaux sur l'histoire du sport et des médias émergent au cours des années 1960, sous l'impulsion du journaliste Edouard Seidler, ancien directeur du quotidien sportif « l'Equipe », il faut attendre la fin des années 1980 et les publications de Corinne Couderc, de Jacques Marchand, puis les années 2000 pour que la recherche en histoire du sport et des médias se généralise auprès des universitaires. Plusieurs historiens ont ainsi particulièrement approfondi le sujet : Évelyne Combeau-Mari détaille dans son ouvrage Sport et presse publié en 2007, les liens complexes établis entre le monde sportif et celui des médias, « mettant en évidence les enjeux culturels, économiques, sociaux, politiques, identitaires, qui marquent simultanément l'invention de la presse sportive ». Dans ses recherches, Philippe Tétart observe et caractérise l'essor de la presse sportive en France avant 1914, en proposant une analyse comparée de différents titres. Michael Attali s'est quant à lui interrogé sur les relations et les interactions entre les sports et les médias, dans « une logique dialectique en considérant à la fois les médias comme un élément structurant du sport et le sport comme un élément structurant des médias dans une perspective historique». Les liens entre l'univers des médias et le sport ont aussi retenu l'attention de plusieurs autres chercheurs : dans la publication le Temps des Médias publiée en 2008, Patrick Clastres et Cécile Méadel observaient « que l'histoire des sports et celle des médias de masse connaissent un déroulement concomitant (…) », tout en constatant que « sports et médias participent de concert à la constitution d'une culture de masse qu'ils contribuent à modeler, modifier, à répandre, par l'intermédiaire à la fois d'innovations techniques radicales, de nouvelles formes de mises en spectacles et en discours, et de relations bouleversées avec les autorités publiques ». Les relations entre sports et médias ont été aussi interrogées à l'occasion des 13èmes carrefours d'histoire du sport, organisés en 2008 à l'université de Grenoble-Alpes. Chercheurs en histoire du sport et des médias (dont Michaël Attali, Claire Blandin, Jacques Defrance, Christian Delporte, Françoise Papa, André Rauch, Jean Saint-Martin, Thierry Terret, Christian Vivier, Alfred Wahl) et journalistes de presse écrite (Didier Braun et Jacques Marchand) se sont attachés à caractériser la diversité des interactions entre les mondes médiatiques et sportifs, en mettant en évidence « l'accessibilité facilitée des archives », notamment celles de l'INA. Si les sources de la presse écrite ont été pleinement exploitées, les archives audiovisuelles et plus encore les archives radiophoniques n'ont pour l'heure bénéficié d'un intérêt identique. Histoire du sport et archives radiophoniques Pourtant le sport (particulièrement le football) et la radio sont intimement liés d'une histoire dense de près d'un siècle, caractérisée par des émotions collectives et un imaginaire commun aboutissant à une identité et une culture de masse tout à fait singulière. Des premiers directs des années 1920 aux talk-shows d'aujourd'hui rassemblant quotidiennement des centaines de milliers d'auditeurs, la radio n'a cessé de se réinventer et d'innover pour mieux couvrir les compétitions se démarquant de la presse et de la télévision. La diffusion sur le petit écran des rencontres de football étant rare jusqu'aux années 1980, le transistor a longtemps été l'intermédiaire unique pour s'informer en direct, entraînant dans son giron des générations d'auditeurs, vibrant au rythme des résultats et des commentaires sportifs. Pour mesurer le poids croissant du sport à la radio, il convient de s'appuyer sur une étude du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, publiée le 19 novembre 2018. Cette étude « entend faire un état des lieux de l'offre de sport en radio et du modèle économique des radios autour de la diffusion de contenus sportifs. Elle s'inscrit dans la continuité des travaux du Conseil sur les relations économiques existant entre le sport et la télévision publiés en 2017, et vise ainsi à cerner le rôle du média radio pour le monde sportif ». Pour l'histoire du sport à la radio, il est également particulièrement intéressant d'évoquer la publication de Guy Bernède sur « l'épopée du radioreportage sportif » en 2004. Ce travail de synthèse questionne les relations entre le sport et la radio depuis les premiers reportages jusqu'aux années 1960, avec une attention toute particulière pour l'étude de la programmation sportive dans les différentes stations de radio en France (Radio-Paris, Radio-Cité etc.) et à l'étranger (B.B.C, Radio Bruxelles etc.) depuis les années 1920. Outre l'avènement de la publicité ou les avancées techniques, Guy Bernède consacre également plusieurs chapitres aux premiers journalistes sportifs - Edmond Dehorter, Jean Antoine, Marcel Ménécier, Jacques de Ryswick, Jean Crinon, Alex Virot, Georges Briquet - en étudiant particulièrement leur langage radiophonique et leur qualité d'improvisation permettant progressivement la constitution d'une culture du sport en sport-spectacle. Si le travail de Guy Bernède constitue une entrée pertinente pour l'histoire du sport à la radio, le cas du football n'est que partiellement évoqué, le chercheur dans une perspective globale, s'intéressant aussi bien à la couverture médiatique du Tour de France cycliste qu'aux Jeux Olympiques dans l'entre-deux-guerres. Répondant à un vide historiographique, ce travail de thèse ambitionne ainsi de questionner l'évolution de la médiatisation du football à la radio depuis les années 1950, en interrogeant les concepts de culture de masse et de sport-spectacle. Il s'agira de déterminer des ruptures chronologiques pouvant être liées à des innovations à la fois de techniques et de styles journalistiques, ces deux aspects pouvant entrer en interaction. Pour ce travail, plusieurs orientations méthodologiques apparaissent et des choix devront être opérés. Se distingue ainsi la possibilité de construire une histoire comparée entre deux radios françaises généralistes et historiques (France Inter, RMC, RTL ou Europe 1 par exemple) ou la réalisation d'une étude pour une seule et même station radio. Il serait pertinent d'opérer dans un premier temps une analyse de la grille des programmes (horaires et volumes), qui permettrait de mesurer l'offre sportive, en quantifiant le temps croissant d'antenne consacré à l'actualité du football à la radio. Il s'agira également d'observer la diversification des émissions, depuis les premiers directs à l'invention du multiplex dans les années 1970, de s'intéresser aux différents formats d'émissions et à leurs évolutions (reportages, portraits, interviews, chroniques, débats, tribune populaire), de travailler sur les sons et bruitages. De plus, il serait pertinent de caractériser et de mesurer la diversification des intervenants à la radio (journaliste, correspondant local et à l'étranger, chroniqueur, consultant, modérateur, animateur…) et d'analyser l'évolution des contenus proposés, marqués par la multiplication des sujets radiodiffusés sur le football (coupe européenne, championnats étrangers, football féminin, compétitions continentales et internationales, sujets rattachés aux enjeux de société etc.). Dans un deuxième temps, il conviendra de s'intéresser « aux voix narratives », depuis Georges Briquet jusqu'aux commentateurs d'aujourd'hui, de Tommy Franklin à Eugène Saccomano, en passant par Thierry Roland, Guy Kédia, Jean-Paul Brouchon, Jacques Vendroux ou Jean Rességuié. Tout en considérant les ruptures et les continuités, cette partie vise à réfléchir à la construction du discours, à étudier les mécanismes linguistiques et journalistiques, qui permettent de faire vivre le football à la radio, engendrant la constitution d'un imaginaire de masse propre à ce sport. Plusieurs pistes de réflexions peuvent s'opérer avec la réalisation du portrait de ces hommes et femmes de radio, un travail sur les moyens (coûts) et réseaux techniques de diffusion. Dans ce cadre, un travail sur la réception du commentaire sportif par les auditeurs pourrait être envisagé, en questionnant les habitudes de « consommation » du football depuis le poste de radio unique dans les foyers des années 1950 aux usages numériques (radio par internet, développement et usage quotidien des podcasts) caractéristiques de la société du XXIème siècle. En outre, il conviendra aussi d'observer comment la radio s'est adaptée et démarquée de la télévision, depuis son émergence dans les années 1950-60. Pour mener à bien ce projet, il conviendra d'exploiter les archives sonores de l'INA (disponibles en ligne), d'utiliser les archives papiers des émissions et des journalistes, tout en recoupant un nombre significatif de témoignages des principaux acteurs de la radio, contemporains des faits et des événements. Il s'agira ainsi de démontrer comment des mécanismes propres à la radio permettent de construire une identité singulière du football. Ne pouvant réaliser un travail exhaustif, des choix s'imposent en privilégiant les aspects culturels et linguistiques, tout en mettant en évidence les progrès techniques de la radio, qui participent ainsi à la constitution du football en un sport spectacle de masse.