Thèse soutenue

Ressusciter les combattants de 1793 : une étude anthropologique et historique des mémoires de la guerre de Vendée

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Auteur / Autrice : Domitille Mignot
Direction : Jean-Pierre Cavaillé
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie sociale et historique
Date : Soutenance le 15/12/2023
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Galia Valtchinova
Examinateurs / Examinatrices : Galia Valtchinova, Yann Raison du Cleuziou, Anne Rolland-Boulestreau, Valérie Sottocasa, Jeanne Teboul
Rapporteurs / Rapporteuses : Yann Raison du Cleuziou, Anne Rolland-Boulestreau

Résumé

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Entre 2009 et 2010, lors de fouilles archéologiques dans le centre-ville du Mans (Sarthe), des ossements sont mis au jour. Ce sont les restes des Vendéens de l’Armée catholique et royale, défaite et massacrée, les 11-12-13 décembre 1793 par l’armée républicaine. Cette découverte a provoqué un séisme dans la mémoire historique des guerres de Vendée. Elle a entrainé un retour des débats autour de la notion rejetée par les historiens de « génocide vendéen », mais défendue âprement par les entrepreneurs de mémoire vendéens. Depuis 2016 et le rendu du rapport de fouilles, la mise en récit du passé connaît de nouvelles dynamiques et orientations. La politique culturelle menée par le département de la Vendée développe un discours axé sur l’unité et la résilience des Vendéens après les massacres commis en 1794 par les « colonnes infernales ». Résilience sur laquelle s’appuient les élites départementales afin de promouvoir une réussite économique vendéenne : le fameux « miracle économique vendéen ». Selon une démarche relevant de l’anthropologie historique, ce travail s’est centré en grande partie sur l’activité des associations mémorielles. À partir d’entretiens, d’observations participantes, d’une étude des discours, cette recherche a pu mettre en évidence deux processus de transmission du combat des Vendéens de 1793 : « une transmission par le sang » et une « transmission par initiation ». La mémoire de 1793 rassemble sympathisants, descendants, clercs, hommes et femmes politiques, et donne lieu à une multiplicité de manifestations (commémorations, messes, cérémonies, spectacles, journées de maisons d’édition, etc.). En créant une identité vendéenne, elle permet de faire du département de la Vendée, et plus précisément de la zone insurgée en 1793, un bastion des valeurs traditionnelles et chrétiennes. Les associations se font le relais d’une entreprise mémorielle menée par les élites politiques et économiques du département. Deux études de cas montreront la façon dont les associations mémorielles et le département de la Vendée célèbrent, à travers la mémoire, la fidélité à un combat qui a transcendé les siècles. Car l’histoire et la mémoire sont les vecteurs d’une transmission politique et religieuse des valeurs. Elles subliment la foi catholique, la famille, la permanence des hiérarchies sociales. Elles renforcent l’emprise et la légitimité d’un groupe et de ses élites politiques sur un territoire. Cette recherche s’intéresse dans un deuxième temps à la polémique mémorielle et politique déclenchée par les fouilles archéologiques qui ont eu lieu au Mans. Les ossements du Mans ont suscité un réveil mémoriel et de nouvelles réflexions : prise de position républicaine, interrogations sur le choix d’un lieu d’inhumation, sa symbolique (pardon ? réconciliation ? Dieu et le roi ? etc.), et sur les pratiques commémoratives. Les débats ont redynamisé des réseaux et ont fait apparaître de nouvelles alliances (de la droite républicaine, à la droite souverainiste et aux monarchistes). Enfin, dans un troisième temps, cette recherche étudie le contexte et les objectifs de la création du complexe mémoriel des Lucs-sur-Boulogne (Vendée), constitué d’une chapelle, d’un mémorial et d’un historial, reliés par un circuit de la mémoire. Inauguré le 25 septembre 1993 par Philippe de Villiers en présence d’Alexandre Soljenitsyne, le mémorial célèbre les victimes des « colonnes infernales et de tous les totalitarismes ». La thèse analyse la genèse d’un narratif organisé autour du massacre de la fin février 1794 de 564 personnes par l’armée républicaine, objet d’instrumentalisation à différentes échelles (locales et nationales). L’espace est investi par différents entrepreneurs de mémoire (associations, Église, politique) et illustre l’évolution du discours mémoriel de 1990 à nos jours.