Thèse en cours

Les contrats miniers du Congo Brazzaville et le développement durable: Recherches sur les variables d'élaboration et d'application d'un système de règles transnationales.

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Auteur / Autrice : Rachment Kassambe pourou
Direction : Marcel Sinkondo
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit privé, droit public, histoire du droit
Date : Inscription en doctorat le 04/12/2020
Etablissement(s) : Reims
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences humaines et sociales (Reims ; 2012-)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche Droit et territoire (Reims, Marne ; 1975-....)

Mots clés

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Résumé

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Depuis une quinzaine d'années, les investissements étrangers dans le secteur minier africain ont considérablement augmenté. Cela a modifié le paysage minier mais a, par contre-coup, forcé à repenser le lien entre développement et extraction minière. De nouvelles politiques qui tentent d'accroitre la contribution du secteur au développement des pays producteurs sont en cours d'élaboration. Dans les pays en développement, les entreprises minières sont soumises à des demandes de mesure de leur impact extra-financier. Elles sont également sollicitées pour construire, avec les parties prenantes, des programmes de responsabilité sociale d'entreprise (RSE). Les entreprises du secteur minier sont ainsi appelées à se référer à « l'approche de gestion qui intègre efficacement les questions économiques, environnementales et sociales dans les opérations, visant à créer des avantages à long terme pour les parties prenantes […] et à assurer le soutien, la coopération et la confiance des communautés locales dans lesquelles l'entreprise évolue » (Bottin, 2009). Comme le suggère le Programme des Nations Unies pour l'environnement, « un projet minier qui est développé, exploité et fermé avec une acceptabilité écologique et sociale pourrait être considéré comme contribuant au développement durable » (PNUE, 2002). Le concept de développement durable préconise un développement fondé sur un équilibre entre les trois pôles constitués par les intérêts économiques, environnementaux et sociaux (c'est l'idée d'intégration), dans l'objectif de promouvoir une plus grande justice dans la redistribution des richesses (c'est l'idée d'équité intergénérationnelle) et de préserver les ressources (il s'agit de la gestion durable des ressources) afin que les choix des générations futures ne soient pas compromis par les choix des générations présentes. Selon ce consensus, le développement durable est un mode de développement qui cherche à concilier le progrès économique et social avec la préservation de l'environnement considéré comme un patrimoine à transmettre aux générations futures. La notion apparaît dans son acception moderne dans la seconde moitié du 20ème siècle. Une commission portant sur l'environnement et le développement est réunie sous l'égide des Nations Unies et présidée par Madame Gro Harlem Brundtland, femme d'Etat norvégienne. Cette commission pose pour la première fois le terme de développement durable au sein d'un rapport publié en 1987 en ces termes : « Le développement durable1 est un mode de développement qui répond aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Le développement durable se distingue de la croissance. Il a une portée plus large et traduit une évolution économique, sociale, culturelle et politique, qui serait avant tout qualitative. Le terme de « développement » porte déjà en lui l'idée d'un bien-être social. L'adjectif « durable » aurait vocation à insister sur l'exigence de préservation de l'environnement humain dans une perspective à long terme. Il insisterait également sur la nécessité de l'association indéfectible entre trois piliers interdépendants. C'est vers une telle perspective que les pays en voie de développement sont appelés à se diriger dans la réalisation de leur développement, notamment à travers les contrats d'investissements étrangers. Le développement durable est axé sur l'équilibre de piliers, environnemental, social et économique. Le pilier environnemental du développement durable est le pilier qui est considéré comme le « parent riche » du développement durable3. En effet, l'environnement est ce qui constitue le cadre de vie de l'Homme, que les éléments qui le composent soient subjectifs, objectifs, naturels ou artificiels. De cet environnement dépendent la vie et/ou la qualité de vie des êtres vivants au premier rang desquels, l'être humain. Certains des éléments de ce pilier peuvent également relever du pilier social du développement durable. Le pilier social, au cœur duquel se trouve l'Homme, prend en compte les impératifs sociaux et culturels faisant de ses conditions de vie, des conditions satisfaisantes. Mais comment comprendre, dans notre perspective, le terme « social »4 ? Faut-il l'entendre comme étant l'ensemble des questions qui concernent une collectivité humaine comme par exemple la répartition des richesses5 ? Le qualificatif renvoie-t-il à une dimension davantage protectrice des droits humains fondamentaux ? A des questions traitant spécifiquement de la question des travailleurs ? Ou encore celles relatives à la place de l'individu dans son milieu socioculturel, son cadre de vie, sa langue et sa civilisation ? En réalité, le pilier social du développement durable comprend toutes ces acceptions. C'est-à-dire toutes les préoccupations tenant aux conditions de vie des individus qui constituent un collectif social. Elles peuvent être liées au pilier économique du développement durable. Le pilier économique du développement durable peut être considéré comme comprenant tous les éléments ayant trait à l'activité économique des acteurs sociaux. Cela s'entend de toute activité créatrice de richesse, d'un point de vue tant quantitatif que qualitatif. En effet, l'économie ne se résume pas seulement aux actions qui produisent de la valeur d'un point de vue financier. Ce pilier comprend la quasi-totalité de l'action humaine. Dans l'esprit du développement durable, l'on doit alors intégrer des préoccupations sociales et environnementales. L'objectif de l'intégration est de promouvoir une plus grande justice dans la redistribution des richesses et de préserver les ressources, afin que les choix des générations futures ne soient pas compromis par ceux des générations présentes. Le développement durable s'inscrit dans la logique du développement et de la revendication d'une mondialisation basée sur le processus d'industrialisation. Cette politique de développement est pour une grande partie axée autour de grands contrats, tels que les contrats d'Etat, conclus avec des sociétés privées étrangères. Ces contrats sont les moyens privilégiés de développement des pays en développement. Dès lors, les contrats d'Etat et le développement durable ont un point commun : le développement. Le développement durable est une vision politique spécifique du développement et les contrats d'Etat sont un moyen de parvenir à celui-ci. Les contrats d'État sont définis comme les contrats conclus entre l'État ou un organisme public qui, aux fins présentes, peut être défini comme un organisme créé par la loi au sein d'un État auquel est conféré le contrôle d'une activité économique, et un ressortissant étranger ou une personne morale de nationalité étrangère. Les contrats d'État peuvent couvrir un large éventail de questions, notamment les accords de crédit, les contrats d'achat de fournitures et des services, les contrats d'emploi ou les projets d'importantes infrastructures, comme la construction de chemins de fer, de ports et de barrages. Une des formes les plus communes de contrats d'État est le contrat d'exploitation des ressources naturelles, appelé parfois “accord de concession”, bien que ce ne soit pas un terme juridique strict (Brownlie, 2003, p. 522). De tels accords jouent un grand rôle dans les secteurs des ressources naturelles des pays en développement. Historiquement, ces secteurs ont fourni la plus importante source de revenu à l'économie nationale et ils ont souvent été contrôlés par l'État, de sorte que les intervenants étrangers dans ces secteurs concluent des accords avec l'organisme public qui contrôle. Les contrats d'Etat concernés par notre étude sont des contrats miniers c'est-à-dire des conventions passées entre le gouvernement et les titulaires d'une licence d'exploitation et /ou de projet minier. Le contrat minier se définit comme un acte juridique transnational qui lie un Etat et une entité privée étrangère en vue du développement, de la production, du traitement, du transport et de la commercialisation des produits miniers. Le développement durable a permis l'émergence d'un espace de communication sur la base de principes et valeurs telles que la responsabilité, la précaution et la participation, qui sont mobilisés par divers acteurs sociaux. L'association entre développement durable et contrats miniers relève a priori du paradoxe. En effet, davantage fondés sur des impératifs économiques, les contrats miniers ont été les causes de graves atteintes sociales et environnementales dans les pays en voie de développement, dont certaines ont été révélées au sein de contentieux relativement récents. Ainsi, bien qu'ils se situent a priori aux antipodes l'un de l'autre, se posent logiquement des questionnements cruciaux, liés au développement durable en matière de contrats miniers. L'investissement direct étranger est, depuis longtemps, considéré comme l'un des principaux vecteurs du développement durable des pays en voie de développement. La reconnaissance du potentiel de contribution du secteur extractif en général, et du secteur minier en particulier, au développement des économies des pays en voie de développement est ancienne. En 1980, le plan d'action de Lagos pour le développement économique de l'Afrique de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) identifiait déjà ce secteur comme un pilier de développement et dressait un diagnostic, toujours pertinent, des difficultés liées à la valorisation de ces ressources. De ce fait, la question n'est plus : l'exploitation des ressources minérales est-elle un vecteur de développement ? mais bien : comment s'assurer qu'elle le soit ? Et quelle est la part du droit ? L'Afrique représente environ 30 % des réserves mondiales de matière première minérales non énergétiques (bauxite, cuivre, cobalt, chromite, etc.) et produit près de 60 minerais et métaux6. La hausse continue des cours internationaux des matières premières depuis près de dix ans tire la croissance africaine. Pourtant, l'écart entre l'augmentation significative des investissements dans le secteur minier africain au cours des dix dernières années et les performances de développement économique et sociales des pays producteurs est frappant. Dans ce contexte global, force est de préciser qu'avec le développement de l'activité minière, la République du Congo s'impose sans aucun doute comme un pays stratégique dans l'approvisionnement de l'industrie mondiale avec d'importantes réserves de minerais de fer estimées à plus de 25 milliards de tonnes soit 6 % de réserves mondiales, des mines d'or et de diamant ainsi que le pétrole avec une production d'environ 300.000 barils par jour soit le 6ème producteur de pétrole en Afrique. L'industrie minière Congolaise expérimente également le potentiel de mobilisation du développement durable. Le secteur minier en République du Congo contribue en effet à hauteur de 70 % au PIB nominal, représente plus 90 % des exportations et procure près de 75 % des recettes budgétaires. L'activité minière en République du Congo, occupe une place capitale dans la constitution du portefeuille public. Cette activité se révèle être très prometteuse en tant que catalyseur de croissance par le biais des recettes d'exploitation et d'expansion économiques. Avec le développement du processus miniers au Congo, les contrats miniers demeurent un instrument important dans le processus de développement durable. En République du Congo, si le secteur minier présente un intérêt vital pour le pays, la déconnexion entre les instruments qui le régissent et les objectifs qui l'ont vu naître est flagrante. Les populations profitent très peu des revenus issus de l'exploitation de ces minerais. Plus de la moitié des populations vit avec moins de 1,25 dollars par jour. Elle vit sous la barre du seuil d'extrême pauvreté et un tiers de la population est sous-alimenté. Pour réglementer l'investissement dans le secteur minier, la République du Congo a adopté en avril 2005 un code minier par la loi n° 4-2005 du 11 avril 2005. Ce code minier met en place des conditions attractives et établit un régime clair concernant les accords pour l'exploration et l'exploitation minières. L'article 15 de ce code énumère les différents types d'accords pour les substances minérales ou fossiles. Ces accords sont : l'autorisation de prospection ; le permis de recherches ; l'autorisation d'exploitation artisanale ; l'autorisation d'exploitation industrielle ; le permis d'exploitation ; les autorisations de détention, de circulation et de transformation des substances minérales précieuses. Le livre 2 du code minier dans ses articles 102 et suivant, définit les droits et obligations spécifiques relatifs aux opérations minières, de la sécurité industrielle, de l'hygiène, de la préservation de l'environnement et de la surveillance administrative. La politique de développement durable du Congo génère des inégalités importantes entre, d'un côté, des firmes puissantes, de l'autre côté, des populations et des acteurs locaux peu préparés à intégrer le développement durable comme objectif en soi. On peut alors s'interroger sur la capacité de l'Etat cocontractant à utiliser ses contrats miniers comme instruments de développement durable conformément à la vocation naturelle de ces contrats. Il est important de rappeler que les attentes et les enjeux perçus par les acteurs en présence sont divergents. À cet égard, il convient de faire l'évaluation de conformité des stipulations et du régime juridique des contrats miniers avec les objectifs de développement durable poursuivis par les acteurs en présence qui sont ici les investisseurs étrangers et l'Etat contractant. La première représentation des enjeux est celles des investisseurs étrangers ou entreprises minières. Ces derniers, tout en évoquant la nécessité d'être socialement acceptées, mettent en avant leur apport au développement du Congo, à travers les emplois crées, la stimulation de l'économie nationale et la contribution vitale aux finances publique du Congo. La deuxième représentation est celle des institutions publiques, qui est focalisée sur un objectif, de développement économique. Le gouvernement encourage l'investissement privé dans le cadre des différents outils législatifs mis en place, il joue un rôle de suivi et de contrôle des activités minières, dans un cadre clair, transparent et non discriminatoire. Ces objectifs sont également affirmés dans les textes législatifs qui fixent le principe de garantir un équilibre entre le développement des activités productives et la gestion de l'environnement, dont le rôle essentiel est de garantir la stabilité des systèmes de production. Les entreprises du secteur minier sont ainsi appelées à intégrer ces préoccupations à leurs activités quotidiennes. Cependant on peut noter l'absence d'une vision explicitement intégrée du développement durable dans ces différents documents publics stratégiques dans la mesure où les relations entre les dimensions humaine, économique et sociale ne sont pas pensées dans un ensemble cohérent mais plutôt présentées de façon sectorielle. Il convient de souligner que cette étude cherche à confronter les stipulations et le régime juridique des contrats miniers aux exigences du développement durable « un processus global, économique, social, culturel et politique, qui vise à améliorer le bien-être de l'ensemble de la population et de tous les individus ». L'industrie minières au Congo constitue un terrain d'étude intéressant dans la mesure où les autorités publiques ont montré un certain volontarisme dans l'incitation des entreprises à prendre en compte leur impact sociétal. Partant de ce point de vue, il conviendra d'analyser les contraintes d'élaboration et d'application des contrats miniers du Congo, afin de comprendre si ces contrats répondent ou non aux exigences du développement durable. Autrement dit, il s'agit de trouver dans les stipulations et le régime juridique des contrats miniers du Congo, non pas les marques sensibles de la prise en compte d'intérêts peu compatibles avec les exigences de développement durable. Telle est donc notre démarche qui va s'articuler autour des recherches sur les variables d'élaboration et d'application d'un système de règles de droit transnationales.