Thèse en cours

Comment l’utilisation de la réalité virtuelle dans les soins courants douloureux peut-elle améliorer le confort de l’acte de soin et favoriser les apprentissages ?

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Auteur / Autrice : Yannick Escalle
Direction : Elisabeth RosnetPhilippe Dedieu
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Staps
Date : Inscription en doctorat le 02/12/2021
Etablissement(s) : Reims
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Sciences Fondamentales et Santé
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Performance, Santé, Métrologie, Société (PSMS) (Reims, Marne)

Résumé

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Cadre supérieur de santé je suis responsable pédagogique de l’Institut de Formation en Pédicurie Podologie (IFPP) de Toulouse depuis 2015. J’ai orienté la prise en charge de la douleur au sein du centre de formation comme un des axes fort du projet pédagogique. Depuis 2004, la prise en charge de la douleur est une priorité inscrite dans la loi de santé publique en France. Dans le métier de pédicure-podologue, les traitements pédicuraux sont souvent douloureux pour le patient en particulier celui de l’ongle incarné qui représente plus d’un quart des pathologies rencontrées. Les possibilités de prise en charge de la douleur au sein des cabinets sont très limitées. Les pédicures-podologues doivent donc adapter le traitement afin d’éviter ou de limiter le plus possible ces douleurs. En accord avec le Ministère des solidarités et de la Santé pour qui « l’évaluation et la prise en charge de la douleur constituent un véritable enjeu de santé publique en tant que critère de qualité » (04/09/19 ), et s’appuyant sur les ressources internes au sein du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Toulouse tel que le Comité de Lutte de la Douleur (CLUD) et le conseil scientifique de l’institut, j’ai orienté le travail de l’équipe pédagogique et soignante dans cette démarche qui se décline en deux axes : o un axe sur la qualité de prise de charge de la douleur lors des soins douloureux o un axe pédagogique visant l’amélioration de l’apprentissage de l’acte de soin Suite à cette démarche, l’ensemble des acteurs de l’institut ont été engagés et formés pour mettre en œuvre des actions concrètes. Le lien avec le CHU et le CLUD nous a permis de mettre en œuvre rapidement l’accès à l’utilisation du MEOPA (Mélange Equimolaire Oxygène Protoxyde d’Azote) sous forme de gaz, reconnu pour avoir des qualités d’analgésie lors de soins douloureux. Le MEOPA peut être administré si un certain nombre de conditions sont réunies : o existence d’une prescription médicale ou d’un protocole de soins écrit et explicite, o formation théorique et pratique de l’utilisateur, o locaux d’utilisation adaptés et ventilés. Après plusieurs années d’utilisation au sein du service, les avantages du MEOPA à retenir sont l’amélioration considérable de la réalisation de l’acte technique dans un contexte de soin optimisé par la gestion du ressenti douloureux. Très peu de soins ne peuvent être réalisés sans le MEOPA du fait des contres indications de ce dernier. En revanche, les aspects législatifs et réglementaires d’utilisation en dehors de l’hôpital sont très limitants. J’ai donc souhaité amener la réflexion et l’équipe vers d’autres possibilités accessibles aux pédicures-podologues libéraux afin que les futurs diplômés puissent poursuivre une prise en charge adaptée et répondre à la douleur des patients. En parallèle à cette technique médicamenteuse, avec l’aide du CLUD et à la suite des mémoires d’initiation à la démarche de recherche réalisés au sein du centre de formation nous avons identifié des alternatives pour améliorer la prise en charge de la douleur au sein de notre profession. L’hypnose médicale par exemple est déjà reconnue pour apporter des bénéfices lors de soins invasifs, cependant cette technique fait partie du champ médical. Une alternative est possible, correspondant à l’un des paliers de l’hypnose médicale et pouvant être réalisée par des paramédicaux formés : la communication thérapeutique (dite aussi positive). Cependant pour que cette technique soit réellement efficace, l’ensemble des acteurs (professionnels encadrants et étudiants) doivent y être formés. Former des jeunes professionnels nécessite d’avoir une expérience importante et du recul quant à l’utilisation de cette technique. C’est une difficulté majeure à laquelle je suis confronté pour la mise en place, car les représentations de la douleur et les habitudes professionnelles sont très importantes et malheureusement souvent opposées aux recommandations : la douleur provoquée pendant le soin pédicural atténue et soulage la douleur d’origine très rapidement. Cet état de fait explique les habitudes professionnelles de nombreux pédicures-podologues pour qui la douleur induite par certains actes est un passage nécessaire. De plus, dans cette technique, il est à prendre en compte la gestion des émotions du patient, mais aussi celles du praticien ce qui renforce la nécessité d’avoir de l’expérience pour pouvoir la mettre en place. C’est toujours en recherchant des techniques innovantes que la réalité virtuelle m’est apparue comme une audacieuse alternative. Cet outil commence à faire son apparition depuis quelques années dans le domaine médical, et montre de sérieux arguments sur les bénéfices de diminution du ressenti douloureux lors de soins algiques. L’outil permet de décentrer le patient de sa douleur, en l’amenant vers un imaginaire positif. Il existe plusieurs types (degrés) d’immersion. Cette technique fut déjà évaluée dans divers domaines : o pédiatrie : la prévention des douleurs chez l’enfant au cours de prises de sang ou de campagnes de vaccination (Windich-Biermeier A et al, 2007 et Cohen LL et al, 2007), o psychologie : la gestion de troubles anxieux graves notamment dans le cadre de phobies (Rothbaum BO et al ,1999 et Opris et al,2012), o algologie : prise en charge de douleurs aiguës (migraines (de Tomaso M et al, 2013), douleurs dentaires (Asl Aminabadi N, 2012)) et chroniques (grands brûlés (Morris LD et al, 2009), douleurs non liées à un cancer (Keefe FJ et al, 2012)) chez des patients adultes, la réduction des douleurs de membre fantôme (Alphonso AL et al, 2012), la réduction des douleurs liés à des ponctions à l’aiguille chez des patients atteints de cancers (Nilsson S et al, 2009) . En 2007, Hoffman et son équipe ont développé un jeu en milieux hospitaliers (SnowWorld). Des scanners cérébraux montraient par l’imagerie cérébrale une diminution notable de la perception de douleur. Ils ont également relevé une plus grande efficacité de la réalité virtuelle par rapport à la prise d’opioïdes, sur la diminution d’intensité de la douleur et sur le temps passé à penser à celle-ci. Depuis de très nombreuses études ont montré un réel bénéfice dans de nombreux domaines (odontologie, pédiatrie,….). En podologie, il est fort probable que son utilisation puisse apporter un réel bénéfice pour la gestion de la douleur du patient. Depuis 2012, de nombreuses sociétés (Deepsen®, Cayseo®,…) se sont spécialisées pour fournir aux équipes soignantes des solutions « sur mesures ». Je souhaite cependant identifier si « l’univers alternatif » lié à l’utilisation de la réalité virtuelle peut également être un atout à l’auto-soin dans les soins courants, en profitant de cet état « d’attente, de décentrage » pour favoriser les apprentissages du patient en réactivant notamment la notion d’auto-suggestion. Un investissement matériel est à prendre en considération, mais cette technique ouvre des possibilités aussi bien pour : o le patient : explication de la technique de prise en charge, immersion dans une réalité augmentée, apprentissages, … o le professionnel en formation : guidance à l’acquisition d’un geste technique, accompagnement dans l’approche relationnelle et émotionnelle, o le professionnel averti : choix des possibles, enseignement, … C’est le croisement des différents apports précédemment cités qui m’attire dans la mise en œuvre de cette thèse.