L'Invariance dans l'obligation - Hérédité civiliste du ''lien de droit'' sécrété à l'épreuve des milieux insulaires anglo-normés (Jersey, Guernesey, Sainte-Lucie, Vanuatu, inter alia)
Auteur / Autrice : | Emmanuel Araguas |
Direction : | Gustavo Vieira da costa cerqueira |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Sciences juridiques |
Date : | Inscription en doctorat le 16/11/2020 |
Etablissement(s) : | Nîmes Université |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Risques et Société |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : CHROME - Détection, Evaluation, Gestion des Risques CHROniques et éMErgents |
Mots clés
Résumé
L'INVARIANCE DANS L'OBLIGATION (Résumé) Le cur de l'obligation forme cette étude qui en amont du seul contrat, siège supposé de la volonté s'interroge sur les caractères et les propriétés du lien de droit (immuable ? indépassable ?), tels qu'appréhendés par les mécanismes civilistes (l'obligation) et de Common Law (via le ''Tort Law'' et le ''Contract Law'') qui se trouvent en sus fonder les systèmes insulaires dits « systèmes juridiques mixtes » pétris de droit civil français et de droit anglais (ayant pour « assise » l'ancien droit coutumier normand romanisé). Examinée à travers l'exploration des systèmes (tous mixtes en vérité) soumis à l'étude, l'obligation civile se révèle contenir un « principe invariant en partage », en ce qu'elle paraît gouvernée par l'idée de la nécessité, seulement contrebalancée par les manifestations du hasard, plutôt qu'elle ne serait un instrument à l'effet d'exprimer une souveraineté sur soi ou d'en sanctionner socialement le défaut. Le sujet offre de réétudier le iuris vinculum (et le æquitas vinculum ?) à travers le temps et l'espace et laisse sa place à l'examen des avatars de l'obligation naturelle, présente dans les systèmes coutumiers comme en droit civil et en Common Law. Incidemment, aux confluents du droit civil, du droit international privé et du droit comparé (français avec le Common Law), le but de la thèse (qui mobilisera plusieurs éléments relevant de la théorie du droit et de d'histoire du droit) est d'identifier et de décrire le phénomène de persistance / résistance du droit coutumier face à un péril ou risque d'érosion / réduction / éviction dans les environnements dits de ''Mixed Legal Systems'' (tels que Jersey, Guernesey, Sainte-Lucie, Vanuatu, etc.) où s'interpénètrent le droit « sécrété » et le droit « décrété » (cette formule est inédite dans cette thèse mais déjà exprimée dans plusieurs de nos publications). La tendance est à l'hybridation des systèmes juridiques sur ces territoires à l'identité partagée (même dans les systèmes civilistes classiques qui ont pour ''précédents'' la Louisiane ou Québec, hybridés par la loi). Prise pour un nouveau Ius Commune par les tenants de l'expansionnisme naturel de la Common Law, la culture anglaise du ''precedent'', de l'objectivation des obligations et de l'homme raisonnable, prend désormais racine entre les marches des temples romano-germaniques. Cependant, la lente ductilité oubliée du droit coutumier offre des ressources régénératrices vers une forme de renaissance de la pensée juridique civiliste héritière de l'humanisme, à l'orée un monde qui devient « global » sans être universel. Le risque social identifié est l'insécurité juridique systémique accrue par « l'affrontement entre droit sécrété et droit décrété ». Cette réflexion pousse à s'interroger sur l'existence d'un « droit invariant » (au sens des sciences dures), une forme irréductible (ou état verrouillé par le principe de non-contradiction) de norme génératrice d'obligations civiles, en écho au Droit Naturel. Dans une certaine mesure, le sujet met en exergue le fait que le droit « décrété », théoriquement intolérant au droit « sécrété » doit, au risque de devenir un droit non juste, composer avec lui au nom de la raison chaque fois que la coutume ou le droit civil enté sur le « for de la conscience » se rattachent à ce référentiel. Ces constats révèlent l'idée qu'une loi fondamentale (« l'attribution sans rétroaction interne, nécessaire aux permutations ultérieures ») paraît diriger les tensions sous-jacentes des opérations juridiques : c'est ainsi que se révèle à nous l'Invariance DANS l'obligation. (Pour aller plus loin, V. infra n° 1 à 6). *** PLAN DE THESE Titre préliminaire - La question de l'universalité du ''lien de droit'' : recherche d'une loi d'invariance motrice de l'obligation 1ère Partie - L'INVARIANCE DE L'OBLIGATION CIVILE INSULARISEE EN ENGLISH COMMON LAW I. Son fondement approuvé : l'immutabilité des attributs coutumiers de l'obligation II. Son traitement éprouvé : la variabilité des fonctions usuelles de l'obligation 2ème Partie - LA VARIANCE DE L'OBLIGATION CIVILE HYBRIDEE EN MIXED LEGAL SYSTEMS I. Son traitement approuvé : les risques de désordres systémiques ciblant l'obligation II. Son fondement éprouvé : les révélations des ordres juridiques mixtes devant l'obligation *** 1. Une loi d'invariance ? La recherche d'une loi d'invariance à l'uvre dans le rapport d'obligation interroge les propriétés du « lien de droit » qui, depuis toujours, l'établit entre individus (dont il est le privilège). Substance du contrat, produit du délit et mesure commune de ce qui est voulu comme de ce qui est insu ou indu, l'obligation s'avère, pour ainsi dire, immuable. Elle paraît même indépassable lorsque l'on questionne à son propos la théorie du droit. Mais hors des constantes et des variations à travers lesquelles elle se manifeste dans les deux systèmes juridiques aujourd'hui crus dominants du droit civil et du Common Law qui l'ont héritée de leurs antécesseurs, nul ne paraît s'être définitivement assuré de l'irréductibilité absolue de son énoncé fondamental. Dans ce but, une dissection-reconstruction des constituants de l'obligation avant tout coutumiers est-elle envisageable ? 2. Obligation hors système(s) La relation entre les faits et le droit n'étant jamais vue que par le prisme des systèmes juridiques, spéculer sur une « obligation nue » revient à se dépouiller de notre a priori systémique pour nécessité fait loi convoquer à nouveau l'ordinaire devant le tribunal de cette « nature des choses » dont un rameau du positivisme mal compris nous a fait nous détourner en n'accordant plus notre attention au « mobile » dans la parole donnée et le geste posé. L'actuel « dés-ordre » systémique enfanté des soubresauts terribles du XXème siècle nous enhardit à oser penser le droit des obligations en remontant à ses sources théoriques et comparées dans l'intention de séquencer son essence civile son spirit. Mais, dira-t-on, est-ce utile et est-ce même l'affaire des juristes que se demander s'il y a un sens à l'obligation ? En fait de sens, embarqués les yeux ouverts sur le fleuve du temps qui, sans retour permis, façonnera toujours les berges des cités modernes, relevons qu'en surplomb de son cours naturel (constitution, exécution, extinction) l'obligation a une direction (constriction, tension, libération) : c'est que l'énergie de son écoulement manifeste la poussée d'un ordre naturel circulant avec ses objets. En juriste, tentons d'expliquer cette dualité intérieure, double dimension ou contenu omis de ce que nous persistons à nommer « obligation », montrant ainsi que notre art ancestral n'est pas une triste technique de commercialisation du monde. 3. « Outre mesure » vs. temps et espace Pour évaluer l'atemporalité de l'insécable lien opérant au cur de l'obligatio(n), il nous faudrait idéalement trouver un laboratoire en milieu « a-systémique », forger des outils non contingents et proposer un protocole d'observations illimité, ce qui paraît impossible. Dans leurs contextes systémiques, toutes les expériences de mise sous contrainte par gauchissement artificiel de l'obligation civile ou de l'obligation de Common Law semblent irréalisables car elles supposeraient de soumettre l'une puis l'autre à des conditions suffisamment variantes tout en employant les instruments des systèmes franco-romanistes (civils) ou anglo-normands (de Common Law) pour fidèlement évaluer la constance de leur « justes mesures » respectives. Ceci observé, on les trouve toutefois accidentellement comprimées dans une promiscuité les menant à l'hybridation l'une l'autre, en quelques-unes de leurs rétro-colonies, singulièrement toutes insulaires : les « terres rares » de Jersey, Guernesey, Sainte-Lucie, Vanuatu et quelques autres incidemment (Maurice, Seychelles, Malte). 4. Enjeu théorique du comparatisme L'herméneutique permet d'extraire de l'étude de ces systèmes mixtes insularisés les irréductibles composants premiers de l'obligation, attestant qu'elle consiste en un rapport causal strictement nécessaire, consenti ou subi mais non qualifié ab initio : l'obligation est attribution sans rétroaction, nécessaire aux permutations ultérieures. Dès lors, retracer la rectitude supposée de sa trajectoire perpétuelle ne suppose plus que d'enregistrer, en ces milieux, assez de relevés représentatifs du cours qu'y empruntent, à l'occasion de l'enlacement d'un fait ou acte quelconque de l'homme, ces danseurs d'apparence claudicante que sont l'imposante contrainte systémique, jalouse de son autorité locale, et le fin esprit libre du droit, patiemment sécrété par la profusion infinie des occurrences jaillies du hasard. Les toquades de ce couple aussi maladroit qu'ingénieux laissent çà et là des empreintes de longueurs et profondeurs variables dans les substrats mixtes de ces systèmes « impurs », aux sols meubles, imprimant des points d'appui reconnaissables par ceux qui osent se lancer à la recherche des avatars du vinculum iuris. Ainsi, le comparatisme se révèle utile à la théorie juridique. 5. Enjeu pratique en systèmes insulaires mixtes En amont, l'analyse des systèmes insulaires mixtes de droit civil et de Common Law selon une perspective théorique pure (la question d'une loi d'invariance à l'uvre dans toute obligation) fait mesurer l'enjeu de toute comparaison juridique, instrument d'une vision pratique du droit. Dans un monde interconnecté, il est en effet indispensable à chaque système juridique mixte de s'étalonner, et ce pour son fonctionnement quotidien. Cette opération de maintenance systémique ne peut avoir lieu, faute de corps universitaire propre à ces microsystèmes pour y cultiver leur doctrine, qu'à travers la constante référence à ceux géographiquement ou intellectuellement voisins. Ces guidages sont les vecteurs réguliers de solutions casuistiques quand ils ne permettent pas d'importer en bloc des sources substantielles d'un droit, seulement contenues, filtrées ou articulées par la barrière des règles de conflits de lois souvent dépourvues de classification théorique ou de règles d'interprétation locales. Là, l'architecture de la judicature, elle-même empreinte de mixité organique par association de pays ou soumission à une tradition dominante, génère des « variances » potentiellement invasives, voire destructrices pour le système indigène dont les règles topiques se trouvent mises en concurrence, contestées puis supplantées par un recours compulsif à la loi votée sous l'empire d'influences prônant la « sécurité » juridique par la « prédictibilité » des solutions, objectif contemporain désormais opposé à la tradition culturelle locale. 6. Ne varietur Or, ce sont ces enjeux théorique et pratique combinés qui révèlent, en creux comme positivement, l'immutabilité des inaltérables caractères conjoints de l'obligation que sont nécessité et légitimité, respectivement fondement exclusif et domaine consacré de tout lien de droit reçus ne varietur des systèmes-sources. Enfin, la comparaison juridique atteste de la constante miscibilité des propriétés disjointes de l'obligation de droit civil ou de Common Law, systèmes dérivés positivistes : celle certificative, en rapport individuel d'attribution de valeurs (le schuld ou bound) et celle, coercitive, collectivement garantie par l'engagement (le haftung ou duty) au pouvoir du iuris vinculum. Mais surtout, par-delà les « styles de droit » pratiqués localement, les oscillations décrites le long de l'axe du temps que nul ne retient, par cette danse « a-systémique » de l'obligation se laissent déchiffrer dans les variations de densité de ses objets (faits ou actes juridiques dont l'unilatéral) couplées aux longueurs épisodiquement réassignées au lien de droit (selon théories et évolutions pratiques). A l'aune du mouvement hélicoïdal évasé résultant de cette valse, cyclique sans être circulaire, il nous est donné de contempler dans l'épaisseur de la matière (à l'instar des astres lointains) les pulsations régulières de l'invariance dans l'obligation. *** [ENONCE DE LA LOI D'INVARIANCE DANS L'OBLIGATION Les variances sont produites par chaque système dans sa quête de distinction ; « l'exact-juste », mesure invariante de toute attribution, « rectifie » sa dérive, l'unifiant par l'obligation sans quoi il fossilise en isolat. Ceci, conformément au principe de non-contradiction traduit, selon la raison pratique, une nécessité causale motrice du « lien de droit ». Les systèmes s'enroulent autour par concrétion, sans parvenir à le « gauchir » car ils ne peuvent figer son mouvement permanent dirigé ne varietur vers l'attribution sans rétroaction interne, nécessaire aux permutations ultérieures] EA