Thèse en cours

L'individu, la culture, l'Etat : l'individualisme moderne face au holisme de l'esprit.

FR
Auteur / Autrice : Godefroy Desjonqueres
Direction : Frédéric Brahami
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit, études politiques, philosophie
Date : Inscription en doctorat le 15/09/2020
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales

Résumé

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Louis Dumont, dans la préface de son ouvrage sur le système indien des castes, affirme que comprendre l’idéologie individualiste moderne comme un idéal moral et politique constitue « une profession de foi indiscutable », mais qu’y voir une expression suffisamment adéquate de la vie sociale est « un jugement naïf » . Le projet individualiste moderne, abstraction faite de sa valeur morale, pose en effet un problème anthropologique fondamental, puisqu’il contredit la nature même de l’interaction entre l’individu et le groupe, en rendant ce dernier contingent face à l’idéal d’autoconstitution d’un sujet conçu comme un exemplaire « complet » et autonome de l’espèce humaine. Les institutions de la politique moderne, et notamment l’État-nation libéral, sont donc prises dans une tension permanente entre leur valeur normative et leurs insuffisances anthropologiques. Notre thèse a pour objet de mettre en lien ce problème classique de la philosophie politique contemporaine avec la conception particulière de l’esprit et de l’action qui se développe à partir du croisement de l’aristotélisme et du « second » Wittgenstein. Cette philosophie renouvelle en effet en profondeur la question de la relation de l’individu à son environnement social : en subordonnant logiquement et épistémologiquement la raison individuelle à l’existence d’« institutions du sens » (Descombes) qui en conditionnent l’intelligibilité, elle définit philosophiquement la nature et les contours d’une approche holiste du phénomène social. Contre l’idéal de pure autonomie d’un individu qui exercerait sa rationalité dans un rapport réflexif à lui-même, hors de toute détermination culturelle ou sociale, cette philosophie « grammaticale » rappelle ainsi les dépendances logiques, épistémologiques et pratiques de l’individu par rapport aux formes de vie partagées à partir desquelles s’exerce sa rationalité. Il s’agirait donc d’élucider les conséquences de ce « holisme de l’esprit » au niveau politique : non pas fonder a priori le politique sur cette conception, ce qui serait la contredire ; mais de définir les conditions dans lesquelles la tension propre à la démocratie moderne, entre son idéal individualiste et le fond de holisme indispensable à son incarnation réelle dans la vie sociale, peut s’établir de manière stable et féconde.