Mode de fabrication artisanale : anthropographie par le récit en perruque de porte-clés fabriqués à Paris
Auteur / Autrice : | Francine Barancourt |
Direction : | Anne Monjaret |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Anthropologie sociale et Ethnologie |
Date : | Inscription en doctorat le 04/11/2020 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Cette enquête ethnographique aborde les différentes facettes du travail dans une petite marque de maroquinerie, Laperruque, en analysant un accessoire emblématique de son catalogue, le porte-clés cloche. Il s’inspire d’un objet que le designer Martin Margiela a conçu alors qu’il était directeur artistique chez Hermès, qu’il a lui-même créé en détournant un objet traditionnel de la maroquinerie : la cloche qui protège certains célèbres modèles de sacs de la maison de luxe des clés qui servent à les verrouiller. Dans la continuité de travaux fondateurs sur la culture matérielle, la perspective biographique de cette thèse dessine une trajectoire qui suit les étapes de la vie d’un porte-clés cloche Laperruque, depuis son design, sa fabrication en atelier qui met en œuvre une matière première (le cuir) et des techniques manuelles et mécanisées, les opérations permettant de le transformer en marchandise, sa vente en boutique et en ligne puis son usage par les clients. Toutes ces étapes se déroulent au sein d’une unité de lieu relativement resserrée, l’atelier-boutique parisien de la marque, où j’ai pu mener l’enquête en parallèle de l’emploi salarié que j’y occupe en tant que maroquinière. Cette thèse s’inscrit de fait dans le registre du travail en perruque, celui que l’ouvrier fait pour lui, transposant ses compétences professionnelles à la réalisation de projets personnels. Comme j’ai été initialement formée aux arts appliqués, j’ai tissé cette ethnographie à partir d’un matériau hybride entre notes et dessins, puis développé une forme de restitution qui repose sur la complémentarité entre ces deux supports, s’apparentant à de la bande dessinée. Cette méthode d’écriture visuelle reflète la particularité de mon point de vue, à la fois professionnelle dans l’artisanat et chercheuse sur le terrain. Si Laperruque est le cas particulier sur lequel se focalise cette étude, l’entreprise s’inscrit dans une filière professionnelle vaste et complexe, à l’intersection entre le marché de la mode et celui de l’artisanat. Dans un aller-retour du particulier au général, elle interroge les rapports aux objets de mode dans leur multiplicité : modes de connaissance de leur procédés techniques de fabrication ; attachement suscité par la durabilité de leur matière première, leur solidité et leur réparabilité sans en oublier la dimension esthétique ; appropriation d’objets standardisés ; traduction d’une forme d’éthique et de morale liée au système de la consommation de masse… Le récit de la vie du porte-clés cloche sert de fil rouge pour questionner la mode à l’échelle globale, en interrogeant la place de l’artisanat en tant que moyen de reproduction de la mode, transformé par des innovations socio-techniques (procédés de tannage plus rapides, réseaux sociaux…) dans lequel des savoir-faire artisanaux persistent. Par le prisme de la démarche de petits entrepreneurs qui fondent des marques de mode alors que ce secteur est en proie à des crises multiples (environnementales, économiques, sociales...), il semble même que l’appropriation de techniques traditionnelles soit un ingrédient de choix pour proposer une alternative au modèle dominant de la fast-fashion, sans toutefois s’affranchir de tous les codes régissant le système de la mode.