Qu'est-ce que la ''Heimat'' à l'ère de la mondialisation? - Réponses d'Allemands à l'étranger
Auteur / Autrice : | Christina Dumetz |
Direction : | Sylvie Le Grand |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Etudes germaniques et scandinaves |
Date : | Inscription en doctorat le 04/12/2020 |
Etablissement(s) : | Paris 10 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Lettres, langues, spectacles (Nanterre, Hauts-de-Seine ; 2000-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'études et de recherches sur l'espace germanophone |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Bref état de la question : Depuis la fin du XXe siècle, avec l'ère de la mondialisation et l'augmentation des migrations - surtout depuis la vague de réfugiés syriens en Allemagne en 2015 - la nécessité de définir plus précisément le terme allemand de « Heimat » en termes de contenu est devenue plus urgente (ZÖLLER, Renate : Was ist eigentlich Heimat ? Annäherung an ein Gefühl. Berlin 2015, Ch. Links Verlag) À l'origine lieu de naissance et lieu associé à toutes les expériences qui forgent une personnalité, ce « foyer » n'existe souvent plus sous cette forme, pour beaucoup de gens, tandis que le pays d'immigration ou d'émigration devient plutôt la « nouvelle (petite) patrie ». Ce qu'on traduit par « petite patrie » en français a pu devenir aussi une référence intellectuelle (« geistige Heimat »), associée à d'autres aspects répondant au besoin humain fondamental d'appartenance et d'identité. Divers mouvements politiques et culturels de l'histoire de l'Allemagne (Romantisme, Industrialisation, République de Weimar, période nazie) se sont appropriés le terme et ont influé sur ses significations secondaires (WEISSBERG, Gabriel : La petite maison dans la patrie. Paris, 2018, L'Harmattan). Aujourd'hui, à travers les mouvements de retour à la terre, à l'ère des interdépendances technologiques mondiales et de la primauté de la concurrence économique - avec toutes les pollutions de l'environnement (- Heimat) qui en découlent -, ce terme « Heimat » connaît une réévaluation, voire une revalorisation. Cependant, la mondialisation de la fin du XXe siècle conduit également à des sentiments de perte et donc, en réaction, à des conceptions excluantes de la « Heimat ». On le voit, le terme « Heimat » a de nombreuses connotations en allemand et est donc difficile à traduire dans d'autres langues. Par ailleurs, pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, il est aujourd'hui très difficile de trouver une définition largement valable de ce mot allemand de « Heimat » (SCHÜLE, Christian : Heimat - Ein Phantomschmerz. München 2017, Droemer), d'autant que la patrie allemande en tant que facteur d'identification est devenue plutôt tabou pour les générations d'après-guerre jusqu'aux quinquagénaires actuels. Ceux-ci affichent une certaine réserve, voire de la honte, vis-à-vis de leur nationalité allemande. On s'interrogera donc sur les facteurs qui conduisent aujourd'hui, le cas échéant, à un maniement plus apaisé du concept de « Heimat ». Problématique : Jusqu'à présent, les études qui cherchaient une interprétation plus moderne, plus complexe de la « Heimat », ne s'intéressaient pas systématiquement au point de vue des personnes concernées, ni au processus de recherche et d'appropriation d'une nouvelle « Heimat ». C'est ce que le présent projet de recherche se propose d'effectuer à travers une enquête de terrain auprès d'Allemands vivant à l'étranger et d'étrangers vivant en Allemagne. Il s'agira par-là d'obtenir des éléments de réponse aux interrogations suivantes : I. Comment peut-on arriver à avoir conscience de sa « Heimat » ? - En quoi la notion de « Heimat » a-t-elle changé depuis 1945 et depuis l'arrivée des réfugiés syriens accueillis en Allemagne en 2015 ? Avons-nous besoin d'un nouveau concept plus approprié ? - Quels sont les aspects qui donnent un sentiment d'appartenance ? - Comment vit-on une « petite patrie » dans un monde globalisé ? - Quels sont les rapports d'échelle observables entre divers niveaux d'appartenance tels que la « Heimat », la patrie, la nation etc. ? - Le besoin d'expliciter sa « petite patrie », le sentiment conscient d'être chez-soi ne se manifeste-t-il qu'à un certain âge - avec un certain niveau d'éducation ? - Un concept, une idée, un sens plus général de « Heimat », peut-il être déduit des résultats subjectifs et intimes de l'enquête ? - La « petite patrie » est-elle une valeur qui peut être appropriée par tous dans la société multiculturelle allemande ? II. Quelles sont les conséquences d'une prise de conscience de la « Heimat » ? - L'élargissement des horizons intellectuels et politiques va-t-il de pair avec l'enracinement local ? - Cette conscience de la « Heimat » (même si ce n'est qu'une idée / un enracinement réfléchi dans une « Heimat » intellectuelle) est-elle peut-être la condition préalable à une expansion de la connaissance du monde, une ouverture des perspectives ? Ces questions reprennent des réflexions et des problématiques formulées par François Genton pour son colloque de Grenoble de 2007 (CERAAC : Heimat - La petite patrie dans les pays de langue allemande - Chroniques allemandes N° 13, Grenoble, 2009, Ellug Revues). Aujourd'hui, l'incompréhension grandit entre les tenants d'une définition excluante de la « Heimat » (à préserver et à protéger) et ceux d'une définition plus ouverte (créer un sentiment de « chez-soi » dans un nouvel environnement) : des hommes politiques de différentes tendances instrumentalisent une certaine idée de la « Heimat » pour leurs intérêts propres. Objectifs et méthode : La présente étude vise à combler ce fossé entre les deux définitions opposées de la « petite patrie ». La notion de « Heimat » est profonde et comporte des aspects sociologiques, anthropologiques, philosophiques, scientifiques et même théologiques. En explorant ce concept, les sources de références, non exhaustifs, sont les suivants : - L'exploration de la littérature scientifique actuelle de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle sur ce sujet vise à confronter les propositions d'une définition plus moderne, ouverte et générale du terme « Heimat » avec le concept réactionnaire « excluant ». - Dans les expressions artistiques actuelles, il faut chercher une nouvelle perspective sur la définition de la « Heimat », plus générale et peut-être plus subjective. - Dans ce travail, cependant, l'outil principal est l'interview de migrants : l'interview d'Allemands à l'étranger mais aussi d'étrangers en Allemagne. Cette recherche appliquera une approche méthodologique mixte, basée sur une recherche documentaire et une étude empirique. Pour cette dernière, un questionnaire et des entretiens seront utilisés pour recueillir des données. Tout en restant ouverts aux notions de « Heimat » présentées par les participants, il se réfèrera aux concepts de « Heimat » dans le contexte de la langue allemande, du « Heimat » en tant que lieu géographique en Allemagne, en tant que lieu de désir et de refuge, de la citoyenneté allemande, de la conscience historique du passé allemand, des traditions allemandes et de la cellule sociale. Des résultats obtenus jusqu'à présent auprès de six personnes montrent à quel point la notion de « Heimat » est complexe et subjective, voire intime : le pays d'origine est souvent un point de référence culturel et intellectuel. Les personnes sondées ont tendance à se sentir chez elles avec certaines personnes, sans que leur lieu d'origine joue un rôle majeur. Elles sont toutes liées par la langue allemande qu'elles parlent couramment. Il s'agira donc de poursuivre et approfondir l'enquête de terrain déjà amorcée afin de pouvoir obtenir des résultats interprétables significatifs.