Thèse en cours

Construction d'une « distance de professionnalité » par les comédiens-clowns par et dans l'intersubjectivité. Vers une didactisation et professionnalisation du métier de clown en établissement de soins.
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Auteur / Autrice : Christel Poher
Direction : Muriel Frisch
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sciences de l'éducation, de l'information et de la communication
Date : Inscription en doctorat le 07/12/2020
Etablissement(s) : Reims
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Sciences de l'homme et de la société
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'étude et de recherche sur les emplois et les professionnalisations (Reims, Marne)

Résumé

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Ce projet de recherche de nature compréhensive porte sur les clowns en établissement de soins et plus précisément sur la construction d'une « distance de professionnalité » par les comédiens-clowns. En effet ce métier est un métier « émergent » puisque la première compagnie française « Le Rire Médecin » est créée en 1991 par Caroline Simonds, comédienne – clown américaine. Depuis lors, de nombreuses structures se développent en France et de par le monde en s'appuyant sur le modèle d'intervention que « Le Rire Médecin » continue de faire évoluer pour professionnaliser le métier. Ce mouvement de fond est un processus de professionnalisation et d'institutionnalisation de la pratique. Car comme le définit Dubar, « Le Rire Médecin » a créé dès le début un code de déontologie, incité et accompagné la création de nouvelles associations de clown en établissement de soins puis de fédérations et à « recours à la science pour légitimer » la profession. Cette professionnalisation passe aussi comme le dit Bourdoncle (2000, in Wittorski, 2008, p.19) par la professionnalisation de l'activité avec entre autre la création et la formalisation des savoirs, la création de parcours de formation. Car le métier de clown en établissement de soins s'est construit de manière « empirique », puisant dans les savoirs et compétences des domaines artistiques, des sciences humaines et s'appuyant sur les savoirs des structures de soins. Il faudra attendre 2015 pour que la formation dispensée par « Le Rire Médecin » devienne la première formation certifiante en France avec l'obtention du diplôme « clown en établissement de soin » inscrite au registre RNCP. Il est important de noter que les savoirs et compétences présents dans le référentiel de la formation s'appuie sur la formalisation des savoirs issus du réel de l'activité comme le définit Muriel Frisch dans le concept de « contre-transposition didactique » (2008). « Le Rire Médecin » pose ainsi un jalon de plus dans la professionnalisation et l'institutionnalisation de la pratique. Cependant encore aujourd'hui nombre de structures de clown en établissement de soins recrutent et forment en interne. La formation sur la spécificité du travail se fait alors par accompagnement in situ : un apprentissage « sur le tas », par les pairs. Ce processus de professionnalisation ne serait complet sans la professionnalisation des comédiens-clowns eux-mêmes. Car c'est un métier complexe qui se revendique du champ artistique (le spectacle vivant) mais s'applique et se construit dans le champ médical. Il demande ainsi au comédien-clown de développer à la fois des compétences artistiques et des techniques qui répondent au monde du soin. Ce double ancrage révèle la complexité du métier. En effet le travail réel des comédiens-clowns en plus du jeu clownesque, demande de grandes qualités d'improvisation, des capacités d'adaptation du jeu en fonction des situations rencontrées dans les institutions de soins, de son partenaire, du public. Il met le comédien-clown en tension à différents niveaux qui vont interagir dans la construction d'une « distance de professionnalité » (Paragot 1991/2014). Cette mise en tension est renforcée par le travail du clown qui est basé sur la mise en jeu de ce que vit le comédien dans l'instant dans tout son corps (émotions, sensations, mouvements, transferts) pour et avec le public (le tiers) car comme le dit Jacques Lecoq, le clown n'existe « pas en dehors de l'acteur qui le joue » (Lecoq, 1997). Par le travail clownesque le comédien-clown met donc en jeu sa subjectivité au service du jeu au lit du patient. Le jeu se construit alors à partir et par une « intersubjectivité assumée » (Cifali 2008) qui est elle-même cherchée, désirée car moteur du jeu. Cela donne au comédien « l'agir expert » en étant au plus juste de ce qui se passe dans les situations de jeu en milieu hospitalier. L'intersubjectivité nous amène donc au cœur de notre métier car la relation à soi, à l'autre (partenaire, enfant, parents, soignants) fait apparaitre ce lieu de rencontres entre toutes les subjectivités. Un espace où un « soi personnel » et un « soi professionnel » se rencontrent dans une relation à un autre, une altérité qu'elle soit celle du comédien-clown, de son partenaire (collègue) ou du sujet. Où la place de l'objet tiers est fondamentale et permettrait la construction d'une « distance de professionnalité ». Le comédien-clown doit donc développer à la fois une hyper adaptabilité et conscience de ce qui se joue dans l'instant pour lui et pour le tiers qu'il soit son partenaire du duo ou le Sujet-patient ; et également développer la « compétence du lien, du liant » qui est une dimension essentielle, celle de « l'entre-deux », celle de la résonance. Nous chercherons donc à comprendre comment dans l'articulation et le maintien de ces trois composantes que sont l'artistique, le médical et « l'entre-deux », le comédien-clown improvise, agit en tant qu'expert et créerait une « distance de professionnalité ». Cet « entre-deux », lieu du tissage et du dialogue entre les différents protagonistes serait le lieu de la rencontre entre les subjectivités : le lieu de la création de la « distance de professionnalité ».