Thèse en cours

Bâtir en terre crue et en pierre sèche : une innovation de rupture ? Expérimentations sociotechniques autour de pratiques constructives en voie de stabilisation

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Auteur / Autrice : Jean Goizauskas
Direction : Morgan Meyer
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sciences, technologies, sociétés
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2020
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres
Ecole(s) doctorale(s) : SDOSE Sciences de la Décision, des Organisations, de la Société et de l'Echange
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de sociologie de l'innovation (Paris)
établissement opérateur d'inscription : Université de Recherche Paris Sciences et Lettres (2015-2019)

Résumé

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Qu'ils mesurent les consommations d'énergie, les émissions de CO2 ou les quantités de déchets produits par les différents secteurs d'activité en France, les indicateurs de l'ADEME placent fréquemment le secteur du bâtiment parmi les plus impactants. Avant que de tels chiffres se mettent à guider l'action publique, les chocs pétroliers des années 1970 avaient initié une montée en puissance des enjeux énergétiques dans les politiques publiques du bâtiment, avec l'institutionnalisation progressive de standards techniques associés à un habitat « écologique » et « durable » (Némoz 2010). Ces dernières décennies, l'« écologisation » du secteur du bâtiment s'est notamment traduite par l'émergence de nombreux labels nationaux qui certifient autant les quartiers, les bâtiments, les composants et les matériaux que les compétences des professionnels (Mallard et al. 2018). Avec les « réglementations thermiques » (RT2005, RT2012) puis « environnementales » (RE2020) coordonnées à l'échelle européenne, les politiques publiques de « verdissement » du bâtiment ont ainsi accordé une place prépondérante aux enjeux de performance énergétique, soutenant l'émergence de nouveaux produits industriels et de nouvelles expertises (Gournet et Beslay 2015). Mais ces transformations d'un vaste écosystème professionnel suscitent également des controverses (Kalck 2016 ; Mallard et al. 2018) impliquant des groupes d'acteurs rarement intégrés aux « collèges d'experts » qui procèdent aux normalisations techniques (Cauchard 2013). Parmi ces groupes, des collectifs de citoyens et de professionnels de la construction défendent un changement plus « radical » des pratiques constructives (Kalck 2017). Ils s'organisent notamment pour faciliter l'utilisation de matières à bâtir locales qui ne sont pas standardisées (terre crue, pierre, bois et fibres locales, etc.). C'est autour de l'institutionnalisation de telles pratiques, et plus particulièrement des techniques de maçonnerie en terre crue et en pierre sèche, que ce projet de recherche doctorale s'articule. La variabilité de ces matières locales et la diversité des techniques auxquelles elles se trouvent associées poussent des acteurs de la construction à se placer aux marges des régimes de normalisation, d'évaluation, de certification et de justification technique qui instituent aujourd'hui la gestion des risques et les conditions d'assurabilité des bâtiments. Dès lors, on peut se demander comment ils se saisissent des enjeux techniques et politiques qui conditionnent l'existence de ces pratiques. Comment ces savoirs délibérément situés les amènent-ils à reformuler les cadres d'objectivation des matériaux, des pratiques et des bâtiments (Haraway 1988) ? Quels espaces de calculs et de justification mettent-ils en place pour stabiliser ces matières incertaines et ces pratiques multiples ? De quelles transformations sociotechniques ces initiatives sont-elles porteuses pour le secteur du bâtiment ? Pour aborder ces questions, ce projet doctoral propose de restituer et d'analyser des processus contemporains d'expérimentation, de production de connaissances et de normalisation, qui amènent une pluralité d'acteurs, chercheurs scientifiques et professionnels de la construction à « inter-agir » pour rendre ces pratiques conventionnelles. En partant de « matériaux premiers », dont des usages pré-industriels ont résisté à l'épreuve du temps et qui font aujourd'hui l'objet d'un regain d'intérêt au croisement d'enjeux patrimoniaux et environnementaux, une ambition de cette recherche serait d'interroger les notions mêmes d'« innovation technique » et de « durabilité » dans le secteur de la construction. Dans cette optique, l'originalité de ma démarche tient dans la volonté de lier une approche par l'anthropologie des savoirs et des matières avec une approche par les science & technology studies (STS).