Thèse en cours

La première période de la mission quaker anglo-américaine en Chine : tendre vers la conciliation internationale ? (1886-1919)

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Auteur / Autrice : Alice Laydevant
Direction : Cécile Coquet-mokoko
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Littérature anglo-saxonne
Date : Inscription en doctorat le 01/09/2020
Etablissement(s) : université Paris-Saclay
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences sociales et humanités (Versailles ; 2020-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'Histoire Culturelle des Sociétés Contemporaines
Référent : Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Mots clés

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Résumé

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« Go to China and as you meet the Chinese, tell them that you come with the Bible and not with a gun, as I mistakenly did ». Telle est l'injonction qu'exprime Adam Davidson à son fils Robert en 1860 lorsqu'il rentre de la Seconde guerre de l'opium (1856-1860). Profondément choqué par la violence et les ravages de ces deux guerres, il devient quaker et fait le serment d'œuvrer pour la Chine. Adam Davidson ne retourna jamais dans l'Empire du Milieu, mais quatre de ses fils répondirent à son appel en y devenant missionnaires à partir de 1886. Si Robert Davidson et son épouse Mary Jane deviennent les premiers représentants officiels de la Société des Amis en Chine, ils y ont cependant été précédés par d'intrépides marchands quakers anglais, irlandais et nord-américains qui parcouraient largement le pays dès le dix-huitième siècle. Les liens qu'ils tissèrent avec le pays, souvent extérieurs aux jeux de force impérialistes, leur permirent de développer une compréhension directe des enjeux politiques locaux et internationaux en Chine. Ils s'élevèrent ainsi avec véhémence contre le trafic de l'opium et lorsque le pays se ferma aux puissances étrangères en 1839, les marchands quakers eurent le monopole des échanges internationaux. Bien que croyants fervents, ces premiers Quakers n'avaient pas de dessein prosélytique. En effet, contrairement aux autres obédiences chrétiennes, les Quakers respectaient avant tout la liberté de l'individu et privilégiaient une vision pacifiste de la société. La Friends Foreign Mission Association n'est donc créée que tardivement, en 1868, à Londres. Elle naît du « Grand Réveil » chrétien qui voit le déploiement de missionnaires dans les contrées lointaines. La Friends Foreign Mission Association visait à fédérer l'ensemble des missions quakers britanniques et nord-américaines à l'étranger. C'est donc à elle que s'adresse en 1883 le jeune Robert John Davidson, alors âgé de 19 ans, lorsqu'il exprime le désir de partir en Chine. Il est envoyé avec son épouse en 1886 dans le Sichuan, où ils seront ensuite rejoints par d'autres Quakers, dont trois des frères de Davidson. Un an plus tard, en 1887, l'Ohio Yearly Meeting (le rassemblement quaker de cette région) envoya la jeune Esther Butler, à Nankin. D'autres femmes missionnaires l'y rejoignirent bientôt, ce qui permit l'ouverture d'un orphelinat et d'une école pour femmes, puis d'un hôpital en 1894. Si les deux missions sont quakers, elles sont le fruit d'initiatives indépendantes et sans lien. La première est britannique, conduite par des hommes, et se situe dans l'ouest de la Chine, où Davidson souhaite être un « pionnier » de l'Evangile. La seconde, nord-américaine et entièrement constituée de femmes, se développe dans l'est du pays. Ce projet de thèse vise à étudier chacune des deux missions quakers dans sa spécificité, tout en cherchant à voir s'il en émerge des caractéristiques communes, représentatives de la manière dont les missionnaires quakers s'insèrent en Chine. Contrairement à ce qu'on observe dans les autres obédiences, il semble que la question de l'acculturation — qui avait été centrale dans la démarche jésuite deux siècles plus tôt — prime dans les rapports entre les Quakers et la population locale. Il conviendra dans la première partie de la thèse de relever, en arrière-plan historique, le positionnement des Quakers de chaque côté de l'Atlantique vis-à-vis des normes culturelles non-anglo-saxonnes et des corps racisés, construits selon d'autres conceptions des rapports de genre. Dans le cadre de la démarche comparative que propose la thèse, nous étudierons ensuite l'interaction entre missionnaires féminines d'un côté, qui voient parfois dans les missions une forme d'émancipation, socialement plus acceptable que le célibat, et sujets en voie de colonisation d'autre part. Nous traiterons également la manière dont les missions quakers se sont saisies de la question de la vente de jeunes filles dans un contexte polygame, de la maltraitance des épouses par les belles-mères et de celle du bandage des pieds. Ce questionnement sera d'autant plus intéressant qu'il s'inscrit dans l'histoire d'une église qui s'est prononcée très tôt en faveur de l'abolition de l'esclavage et des droits des femmes, la religion quaker donnant aux femmes un droit à la parole égal à celui des hommes. Nous étudierons dans un deuxième temps l'impact des Quakers en Chine comme « social workers », comme les nomme Charles Tyzack (1988, p. 107). En effet, les deux missions gagnent l'estime des autochtones en construisant des écoles et des hôpitaux. La mise en avant de la médecine n'est pas surprenante, mais dans le contexte chinois il conviendra d'étudier le rapport des Quakers aux médecines traditionnelles. Nous verrons jusqu'à quel point cette stratégie d'évangélisation mettant en avant le C de civilisation au détriment éventuel de celui de Christianity a pu créer des tensions avec les instances décisionnaires qui finançaient l'effort missionnaire au Royaume-Uni et aux Etats-Unis (où par ailleurs le sentiment anti-chinois devait sans doute affecter les mentalités même les plus éclairées parmi les Quakers). La montée en puissance en 1911 de Sun Yat-Sen (lui-même protestant) sera l'objet de la dernière partie de notre thèse. Le christianisme devient alors associé à une notion de progrès. Beaucoup des hommes influents à l'origine de la révolution fréquentent l'International Friends' Institute, créé par les Quakers en 1909. Les Quakers sont ainsi très renseignés sur ces questions et servent parfois même d'intermédiaires entre les représentants internationaux et les chefs révolutionnaires. Les Quakers ont donc un rôle pivot dans ce début du vingtième siècle, où germe l'espoir d'une modernisation façon ère Meiji dans une Chine en pleine transition de régime, mais aussi menacée par les Japonais, les Américains et les puissances européennes qui souhaitent y garder un pied. Ce rôle pivot sera à mettre en lien avec les ponts que construisent les Quakers sur place entre différentes missions. En effet, la vision pacifiste et non prosélytique de la Société des amis lui donne un rôle fondamental dans la collaboration entre les différentes missions protestantes au début du vingtième siècle. En Chine, les Quakers sont à l'origine de différents projets œcuméniques comme les première et seconde West China Conferences (1899, 1908) et la création d'un Advisory Board visant l'homogénéisation du système scolaire et universitaire établi par les différentes missions. Les Quakers sont à l'origine d'une forme de conciliation internationale, qui permettra de repenser les relations entre les missions en Chine, mais également à plus grande échelle entre les puissances de l'Ouest et la Chine. Le discours tendant à opter pour la conciliation internationale bien avant la Première Guerre mondiale sera à mettre en relation avec les mouvements pacifistes au Royaume Uni et aux Etats-Unis, dans les milieux quakers et au-delà dès la fin du dix-neuvième siècle. Cela permettra de considérer l'idée de la conciliation internationale dans une périodisation nouvelle, c'est-à-dire comme un courant antérieur à la Première guerre mondiale qui s'est développé dans des milieux pacifistes et notamment quakers, suite à des conflits majeurs qu'on redécouvre aujourd'hui comme globaux (guerre de Crimée, guerre civile américaine, guerre franco-prussienne, etc.). On s'interrogera ainsi pour savoir si l'approche quaker en Chine, empreinte de ce pacifisme, présente des aspects spécifiques quand il s'agit de penser et mettre en œuvre la conciliation internationale.