Perspectives croisées sur les aspects relationnels de l'enseignement du français en France en contexte migratoire : politiques linguistiques, orientations didactiques et enjeux éthiques.
Auteur / Autrice : | Katia Schuchman |
Direction : | Isabelle Pierozak |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Sciences du Langage - Linguistique |
Date : | Inscription en doctorat le 18/11/2020 |
Etablissement(s) : | Tours |
Ecole(s) doctorale(s) : | Humanités et Langues - H&L |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Dynamiques et enjeux de la DIVersité linguistique et culturelle |
Mots clés
Résumé
Depuis le début des années 2010 et ce qu'on appelle couramment « la crise des migrants », de nombreux réfugiés sont arrivés en France, et les structures d'enseignement de ce qu'on appelle de façon générique le « français langue étrangère » (désormais FLE) dédiées à ces primo-arrivants se sont multipliées. Les décisions institutionnelles et politiques font de l'apprentissage du français un passage préalable obligé pour ces personnes si elles veulent espérer trouver leur place dans la société d'accueil, mais son enseignement perpétue des schémas hier dévolus aux travailleurs immigrés : les enseignants sont souvent bénévoles et/ou peu formés et jouissent d'une considération limitée ; les contenus linguistiques modestes et très formatés ne favorisent ni la motivation ni une réelle intégration ; il n'est guère tenu compte du fait qu'une proportion non négligeable des apprenants peut avoir un niveau d'éducation élevé et pour ambition, soit de poursuivre un cursus universitaire, soit de reprendre une activité professionnelle en lien avec un certain niveau socio-économique. Par ailleurs, quels que soient leur âge, niveau d'éducation ou projets et outre l'urgence particulière que l'apprentissage du français revêt pour elles, vu les dispositifs d'intégration mis en place ces personnes au parcours heurté ont tendance à surinvestir la relation à leur enseignant qui est souvent un interlocuteur francophone privilégié qu'ils perçoivent comme étant bienveillant à leur égard. De leur côté, les enseignants font régulièrement état d'un relationnel spécifique entre eux et ces apprenants relationnel dont ils ne savent que faire professionnellement et qui peut les laisser démunis, rien dans leur formation ne les ayant préparés à le gérer. L'hypothèse de ce travail repose sur l'idée qu'une tradition d'enseignement en France fait de l'implication des enseignants un véritable tabou, neutralité et recul étant présentés comme des attitudes à adopter quoi qu'il se passe, sous peine de manquer de professionnalisme. Pour aller plus loin dans la problématisation et l'analyse critique de l'enseignement du FLE à ce type de publics et se placer sous un angle de réflexion peu abordé, cette recherche doctorale se propose de se centrer sur des enseignants dits « francophones natifs », en envisageant ce que cette situation (dans sa diversité) a de particulier quant à la transmission/appropriation d'une langue et à l'instauration d'une relation avec les apprenants. Ici, le postulat est que le fait d'avoir à enseigner sa propre langue-culture place intrinsèquement l'enseignant dans une implication personnelle qui peut se heurter aux prescriptions institutionnelles et aux représentations qu'enseignants, apprenants et institutions se font des rôles d'un enseignant, générant ainsi de possibles contradictions éthiques. Pour mener cette recherche, au vu des contrastes instructifs qui pourraient s'en dégager, une étude comparative de l'enseignement du FLE aux adultes réfugiés en France et au Québec sera réalisée. En effet, cette région francophone s'est historiquement construite avec l'immigration, entretient un rapport au français globalement très différent de celui que l'on peut avoir en France, a une tout autre tradition d'accueil et une autre tradition éducative, notamment en ce qu'elle prône parfois une « éducation bienveillante » qui est à interroger. Outre une étude comparée des préconisations officielles et des curricula, en s'appuyant sur l'analyse de discours, des entretiens seront menés avec des enseignants français et québécois dont le français est la langue maternelle, afin de recueillir des récits de vie et d'expériences selon une optique qualitative. Cela permettra d'étudier en particulier les positionnements professionnels, sous une orientation à la fois sociolinguistique et didactique : quid de l'implication des enseignants, des méthodologies et outils didactiques mobilisés, des spécificités et catégorisations de ces apprenants, des prescriptions éducatives et politiques en jeu, mais également des éventuelles stratégies de contournement de ces prescriptions, et de la qualité (qui restera à préciser) d'un relationnel qui, loin d'être perturbateur, pourrait apparaître comme un élément moteur et positif sur lequel s'appuyer dans la relation pédagogique ? En considérant ces différents paramètres d'analyse, seront mis au jour les conflits de valeurs que les injonctions institutionnelles formulables en termes divers selon les politiques linguistiques : neutralité, bienveillance, etc. génèrent chez les enseignants dits « francophones natifs » face à des apprenants adultes dits « migrants ». Cette recherche (qui s'inscrit dans les priorités de l'équipe DYNADIV qui traite des enjeux de la diversité linguistique et culturelle) vise ainsi, par ses résultats, des retombées également en termes de remédiation / intervention sur les formations d'enseignants et sur les orientations de politique linguistique. Cela contribuera grandement, de ce fait, à répondre aux vux propres des différents acteurs concernés.