Le problème de l'individuation dans la philosophie de Nietzsche
Auteur / Autrice : | Samuel Cebe |
Direction : | Olivier Tinland |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Philosophie |
Date : | Inscription en doctorat le 01/09/2020 |
Etablissement(s) : | Université de Montpellier Paul-Valéry |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Langues, Littératures, Cultures, Civilisations (Montpellier ; 1991-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : CRISES - Centre de Recherches Interdisciplinaires en Sciences Humaines et Sociales |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
L'objet de cette thèse est d'appréhender la philosophie de Nietzsche à l'aune du problème de l'individuation. Des premiers écrits de jeunesse à la dernière période de création, le processus d'organisation à la faveur duquel se réalise l'individu, constitue, selon nous, une question qui articule la pensée nietzschéenne. En ce sens, nous verrons que Nietzsche opère un renversement radical à l'égard de la tradition philosophique dans la mesure où sa pensée relative au principe d'individuation récuse toute fixité, toute réalité première et tout fondement unitaire de l'être. Tout au contraire, l'individu est perçu comme procédant d'un acte à la faveur duquel le devenir est envisagé d'une façon à la fois processuelle et intransitive. En situant la question de l'individuation à la fois dans le rapport à la valeur de l'existence et au devenir, Nietzsche montre que c'est la tension qui existe entre la connaissance de soi et l'insatisfaction de soi qui engendre la formation de l'individu. Le problème de l'individuation n'est donc pas à penser, dans la philosophie nietzschéenne, à partir d'une référence aux notions de termes fixes et autonomes ou de réalités en soi, mais bien à partir d'un ensemble de problèmes que l'on peut envisager sous trois formes successives : celle de l'individuation comme phénomène et apparence ; celle de l'homme récapitulatif, fruit d'une philosophie historique dont l'objet est la production de l'individu comme esprit libre ; enfin, celle de l'homme synthétique, le type « surhumain », lequel suppose un processus de dépassement de soi. La démarche nietzschéenne se présente initialement comme une réponse au problème de la valeur de l'existence tel qu'il fut envisagé dans la conception métaphysique de Schopenhauer. Si Nietzsche fit sienne la phénoménalité du principe d'individuation qui appartient à la fois au domaine de l'apparence, aux formes de la sensibilité que sont l'espace et le temps, au principe de raison suffisante et à la réalité empirique, il se déprendra néanmoins assez tôt de l'horizon schopenhauerien pour thématiser l'affirmation de l'individu. C'est dans cette exigence d'un approfondissement de la notion d'individu que Nietzsche dessine la figure du génie appréhendée à la fois à l'aune du métaphysique qui est tout entier en chaque individu et de l'historique, à la faveur de la récapitulation dans l'individu de la vie de l'espèce toute entière. Il envisage ainsi les trois formes d'existence du génie - le philosophe, l'artiste et le saint - dans lesquelles l'homme est un individu. Le projet nietzschéen se présente, à partir d'Humain, trop humain, sous la forme d'une philosophie historique en vertu de laquelle est mis en avant l'homme récapitulatif. En substance, Nietzsche réalise une généalogie de 'l'esprit libre' et décrit le grand affranchissement, lequel suppose, préalablement, un long asservissement de l'individu et implique de la part de celui-ci, un auto-dépassement. C'est en ce sens que l'esprit libre n'est pas un donné dans le rapport qui le lie à la culture, mais constitue « un esprit devenu libre ». Dans les uvres de la maturité, la pensée nietzschéenne appréhende l'individu absolu, celui qui, en dépassant la spécialisation des trois formes d'existence du génie, est à la fois sage, poète et prophète : le grand « Réformateur », le Zarathoustra. L'individuation qu'évoque Nietzsche dans sa dernière période de création, se rapporte à celle de l'homme synthétique, le type « surhumain », souverain, autonome et supramoral, adossé à l'amor fati qui, en condensant les quatre grandes figures des hommes supérieurs, s'en affranchit. Et c'est bien à cette question qui concerne le rapport à soi, le devenir soi, le dépassement de soi, que Nietzsche n'aura de cesse, tout au long de son uvre, jusque dans Ecce homo, de répondre en plaçant la distance qui sépare l'homme du principe d'individuation au centre des « hiéroglyphes de la vie universelle ». Ce travail s'efforce ainsi de montrer que le problème de l'individuation constitue un horizon à partir duquel s'organise toute la pensée nietzschéenne.