Thèse en cours

La représentation de l'étranger en France, analysée sous le prisme médiatico-politique; ou la question d'une taxinomie de l'Altérité.

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Auteur / Autrice : Aïcha Oustani
Direction : Vincenzo Susca
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sociologie
Date : Inscription en doctorat le 01/09/2020
Etablissement(s) : Université de Montpellier Paul-Valéry
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Territoires, Temps, Sociétés et Développement (Montpellier ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : LEIRIS - Laboratoire d'Études Interdisciplinaires sur le Réel et les Imaginaires Sociaux

Mots clés

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Résumé

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Avant de débuter toute recherche, il est primordial d'établir un cadrage précis et exhaustif de ce à quoi pourrait renvoyer la notion “d'étranger” en sciences humaines et sociales, et plus précisément, en sociologie. Cette dernière sera d'abord lue et analysée au travers d'une construction groupale dans un contexte de réception sédentaire : en effet, l'étranger ne peut être défini qu'en contraste avec un/ des groupes auquel il est extérieur, auquel il n'appartient pas. Il se définit donc essentiellement par son externalité, son absence première. Georg SIMMEL, analysera dans ses Digressions sur l'étranger (1908), chapitre d'une dizaine de pages, de manière constructiviste la place de l'étranger au sein de la société et ce, via une lecture spatiale du social. Selon l'auteur, hormis les considérations géographiques, l'étranger est une sorte d'hybride culturel qui rassemble et synthétise aussi bien la proximité que l'éloignement. Il est présent sur un territoire qui ne le reconnaît pas comme sien, mais il arrive malgré tout à développer des ponts avec les groupes locaux sans pour autant s'éloigner significativement des bases culturelles qu'il a intériorisé dans son “ailleurs”. “ En une constellation dont la formule la plus brève serait celle-ci : la distance à l'intérieur de la relation signifie que le proche est lointain, mais le fait même de l'altérité signifie que le lointain est proche ” (Simmel. G., Digressions sur l'étranger, in L'École de Chicago, présenté par Yves Grafmeyer et Isaac Joseph, Aubier Paris, 1984) Selon Julien Freund, l'étranger “ passe pour représenter l'ensemble des relations abstraites auxquelles l'imagination prête les vertus de ce qui échappe au commun. Il devient le signe de la différence, de l'altérité et souvent de ce qui est incompréhensible, de ce qu'il est impossible d'assimiler. Il représente d'autres valeurs, d'autres mœurs, et il devient de ce fait l'expression sublimée de l'inégalité.” (Freund. J., Introduction à Georg Simmel, in G. Simmel, Sociologie et épistémologie, Paris 1981 (p. 59)) Notons que le fait de redéfinir l'étranger, aussi bien théoriquement, économiquement ou socialement permettrait d'abord, d'éviter de dévier et de se perdre dans un hors-sujet, mais c'est également l'opportunité de démystifier ce terme devenu fantasmagorique au fil des époques et des intérêts économiques et politiques. Aussi, il faudra prendre en compte le background historique du pays, notamment considérer le poids du jacobinisme et d'État Nation dans l'histoire de France. Dans un second temps, l'outil de transmission de cette hypothétique image de l'étranger sera mis en avant et analysé avec ses enjeux et ses limites. En effet, j'ai choisi d'analyser cette hypothétique construction à travers l'outil communicationnel que sont les médias télévisuels. Le choix de ce médium s'est fait de façon pragmatique : il serait plus pertinent d'analyser un corpus médiatique télévisuel car il touche et est destiné, dans son essence même, à une population plus étendue (en comparaison aux autres typologies de médium). En effet, la télévision est un outil de vulgarisation, de diffusion de masse visant un public récepteur plus large, plus diversifié et plus attentif. Nous considérerons de ce fait, la diffusion médiatique comme étant un outil d'une institution socialisatrice (au sens Durkheimien, repris par Bourdieu). Par ailleurs, dans la société décrite par E. Durkheim, la socialisation passe par plusieurs institutions tels que la famille, l'école, l'église ou l'armée. Aujourd'hui, une grosse part de notre socialisation se fait via les médias (principalement la télévision) et plus récemment via les médias sociaux. Il paraît par conséquent logique, que la transmission de messages censés participer à la construction d'une image collective passe par les médias. L'enjeu central de la recherche est de mettre en lumière le poids et le rôle des médias télévisuels dans la diffusion de contenus censés créer une image collective, une construction sociale autour de la persona de l'étranger et ce, en fonction des enjeux et intérêts politiques et économiques du pays. Nous partirons de l'hypothèse qu'il existerait une image de l'étranger en France, malléable et/ou versatile. En effet, nous tenterons de voir, au travers de plusieurs événements clefs de l'histoire de France, comment cette construction collective de la persona de l'étranger a pu évoluer et s'adapter en fonction de la tension politique du pays, ou encore en fonction des besoins économiques ou même pour combler des tensions sociales. Ainsi, nous nous poserons la question d'une éventuelle et hypothétique construction de l'image de l'étranger en France, vu au travers du traitement médiatique de quelques événements symboliques dans l'histoire française : Nous analyserons les retombées médiatiques (TV) suite à l'arrivée des premiers travailleurs européens (belges, italiens, polonais, espagnols). Puis, suite à l'indépendance de l'Algérie en 1962, ancienne colonie française, nous nous concentrerons également sur le traitement médiatique de vague “d'étrangers” algériens en France. En 1989-1991, c'est la chute du mur de Berlin, début de la guerre froide puis l'implosion de l'URSS : nous nous pencherons sur les populations d'Europe de l'Est, venus pour des considérations économiques et/ou sécuritaires. Aussi, nous intéresserons également aux vagues d'étudiants étrangers, venus en France pour des raisons bien précises, avec un statut administratif qui leur est propre. Cela permettrait de mettre en place différentes figures de l'étranger, en fonction de sa provenance, de ses intentions, sa catégorie socioprofessionnelle mais aussi et surtout de sa réception. Aux vus des données récoltées, il serait éventuellement possible de mettre en place un idéal-type (au sens wébérien du terme) de la persona de l'étranger. En admettant qu'il en existe plusieurs. Par conséquent, penser à la possibilité de réaliser plusieurs idéaux-types. En ce qui concerne la méthodologie, le sujet ainsi que la recherche nous oriente principalement vers un traitement de corpus médiatique télévisuel (archives). Tout l'enjeu de la recherche se trouve d'abord dans la constitution du corpus : ainsi, il se doit d'être cohérent d'un point de vue cadrage théorique et contextuel tout en restant assez hétérogène du point de vue des sources et des émetteurs. Il est à noter qu'en fonction du temps et des résultats, des entretiens peuvent également être envisagés.