Thèse en cours

Optimisation de la prise en charge de l'hémorragie du postpartum : analyse des facteurs de risque et des pratiques professionnelles

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Auteur / Autrice : Sandrine Voillequin
Direction : Patrick RozenbergAnne Rousseau
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Epidémiologie
Date : Inscription en doctorat le 30/09/2020
Etablissement(s) : université Paris-Saclay
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Santé Publique
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de Recherche en épidémiologie et Santé des populations
Equipe de recherche : Epidémiologie clinique
Référent : Faculté de médecine
graduate school : Université Paris-Saclay. Graduate School Santé publique (2020-....)

Résumé

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PROBLEMATIQUE SCIENTIFIQUE GENERALE L'hémorragie du post-partum (HPP) est la principale cause de mortalité maternelle dans le monde.(1) En France, les données les plus récentes (2010-2012) de l'Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) montre que la mortalité maternelle par HPP demeure la première cause de décès maternel de cause obstétricale directe (11 %), et la plus évitable (83,9 %).(2) L'HPP est classiquement définie par une perte sanguine provenant du tractus génital égale ou supérieure à 500mL après un accouchement. En France, l'incidence de l'HPP représente 5% des accouchements en 2016 et est considérée comme sévère dans 2% des accouchements. Le seuil définissant la sévérité est de 1000mL. Les définitions alternatives de l'HPP sévère sont fondées sur des marqueurs biologiques de perte sanguine (par exemple une chute peripartum d'Hb>4g/dL) ou sur la nécessité de recourir à une prise en charge invasive : transfusion, recours à l'embolisation et/ou à la chirurgie ou l'hospitalisation en réanimation.(3,4) Plusieurs travaux provenant de pays à niveau de ressources élevé ont décrit une augmentation récente de l'incidence de l'HPP sans pour autant en élucider les raisons.(5–9) Cette augmentation porte essentiellement sur l'HPP par atonie utérine, et ne semble pas expliquée par l'évolution parallèle de la prévalence de certains facteurs de risque de l'HPP (obésité, âge, grossesse multiple, déclenchement, césarienne) ce qui a fait évoquer l'implication d'autres facteurs non encore identifiés ou non disponibles dans les bases analysées.(3) En France, la prise en charge des HPP est dictée par des recommandations nationales de pratique clinique (RPC) mise à jour en 2014 (10) et pourtant on retrouve un recours plus fréquent aux traitements de seconde ligne par rapport à d'autres pays industrialisés (11,12) suggérant un défaut de prise en charge initiale de l'HPP.(13,14) Les résultats d'études en population issues de pays à ressources élevées (4,15,16) montrent que les facteurs de risque de la survenue d'une HPP sont principalement des facteurs de risque d'atonie utérine, des traumatismes de la filière génitale et des coagulopathies. Concernant l'HPP sévère, les facteurs de risques prénataux et péripartum sont également retrouvés dans les études en population.(4,13,16,17) Ces études détaillent les caractéristiques maternelles, de l'accouchement et de la délivrance mais très peu les caractéristiques du travail. Deux autres catégories de facteurs de risque peuvent intervenir : la prise en charge initiale de l'HPP et les facteurs organisationnels. Ces facteurs sont particulièrement intéressants car ils sont potentiellement modifiables et moins étudiés. Driessen et al.(13) ont montré que les retards dans la prise en charge initiale de l'HPP étaient associés à une augmentation du risque d'HPP sévère en France. Le statut de l'hôpital était également un facteur associé à la sévérité de l'HPP, car lié aux ressources humaines et matérielles disponibles pour la prise en charge de l'HPP.(18) Dupont et al.(14) ont également observé une grande variation entre maternités des taux d'HPP sévère allant de 0 % à 4% suggérant une implication de l'organisation des soins. Pour tenter de diminuer le taux d'HPP sévère, il semble donc primordial d'individualiser les facteurs d'aggravation liés aux pratiques, à l'organisation des soins ou aux soignants qui feraient le continuum entre situation pathologique (HPP) et situation catastrophique (HPP sévère) voire décès. OBJECTIFS SCIENTIFIQUES DE LA THESE Évaluer les pratiques de prise en charge initiale et leur potentiel rôle sur l'aggravation de l'HPP en HPP sévère. Dans un premier volet, nous souhaitons décrire les variabilités de pratiques relatives à la prise en charge initiale de l'HPP. Nous souhaitons étudier la qualité d'administration d'oxytocine et en étudier les déterminants potentiels. Dans un second volet, nous souhaitons étudier l'association entre la durée du travail, l'HPP et l'HPP sévère. Enfin, nous souhaitons identifier de potentiels facteurs prédictifs d'échec du traitement médicamenteux de seconde ligne (sulprostone (Nalador®)) : facteurs de risque et facteurs liés à la prise en charge initiale de l'HPP. TRAVAUX PROJETES - METHODES & MOYENS Volet 1 : Évaluer les modalités d'administration d'oxytocine et étudier les déterminants potentiels de variations de pratique dans le traitement initial de prise en charge de l'hémorragie du post-partum. En 2014, Rousseau et al. ont pu mettre en évidence des écarts aux bonnes pratiques de prise en charge de l'HPP grâce à une étude transversale multicentrique utilisant des vignettes cliniques dynamiques : « Hémopost ».(19,20) Au total 450 sages-femmes ont participé à l'étude en ligne. Celle-ci était constituée de 2 vignettes cliniques permettant de questionner les participants sur leur prise en charge, et d'un auto-questionnaire décrivant leurs données personnelles et les données liées à leur structure d'exercice. Plus de la moitié (55,3%) des sages-femmes n'utilisaient pas l'oxytocine conformément aux recommandations.(10) L'oxytocine représente le premier traitement médicamenteux utérotonique à mettre en place lors d'une HPP. Il nous parait important d'analyser plus précisément les modalités d'administration de l'oxytocine : moment d'administration, dose, voie d'administration car une administration inadaptée d'oxytocine pourrait être à l'origine de l'aggravation de certaines HPP. Nous souhaitons également étudier les potentiels déterminants organisationnels et/ou personnels pouvant expliquer des modes d'administration inadaptés.(18,21) Base de données et analyse statistique  « Hémopost » : Étude observationnelle descriptive sur un échantillon de 450 sages-femmes parmi 87 maternités françaises de janvier à avril 2014. • Toutes les données concernant les modalités d'injections de l'oxytocine (dose, voie d'administration direct, lente, perfusion, retard d'administration ou absence d'administration), ont été décrites dans les réponses aux vignettes. Les données descriptives personnelles et organisationnelles ont également été renseignées. • La base de données est disponible. • Analyse statistique envisagée : Il s'agira d'une étude ancillaire de l'étude Hémopost réalisée en 2014 (19) Nous souhaitons évaluer les écarts avec les bonnes pratiques concernant notamment l'administration de l'oxytocine (dose, moment, voie d'administration), nous allons réaliser dans un premier temps une analyse descriptive de l'administration d'oxytocine : dose, voie d'administration, moment. Pour répondre au deuxième objectif, et analyser le lien entre la qualité d'administration de l'oxytocine et les déterminants potentiels des écarts aux bonnes pratiques, le critère de jugement binaire correspondra à l'administration de l'oxytocine conformément aux recommandations. Les déterminants potentiels seront des facteurs individuels (âge, expérience, formation…) et organisationnels liés à la maternité (type de maternité, nombre d'accouchements, statut de la maternité …). Nous allons tout d'abord réaliser une analyse univariée multiniveau, à l'aide d'un modèle de régression logistique avec intercept aléatoire au niveau maternité́. Les facteurs significatifs au seuil 20% seront conservés pour l'analyse multivariée. Toutes les interactions seront testées entre les différentes variables insérées dans le modèle. Les associations entre l'administration conforme aux recommandations et les facteurs liés aux soignants et liés aux centres seront évaluées à l'aide des Odds Ratio et leurs intervalles de confiance à 95% estimés par le modèle multivarié́. Volet 2 Étude de l'association entre la durée de la phase active du travail et l'hémorragie du post-partum, et l'hémorragie du post-partum sévère Les critères concernant la durée du travail retenus dans les différentes études ne sont pas homogènes, d'autant que les définitions des périodes sont différentes entre la littérature anglo-saxonne et la littérature francophone. En 2017, la Haute Autorité de Santé (HAS) émet des recommandations quant à la prise en charge de l'accouchement physiologique.(22) Une redéfinition des différents stades du travail a été proposée. Globalement, la durée prolongée du travail ajustée à la parité est associée à une augmentation du risque hémorragique primaire. Mais l'analyse plus fine des résultats permettrait de préciser les critères devant lesquels cette augmentation est significative. Nombreuses sont les études qui évaluent la durée prolongée du troisième stade de travail (23–25) mais rares sont les études qui évaluent l'impact du premier ou second stade du travail concernant l'HPP.(26) Ainsi, Combs (27) observe une phase active prolongée chez les femmes ayant accouché par césarienne et ayant présenté une chute de l'hématocrite entre leur admission et le post-partum (OR 2,4, CI 95 % 1,42-4,06), mais ne retrouve pas de significativité à l'analyse multivariée de l'arrêt de la dilatation chez les femmes accouchées par voie vaginale. Les résultats sont anciens et rarement détaillés dans ces études. (28) La durée du travail (travail court ou travail long) est communément admise comme facteur de risque d'HPP, elle pourrait être à l'origine d'une atonie utérine et donc d'une HPP mais la littérature n'a pas montré scientifiquement son rôle. Il nous semble intéressant d'analyser l'association entre la durée de la phase active et la survenue d'une HPP, d'une HPP sévère. Base de données et analyse statistique Étude ancillaire de l'essai randomisé CYTOCINON Cet essai contrôlé randomisé multicentrique en double aveugle a eu lieu dans trois hôpitaux universitaires français (Poissy-Saint-Germain, Necker-Enfants Malades et Port Royal) à Paris et dans les environs d'avril 2010 à septembre 2013.(29) Le critère de jugement principal était le taux d'hémorragie post-partum, défini comme une perte de sang de 500 ml ou plus dans les 2 heures suivant l'administration du médicament d'essai. Les variables recueillies concernant la durée du travail et qui seront analysées sont : • Durée Totale du travail (en heures) • De 5cm à dilatation complète (en heures) = phase active • De l'entrée en salle de travail à 5cm (en heures) = phase de latence • Entre la dilatation complète et la naissance = second stade du travail • La durée des efforts expulsifs L'inscription des participants a eu lieu d'avril 2010 à septembre 2013. Les caractéristiques de base étaient similaires dans les deux groupes. L'essai a porté sur 1721 personnes. • Analyse statistique envisagée : L'association entre chaque facteur de risque et la survenue d'une HPP sera évaluée de façon univariée. Le critère de jugement sera la survenue d'une HPP, les variables explicatives seront les facteurs de risque habituels d'HPP et la durée de travail. Les tests statistiques utilisés seront le test du Chi2 (ou le test de Fisher si nécessaire). Les odds ratios seront calculés à l'aide des modèles de régression logistique. Les facteurs associés à la survenue d'une HPP dans l'analyse univariée (p≤ 0.20) seront inclus dans une analyse multivariée en utilisant le modèle de régression logistique. Les résultats seront exprimés en Odds Ratio avec leurs intervalles de confiance à 95%. Ces mêmes analyses seront ensuite réalisées avec l'HPP sévère. Volet 3: Étudier les facteurs prédictifs d'échec du traitement par sulprostone dans le cadre de l'hémorragie du post-partum. La sulprostone est la prostaglandine la plus utilisée pour le traitement des hémorragies sévères du post-partum. L'échec du sulprostone est évalué 30 minutes après son instauration par la persistance d'une atonie utérine, d'une instabilité hémodynamique, d'une élévation des pertes sanguines ou par l'apparition de troubles de l'hémostase. Néanmoins, ce délai peut être raccourci devant l'importance de l'hémorragie et l'intolérance maternelle qu'elle occasionne. L'échec du sulprostone détermine le recours aux procédures invasives. Les raisons de l'échec du traitement par sulprostone ne sont pas bien documentées. Seule l'instauration du traitement dans un délai supérieur à 30 minutes après le diagnostic d'hémorragie a été́ décrite comme facteur d'échec.(30) Schmitz et al. ont montré dans leur étude menée dans leur étude de cohorte que 33.9% des HPP étaient résistantes à l'oxytocine et avaient nécessité un traitement par sulprostone. Ils ont également fait le constat que le traitement était insuffisamment prescrit car seul 53,5% des HPP sévères (définies comme la réalisation d'une embolisation, d'une chirurgie d'hémostase, d'un transfert dans une unité́ de réanimation, d'une transfusion ou comme une perte d'Hb≥ 4g/dl) avaient été́ traitées par sulprostone.(13,31) Par ailleurs, la littérature internationale rapporte peu de données sur le traitement par sulprostone utilisé dans la prise en charge médicamenteuse des HPP.(32) On retrouve seulement les facteurs de risque des HPP réfractaires au traitement de première ligne.(33) Il nous est donc apparu intéressant d'essayer de déterminer s'il existait des facteurs prédictifs d'échec du traitement par sulprostone autre qu'un retard à l'initiation du traitement dans le cadre de l'hémorragie du post-partum.(34) Base de données et analyse statistique Étude rétrospective comparative, menée dans deux maternités de niveau 3 (CHI-Poissy-St-Germain en Laye et les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg - HUS). Nous inclurons dans cette étude toutes les patientes traitées par sulprostone dans le cadre d'une hémorragie du post-partum, quel que soit le mode d'accouchement sur l'année 2019. Le recueil de données est actuellement en cours et réalisé par deux étudiantes sages-femmes pour leur mémoire de fin d'étude (UVSQ et Unistra) environ 150 dossiers CHI Poissy (2019) + 150 dossiers CHU Strasbourg (2019) • Analyse statistique enisagée La liaison entre chaque facteur de risque et la survenue d'un échec du traitement par sulprostone sera évaluée de façon univariée. Le critère de jugement sera l'échec du sulprostone (prise en charge de type chirurgicale ou embolisation artérielle), les variables explicatives seront les facteurs de risque habituels d'HPP et des éléments de prise en charge initiale. Les tests statistiques utilisés seront le test du Chi2 (ou le test de Fisher si nécessaire). Les odds ratios seront calculés à l'aide des modèles de régression logistique. Les facteurs associés à l'échec dans l'analyse univariée (p≤ 0.20) seront inclus dans une analyse multivariée en utilisant le modèle de régression logistique. Les résultats seront exprimés en Odds Ratio avec leurs intervalles de confiance à 95%. Une analyse et si besoin une prise en compte des données manquantes sera envisagée pour tous les volets. Les analyses statistiques seront réalisées avec le logiciel R. Le seuil de significativité est fixé à 0,05. CONSIDERATIONS ETHIQUES ET REGLEMENTAIRES Le responsable scientifique et la ou les personnes qui dirigeront et surveilleront l'étude s'engagent à ce que celle-ci soit réalisée en conformité avec la Déclaration d'Helsinki et au protocole approuvé par le Comité d'éthique. Le responsable scientifique procédera à la demande d'avis consultatif auprès d'un Comité d'éthique et à la déclaration du fichier de traitement des données à caractère personnel auprès de la commission nationale informatique et liberté (CNIL). Le traitement des données à caractère personnel mis en œuvre dans le cadre de la recherche sera réalisé dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés modifiées par la loi n°2004-801 du 6 août 2004 et des textes réglementaires pris pour son application. Ces démarches ont déjà été réalisées pour les volets 1 et 2 et sont en cours pour le volet 3. DUREE DE CONSERVATION DES DONNEES DE L'ETUDE Elles feront ensuite l'objet d'un archivage sur le serveur sécurisé des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg au maximum 15 ans après la fin de l'étude.