Thèse en cours

La doctrine du 'unable or unwilling State' en droit international

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Auteur / Autrice : Envel Thierry
Direction : Anne-Laure Vaurs-Chaumette
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit public
Date : Inscription en doctorat le 26/10/2020
Etablissement(s) : Paris 10
Ecole(s) doctorale(s) : École Doctorale Droit et Science Politique
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de droit international (Nanterre)

Mots clés

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Résumé

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(Résumé provisoire) En juillet 2006, Israël attaqua le Hezbollah sur le territoire libanais sans l'accord de ce dernier, comme le firent les États-Unis en mai 2011 lorsqu'ils menèrent l'assaut contre le quartier général d'Oussama Ben Laden sans en avertir le Pakistan. Cette même année, à la suite des violences post-électorales en Côte d'Ivoire, le Conseil de Sécurité des Nations Unies réaffirmait dans la résolution 1975 (2011) la responsabilité incombant à chaque État de protéger sa population. En 2014, la Cour pénale internationale se prononçait sur la compétence de la Libye pour juger Saïf al-Islam Kadhafi et Abdullah Al-Senussi. Quel pourrait être le point de convergence entre ces quatre évènements internationaux apparaissant, a priori, comme spécifiques et sans lien les uns avec les autres ? Il s'avère que c'est la seule et même expression « unable or unwilling State » qui a, implicitement ou explicitement, servi d'argument pour justifier les décisions prises. Ce projet de thèse s'articule autour de cette expression anglophone utilisée dans le domaine du droit international pénal, de la légitime défense étatique et de la responsabilité de protéger mais dont la signification et la conceptualisation reste encore incertaine et peu homogène. La recherche conduira à une réflexion duale mais dont les deux volets sont indissociables. D'une part, se pose la question de l'essence de cette expression : utilisée dans différents domaines du droit international, elle semble pourtant ne pas avoir la même nature ni le même objet. Ainsi, en droit international pénal, il s'agit d'une règle de droit, une norme incluse dans le Statut de Rome ; alors que dans le domaine de la légitime défense, cette même expression relève plus de la doctrine au sens de la « politique juridique extérieure » des États ; tandis que dans la responsabilité de protéger, il s'agirait plutôt d'un standard. Quant à son objet, dans le premier cas, il s'agit d'apprécier la capacité/volonté de l'État d'exercer sa compétence pénale ; dans le deuxième, sa capacité à exercer sa compétence territoriale (contrôle de son territoire) ; dans le troisième, sa capacité à exercer sa compétence personnelle (protection de sa population). Cette thèse a pour objectif de rechercher si au-delà de ces éléments, très distincts à première vue, une unité peut être trouvée. D'autre part, ces ambiguïtés entraînent une insécurité juridique majeure qui est de nature à affecter une notion clef du droit international : la souveraineté étatique. Dès 1928, l'arbitre Max Huber considérait que « la souveraineté dans les relations entre États signifie l'indépendance ». En 1931, le juge Anzilotti, dans son opinion dissidente dans l'affaire relative au régime douanier austro-allemand, affirmait quant à lui que la « souveraineté » devait s'entendre comme le fait que « l'État n'a au-dessus de [lui] aucune autre autorité, si ce n'est celle du droit international ». L'apparition de l'expression « unable or unwilling », est susceptible de remettre en question la portée de la souveraineté étatique et de son indépendance. En effet, le droit international repose sur une égale souveraineté entre les États. Or, la mise en œuvre de la légitime défense (dans le cas spécifique où sont impliqués non pas deux mais trois acteurs : un acteur non étatique se trouvant sur le territoire d'un État (communément appelé État hôte) qui va, à partir de ce territoire, attaquer un autre État (dénommé État victime)) vient compromettre ce principe alors même qu'il n'est pas encore établi si cette expression est une norme juridique ou simplement un élément de doctrine. Par ailleurs, certains juristes ont souligné que, dans la presque majorité des cas, l'État victime qui attaquait dans la logique « unwilling or unable » avait une puissance supérieure à celle de l'État hôte qui était attaqué, démontrant ainsi le poids du rapport de force entre les différents États. Le fait même qu'une seule et même expression soit employée dans des domaines aussi différents dont un seul en a donné une définition juridique contribue à accentuer l'ambiguïté de l'expression « unable or unwilling ». Cette thèse aura donc également pour objet de cerner si l'imprécision linguistique de l'expression « unable or unwilling » est une conséquence du flou juridique conceptuel à l'origine de son utilisation ou si elle est au service de celui-ci.