Thèse soutenue

S'enforester, ou travailler la place des arbres dans les fermes paysannes. Une géographie des rapports de pouvoir en agroforesterie : (Préalpes d'Azur, France et Sumapaz, Andes colombiennes)

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Auteur / Autrice : Léo Raymond
Direction : Marie ForgetLionel Laslaz
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Géographie
Date : Soutenance le 04/12/2024
Etablissement(s) : Chambéry
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale cultures, sociétés, territoires (Chambéry ; 2021-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Environnements, dynamiques et territoires de la montagne (Le Bourget du Lac, Savoie ; 2003-....)
Jury : Président / Présidente : Lucile Medina
Examinateurs / Examinatrices : Sarah Bortolamiol, Christine Bouisset, Claude Compagnone
Rapporteurs / Rapporteuses : Martine Guibert, Geneviève Michon

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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À l'heure de l'écologisation des pratiques agricoles, comprendre la place qu'occupe les arbres dans les fermes est une nécessité. En effet, les arbres sont au coeur de l'agriculture. Pourtant, historiquement, par une double opération spatiale, la modernité agricole a rejeté les arbres en dehors des agroécosystèmes. D'un côté, elle a séparé les forêts des espaces cultivés, dressant par-là même une dichotomie entre nature et culture, domestique et sauvage, forestiers et paysans. De l'autre, dans les champs, les arbres ont été arrachés ou laissés à l'abandon. Ceci étant, à partir d'une critique politique et écologique de la modernité, l'agroforesterie amorce un retour des arbres et leur redonne une place dans les fermes : arbres isolés, haies, bocages, bosquets, forêts sont autant de formes qui marquent les paysages agroforestiers.Pour comprendre les dynamiques qui animent ce retour de l'arbre, ce travail de thèse est parti à la rencontre de paysans dans les Préalpes d'Azur (Alpes-Maritimes - France) et dans le páramo du Sumapaz (Bogotá D.C - Colombie), deux territoires montagnards et forestiers. À partir d'une approche croisée et de l'utilisation du concept de dispositif spatial, l'objectif est de comprendre comment se déploie, dans l'esprit et dans l'espace, ce travail avec les arbres. Il apparaît avant tout que le désir de renaturation des agroécosystèmes s'inspire de l'écosystème forestier, conçu comme un emblème spatial de la nature. En ce sens, la forêt, imaginée, apparaît comme un modèle qu'il s'agirait d'importer au sein des systèmes agricoles. Cette conception découpe dans le réel et ne retient que certains mécanismes qu'elle tente de reproduire ; si la plantation d'arbres est l'action la plus visible, d'autres pratiques agricoles matérialisent, aussi, l'appropriation de cette conception des forêts.Par ailleurs, ce rapprochement est aussi à lire comme une tentative d'éloignement vis-à-vis d'un modèle agricole chimique et d'une industrialisation des forêts. En effet, si l'idéalisation des arbres intervient dans l'agencement de la ferme, les visions qui la traversent s'exportent également à d'autres échelles. En cherchant à s'ancrer dans les dynamiques locales, les paysans promeuvent une certaine représentation du territoire. Par conséquent, les ritournelles paysannes qui opèrent sur la ferme, ne cessent, en retour, de travailler ce qu'est et ce que devrait être le territoire et les écosystèmes forestiers. S'enclenche ainsi des rapports de force entre les divers acteurs à propos de ce devenir territorial.De plus, ce rapprochement avec la forêt n'est-il pas un simple calque, les forêts, autant que les espaces cultivés sont transformés par ce mouvement de déterritorialisation/reterritorialisation. Dès lors, ce travail met en évidence les reconfigurations spatiales de ces relations, c'est-à-dire la manière dont ces rapports entre les arbres et les paysans, participent à requalifier les imaginaires, les discours, les pratiques et les formes et font territoire ; en somme comment ils (re)produisent et organisent la ferme.Ainsi, il convient d'analyser la place qui est faite aux arbres, où sont-ils disposés et pour quelles raisons ? Comment cette organisation oeuvre sur la ferme ? En effet, une des hypothèses réside dans le fait que la place des arbres participe à repenser l'espace agricole, ses limites (dedans/dehors), mais également la conception du travail avec la nature et l'appréhension du temps. Ceci étant, la place est à entendre comme le fruit de relations de pouvoir, qui sont autant de jeux de distance, visant à assigner l'emplacement social de chacun au sein de l'espace. De fait, derrière le rapprochement souhaité avec les écosystèmes forestiers demeure la nécessité, pour les paysans, de trouver une « juste distance » avec les non humains. À travers les rapports entretenus par les paysans et les arbres, se dessine, ainsi, une géopolitique par-delà l'humain qui permet d'habiter différemment la terre.