Thèse en cours

Les lanceurs d'alerte. Etude comparée

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Auteur / Autrice : Jean-philippe Foegle
Direction : Véronique Champeil-Desplats
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit public
Date : Inscription en doctorat le 29/10/2014
Etablissement(s) : Paris 10
Ecole(s) doctorale(s) : École Doctorale Droit et Science Politique
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de théorie et d'analyse du droit (Nanterre)

Mots clés

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Résumé

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Le Conseil de l'Europe définit le lanceur d'alerte – de l'anglais « whistleblower » –, depuis sa Recommandation de 2014 sur la protection des lanceurs d'alerte comme une personne signalant ou divulguant des informations sur un fait ou un comportement contraire à l'intérêt général, et dont elle a eu connaissance dans le cadre de son travail. Dans l'acception commune de l'expression, le lanceur d'alerte est une personne, généralement un employé du secteur privé ou public, qui tente d'attirer l'attention sur l'existence d'un risque, d'un danger ou d'une atteinte à l'intérêt général dont les responsables souhaiteraient masquer l'existence. Malgré un certain succès législatif, la notion n'en reste pas moins évanescente et difficile à cerner. Le rôle exact que le lanceur d'alerte est amené à jouer dans une démocratie reste incertain. Se réduit-il à celui de dénonciateur légal, dont la fonction consisterait à révéler les comportements déviants ? Ou incarne-t-il une nouvelle « figure » de citoyen, ce qui supposerait de reconnaître une fonction institutionnelle à la désobéissance en démocratie ? Les mêmes incertitudes président à la définition du statut juridique du lanceur d'alerte, les États adoptant sur ce point des approches plus que contrastées. Il y a donc un hiatus croissant entre le conception du lanceur d'alerte portée dans le cadre des usages sociaux du droit d'une part, et la vision du lanceur d'alerte promue par les institutions d'autre part. Au terme de cette étude comparée de la notion de « lanceur d'alerte », plusieurs traits caractéristiques de celle-ci et de son régime ont pu être mis en évidence. Le premier tient à une incertitude persistante, en France comme aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, sur la définition de ce qu'est ou devrait être considéré comme un lanceur d'alerte ou whistleblower : il n'existe en effet dans aucun des deux systèmes juridiques, de définition globale de la notion/ En effet, parcequ'elles reposent sur deux conceptions idéalisantes du lancement d'alerte, les lois sus-mentionnées échouent à protéger de manière efficace les lanceurs d'alerte et relèguent ceux-ci aux marges du droit. L'une de ces conceptions idéal- typiques, restreinte, est purement « managériale ». Dans ce cadre, ne peuvent être dénoncés aux autorités que des faits ou comportements que les pouvoirs publics cherchent à réprimer. Elle n'ouvre aux lanceurs d'alerte qu'un droit d'alerte très restreint. Les lanceurs d'alerte doivent être dans une situation de dépendance économique ou de lien de subordination avec l'organisme en cause. L'alerte doit être lancée de bonne foi et de manière proportionnée et s'adresser d'abord aux canaux internes avant d'envisager, en cas d'échec, de s'adresser à l'extérieur (autorité indépendantes, autorité judiciaire et en dernier recours les médias). L'autre, que l'on peut qualifier de « démocratique », est toute entière fondée sur le droit du public à l'information sur les sujets d'intérêt général, et ouvre un droit d'alerter sur un large éventail d'informations et comportements contraires à l'intérêt général. Or, aucune de ces deux conceptions ne permet de restituer la complexité du phénomène. D'une part, la conception « managériale » cantonne le lanceur d'alerte à une fonction de délation institutionnalisée, peu pertinente lorsqu'il s'agit d'exposer des faits sensibles au regard du public. D'autre part, si la conception « démocratique » est davantage porteuse de promesses, elle est également génératrice d'incertitudes pour le lanceur d'alerte, car procéduralisée à l'extrême par les lois de protection des lanceurs d'alerte. Cette rationalisation ou économie de la divulgation instaurée par le cadre juridique actuel implique que le lanceur d'alerte ne conteste pas frontalement le secret, mais cherche à trouver un équilibre entre droit de l'autorité de maintenir le secret et nécessité de signaler et divulguer une information en respectant les procédures instituées à cet effet par les pouvoirs publics. Une telle vision du lancement d'alerte postule l'existence d'un lanceur d'alerte omniscient, maîtrisant parfaitement les tenants et aboutissants de l'information qu'il entend divulguer. Or, cette conception implique que les lanceurs d'alerte soient capables de trouver par eux-mêmes l'équilibre entre secret et intérêt du public à l'information en déterminant avec précision quelles sont les informations qu'il est pertinent de rendre public, ce qui est en décalage croissant avec le profil des lanceurs d'alerte à l'ère numérique. Ce décalage conduit paradoxalement à favoriser la fuite irresponsable de documents sur internet au détriment du lancement d'alerte responsable. En effet, faute pour les protections juridiques instituées d'être crédibles, la fuite de documents sous couvert d'anonymat par le biais de plateformes telles que Wikileaks se trouve trop souvent être la seule alternative crédible à la disposition de lanceurs d'alerte placés dans une situation de vulnérabilité et d'insécurité juridique. Or, la difficulté d'identifier les sources des informations et leurs motivations sur ce type de plateformes ouvre la voie à une manipulation croissante de l'espace public par des hackers au service de puissances étrangères, et des hauts fonctionnaires des services de renseignement soucieux de modeler l'opinion publique en leur faveur. In fine, cela conduit à saturer l'espace public d'informations généralement invérifiables ou erronées nuisant à la qualité du débat public.