Variations sur le livre : virtualités et modulations du lire et de lécrire à lécran
Auteur / Autrice : | Gabriele Cepulyte |
Direction : | Alain Milon |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Esthétique |
Date : | Inscription en doctorat le Soutenance le 19/06/2024 |
Etablissement(s) : | Paris 10 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Lettres, langues, spectacles (Nanterre, Hauts-de-Seine ; 2000-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Histoire des arts et des représentations (Nanterre) |
Jury : | Président / Présidente : Anolga Rodionoff |
Examinateurs / Examinatrices : Alain Milon, Marcello Vitali-rosati, Marc Perelman | |
Rapporteur / Rapporteuse : Anolga Rodionoff, Marcello Vitali-rosati |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Que veut dire penser un livre simultané, au-delà de linstantanéité de sa perception sensible ? Comment envisager cette volonté de dépassement des limites perceptives? Le livre simultané ne peut être lu que par Dieu et par son point de vue omniscient, ancré en dehors du temps et de lespace. La perception instantanée relève dès lors dune volonté datteindre un tout qui se trouve constamment fragmenté par lexpérience, représentative de lincapacité humaine à confronter linfini. « Le monde est fait pour aboutir à un beau livre » : la sentence de Mallarmé représente alors ce projet, de restituer la simultanéité du rapport au monde dans lespace objectivé quest le livre. Linstantanéité de la lecture et de lécriture est une aporie. Elle nous mène ainsi à reconsidérer la portée de la notion de simultanéité, en la déplaçant de linstant conçu comme perception de la coexistence dobjets différenciés dans un même temps, propre au point de vue divin, à celle dune variation coordonnant différentes modalités dexistence, soit une coexistence de fragmentations possibles. La simultanéité devient alors vecteur déclatement dun livre ne pouvant plus être considéré ni comme objet fini, ni défini. Envisager le livre comme variation, cest le considérer dans lindétermination de ses lectures, dans lindifférenciation de ses espaces et dans une virtualité qui devient la modalité essentielle permettant la coexistence de ses variables. Notre hypothèse est que ce livre dont la simultanéité se déploie en dehors de son existence en tant quobjet se trouve dans les expériences en arts numériques, et particulièrement dans le développement de certains programmes, mettant en uvre des développements hypermédiatiques. De cette manière, ce nest pas seulement une expérience de lecture qui se voit changée : cest aussi le rapport général à lécriture et à sa visée qui se voit modifié par la remise en question dun objet civilisationnel. La stabilité du livre, objet doté dun début et dune fin, inscrit le discours à la fois dans la positivité de lensemble des écrits en circulation, mais le pose également en tant que trace, contribuant au discours historique et à létablissement de larchive. Le livre devient ainsi représentatif de ladéquation non-questionnée du récit au réel, du langage à lêtre, par sa puissance de mise en ordre, dobjectivation, par lextériorisation dune pensée qui se fait néanmoins présence. Or, la simultanéité ainsi redéployée uvre à remettre en question cette présence : elle sarticule autour de la négativité dun langage étant la seule prise de lexpression sur le réel, seule manière dexprimer une connaissance, tout en nétant pas connaissance elle-même. De ce fait, ce que nous appellerons « livre numérique » uvre à notre sens à défaire la positivité du livre : celui que Stéphane Mallarmé, Maurice Blanchot, Georges Bataille ou Gilles Deleuze parmi dautres avaient voulu pousser jusquà ses limites, afin de pouvoir proposer une écriture qui ne soit plus que multiplicité, écriture sans prise. La question subsistante est celle de lunité quinculque tout ensemble, et plus particulièrement celle induite par le numérique, par la prédétermination quil propose. Le numérique conserve la duplicité présente dans ces tentatives de dépasser le livre par le livre, faisant coïncider continuité et discontinuité: unité ramenant en elle-même toute volonté de dispersion, que ce soit par luvre, le titre, lobjet. Le dispositif technique est ici opérateur de totalité et également opérateur dindifférenciation : le programme na pas déthique et égrène sans fin lensemble des lectures, pour ne plus les considérer quà laune des relations préétablies qui lui sont inculquées ou quil crée de lui-même. Nous pouvons alors nous interroger : l'écriture numérique nest-elle quun miroir nous mettant face au seul langage comme représentation de nous-mêmes, ou est-elle porteuse dune dimension qui nous ouvrirait à l« autre nuit » ?