Aux sources du politique, la reconnaissance. Apports à partir de l'Amérique latine
Auteur / Autrice : | Hector Salamanca |
Direction : | Alfredo Gomez-muller |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Philosophie |
Date : | Inscription en doctorat le 10/10/2018 |
Etablissement(s) : | Tours |
Ecole(s) doctorale(s) : | Humanités et Langues - H&L |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Interactions Culturelles et Discursives |
Mots clés
Résumé
Les sociétés contemporaines font face à une série de tensions et paradoxes qui traversent le maillage institutionnel, discursif et pratique en ce qui concerne la reconnaissance des populations qui veulent être respectées dans leur particularité et singularité, c'est-à-dire, dans la distance qui les éloigne des formes culturelles naturalisées et issues d'une hégémonie qui pivote autour d'une domination historique, symbolique et institutionnelle. Ces populations sont porteuses de revendications qui remettent en question le statut du sujet-citoyen abstrait dépourvu d'une identité communautaire, ethnique et culturelle, car elles considèrent le confinement de leur identité dans la forme de l'identité abstraite comme une atteinte aux tissus sociaux et aux liens culturels qui forgent leur identité concrète. Or, pour autant que l'identité citoyenne repose sur la reconnaissance de l'individu en tant que membre d'une communauté plus large, celle de l'humanité où les différences particulières se dissolvent dans le but d'éviter tout type de discrimination, l'on peut se demander si la reconnaissance de la différence peut se passer de la reconnaissance d'une forme d'universalité. Sylvie Mesure et Alain Renaut ont résumé ainsi ces tensions de l'identité démocratique : « Pour l'essentiel, la problématique de l'identité tient à cette étrange tension, déjà structurellement inscrite en elle, et aux diverses accentuations auxquelles cette bipolarisation de l'identité (un pôle d'individualité, un pôle de communauté) peut donner lieu, selon les cultures et les sociétés où se trouve posée, aux individus et aux groupes, la question de savoir ce qu'ils sont. La réponse politique à ces tensions ne relève pas simplement de la politique mais du politique, c'est-à-dire de la constitution d'un ordre institutionnel partagé. Ces tensions ont fait l'objet de multiples débats, notamment au sein des théories politiques libérale universaliste (Rawls, Dworkin) et libérale multiculturaliste (Kymlicka,Taylor, Walzer). Ces théories se situent soit dans le champ de la reconnaissance de l'identité abstraite (universelle) soit dans celle de l'identité concrète (particulière), tout en essayant de trouver un point d'équilibre entre les deux « pôles » en question. Or, ces théories politiques et morales proviennent de contextes où le concept de sujet-citoyen abstrait a été lui-même construit à partir d'une certaine hégémonie culturelle. Dès lors, ils sont susceptibles de comprendre l'identité collective à partir des présupposés culturels (ethnocentriques, phallocentriques, etc.) qui rendent aveugle à la spécificité de certaines revendications visant la reconnaissance. Ces revendications peuvent être sous-tendues par des conceptions différentes de l'universel et du particulier, de l'abstrait et du concret, et, plus fondamentalement, par des modes de pensée qui ne produisent pas ces dichotomies ou qui proposent des modes d'articulation originaux entre les deux « pôles », à travers la médiation de catégories telles que le « commun », la « communauté », etc. La présente recherche se propose d'identifier dans des discours et des pratiques contemporaines orientées vers la reconnaissance, les éléments d'une autre pensée de l'articulation éthico-politique entre l'universel et le particulier, l'abstrait et le concret, la norme et la valeur, le juste et le bien, par delà les dichotomies de la théorie libérale qui sous-tendent l'approche libérale, aussi bien dans son versant universaliste / procédural / formaliste que dans son versant multiculturaliste / particulariste. Nous prendrons comme référent historique privilégié l'Amérique latine, et plus précisément certaines revendications latino-américaines relatives aux appartenances de classe, de culture, de sexe, de « race » et de genre qui ont permis de repenser des catégories d'analyse telles que la « nation », l'« État-nation », le « citoyen » et la « culture ». À l'identification, description et analyse de ces discours et de ces pratiques latino-américaines orientées vers la reconnaissance, nous consacrons cette recherche. À partir de cette base, nous proposons une nouvelle prise en charge théorique des « tensions » et des paradoxes qui sous-tendent aujourd'hui les demandes de reconnaissance (de genre, de culture, d'orientation sexuelle, etc.).