Thèse en cours

« À la racine » de la pratique et des savoirs : histoires naturelles de la plante souterraine à l'époque moderne (1530-1735)

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Auteur / Autrice : Tassanee Alleau
Direction : Pascal BrioistConcetta Pennuto
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire
Date : Inscription en doctorat le 02/09/2019
Etablissement(s) : Tours
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Humanités et Langues (Centre-Val de Loire ; 2018-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'Etudes Supérieures de la Renaissance

Résumé

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Le système racinaire de la plante, constitué de racines et radicelles mais aussi de tiges (tubercules, rhizomes et bulbes), témoigne de savoirs botaniques, d'une certaine « maîtrise » de la nature et d'usages spécifiques du végétal. Les sources invitent à s'interroger sur l'utilisation des « racines » dans les domaines des sciences et de la santé. Cette utilisation est-elle un marqueur de la naissance d'un nouveau savoir rompant avec les savoirs du Moyen Âge et de l'Antiquité ou bien est-elle le marqueur d'une « renaissance » de savoirs anciens en continuité avec les savoirs médiévaux ? Dans le dialogue des savoirs modernes et des nouvelles découvertes géographiques et botaniques sur la racine avec les héritages antiques et médiévaux, la question des gestes pratiqués autour de la partie invisible de la plante comporte des enjeux scientifiques de continuité, de rupture et d'innovation dans l'exploration de la nature que la candidate placera au cœur de sa recherche. Cachées dans les tréfonds de la terre, métaphore de l'origine, du fondement, de la cause profonde, la racine et les parties souterraines de la plante sont timidement évoquées dans les œuvres littéraires mais plus souvent analysées et étudiées dans les herbiers illustrés de l'époque moderne, et permettent d'introduire une réflexion approfondie sur la relation des hommes et des femmes au monde végétal entre le XVIe et le début du XVIIIe siècle. Les racines et tubercules, comestibles ou non, viennent du monde d'en bas, au pied de la Chaîne de l'Être, comme le montre Allen J. Grieco. Étudier la « racine » pendant cette période revient à élaborer une histoire culturelle et scientifique de la plante pour mieux comprendre la production des savoirs botaniques, culinaires, médicaux, horticoles, philosophiques ou des connaissances de la pharmacopée, de la chirurgie et du soin des corps. La thèse s'intéressera à la circulation et à la transmission des savoirs, notamment par les livres (herbiers, livres de recettes, livres de secrets, traités), en France, en Angleterre, dans les Provinces Unies et dans le Saint-Empire romain germanique avec une ouverture sur l'appropriation des plantes du « Nouveau Monde ». En effet, la racine et les parties souterraines du végétal sont des produits culturels et un « matériau-savoir », comme l'explique Samir Boumediene : elles questionnent leurs rapports à la société, interrogent les sens des naturalistes et des utilisateurs par l'ensemble de leurs gestes, techniques et pratiques autour de la plante utilitaire. À travers les racines enfouies et les légumes-racines, parfois considérés comme éléments pauvres, inutiles ou vils, et parfois vus comme des remèdes essentiels de la pharmacopée, cette thèse examinera une vision « autre » du végétal, une certaine représentation de la nature normalement peu visible, comme c'est le cas dans les arts figuratifs. « Rendre visible la plante invisible », (Traces du végétal, 2015), est une tâche qui consiste à adopter une certaine interprétation des sources historiques et notamment lorsque cela touche les savoirs populaires, à l'opposé des savoirs présents dans les herbiers ou les traités médicaux. Les racines deviennent les symboles de cet antagonisme qui existe entre savoirs et usages, témoins de la culture locale d'une époque donnée (perception magique et anthropomorphe de la plante). Les recherches vont permettre d'entrer dans le cadre normé du jardin, de la culture des racines et du commerce qui en découle (marchands, apothicaires et « charlatans ») ainsi que dans l'espace des paysages « sauvages », où les plantes ne sont pas domestiquées. Dans ce contexte, on posera la question du destinataire des livres sur les plantes, les sources écrites ayant tantôt des finalités scientifiques tantôt des finalités sociales, telles la santé ou l'alimentation.