L'avenir du principe indemnitaire : étude comparée droit français et droit de la zone CIMA
Auteur / Autrice : | Sidy Diakite |
Direction : | Anne Pelissier, Luc Mayaux |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Droit privé et Sciences Criminelles |
Date : | Inscription en doctorat le 29/11/2019 |
Etablissement(s) : | Université de Montpellier (2022-....) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Droit et Science politique (Montpellier ; 2010-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : CDE - Centre du Droit de l'Entreprise |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et la sûreté de sa personne. Ce principe intangible consacré par l'article 3 de la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 et repris par l'article 4 de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples a pour essence la garantie de l'intégrité physique et patrimoniale de chaque individu. Le Code Civil faisant l'écho de ce principe majeur, exige en son Article 1384, que tout dommage causé, non seulement par son fait personnel, mais aussi par le fait des personnes dont on doit répondre et par le fait des choses que l'on a sous sa garde doit faire l'objet de réparation. L'indemnisation, parait le moyen adéquat pour combler le préjudice ou la perte causé et devient par conséquent le dispositif inéluctable, permettant de conserver l'intégrité patrimoniale ou physique de chaque individu. C'est d'ailleurs, l'objectif des assurances de dommage, qui ont pour finalité la protection de l'assuré contre le dommage qu'il subit et contre les dettes dues compte tenu des dommages causés à autrui et qui son susceptible d'engager sa responsabilité. Assurance de dommage et indemnisation étant corrélativement liés, il est apparu impérieux pour le législateur de définir l'étendue de la garantie que l'assureur peut être amené à offrir à ses potentiels assurés, afin de circonscrire les éventuels demandes démesurées des victimes, dans un cadre juridique bien déterminé. Partant, la garantie due par l'assureur à l'assuré est encadrée par un principe majeur du droit des assurances, qu'est le principe indemnitaire. Que faut-il entendre par principe indemnitaire ? Placé au frontispice du deuxième titre, du premier livre, du Code des Assurances, qui regroupe les règles relatives aux Assurances de dommage, l'article L. 121-1 de ce code dispose que « l'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité ». Cette règle constitue le fondement du principe indemnitaire selon lequel le montant de l'indemnité versée par l'assureur ne peut être supérieur à celui du dommage . L'intérêt du principe indemnitaire réside dans l'idée que l'indemnité ne doit pas excéder la valeur du dommage causé par le sinistre. Ce faisant, deux considérations d'ordre public justifient l'existence et l'application du principe indemnitaire. De prime abord, il faut éviter que l'assurance incite l'assuré à des sinistres volontaires et, ensuite, il faut éviter la spéculation de l'assuré souscrivant une forte assurance dans l'espoir que, indépendamment de sa volonté, le sinistre se réalise et lui procure en conséquence un enrichissement . L'indemnité ne peut pas non plus être inférieure au montant du dommage, cela dans la limite des stipulations contractuelles et notamment de la valeur de la chose assurée . Ainsi, le principe indemnitaire, l'indemnisation doit couvrir tout le préjudice. L'application du principe impose l'évaluation exacte du dommage subi non seulement le « dammun emergens » c'est à dire toute perte subie, mais aussi le « lacrum cessens » c'est à dire tout le gain manqué. Si le principe indemnitaire bénéficie d'une vocation générale, son application continue de faire l'objet d'incessantes controverses tant doctrinale, que jurisprudentielle concernant les assurances de responsabilité à la suite d'une jurisprudence remarquée de la Cour de cassation , sur la question du principe de la réparation intégrale du dommage , la question de l'étendue de l'obligation d'affectation des indemnités d'assurances pour la réparation de l'immeuble , le principe de la libre disposition des indemnités d'assurances. C'est inéluctablement, ces innombrables remises en cause doctrinale et jurisprudentielle, qui ont amenés certains auteurs à affirmer que « le principe indemnitaire n'est toujours pas ce que l'on croit » et qu'il connait des insuffisances . En Afrique, la recherche de solutions adaptées à l'indemnisation des victimes d'accident automobile s'est faite sur fond de balbutiements des différents législateurs, en sollicitant les seuls principes de la responsabilité civile délictuelle ; Ce n'est qu'en 1992 que la Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurances a tenté d'apporter une évolution sur le règlement des sinistres corporels. Ainsi, à l'instar de la Loi française du 5 Juillet 1985, dite LOI BADINTER, les pays membres de la Conférence interafricaine des Marchés d'Assurances (CIMA) ont élaboré un système d'indemnisation dérogatoire au droit commun particulièrement protecteur des victimes reposant sur l'assurance de responsabilité. Celui-ci impose à l'assureur, une procédure d'offre d'indemnité obligatoire et préalable avant toute saisine du juge. Avant l'avènement du Code CIMA, le système de la réparation en vigueur dans les pays de la zone CIMA, était inspiré du système français et reposait sur deux notions essentielles : la faute et l'indemnisation intégrale. Toute responsabilité en cas de sinistre, devait être désigné suivant les cas, sur le fondement des anciens Articles 1382 et 1383 ou de l'Article 1384, alinéa 1er, ou encore de l'Article 1147 du Code Civil. La responsabilité supposait, en conséquence, un fait, un fautif, un dommage et un lien de causalité entre le fait et le dommage. La recherche et la détermination de la faute constituent le substrat du règlement du sinistre. Et son établissement n'est possible que dans la mesure où l'on a connaissance des circonstances exactes de l'accident. Or, souvent en Afrique, les services de police et de gendarmerie à qui incombent cette tache délicate, ne sont pas en mesure de constater avec efficacité les accidents de la route, en particulier ceux survenus en dehors des périmètres des grandes villes, fautes de moyens. Les procès verbaux de constatations sont souvent dressés en retard, voire très mal rédigés, ce qui facilite le plus souvent l'exonération du responsable du sinistre, s'il établissait que l'incident était dû à la force majeure. Pour donc pallier à toutes ses insuffisances, le code CIMA a innové en adoptant des règles protectrices favorables aux victimes d'accidents. Pour atteindre ces objectifs, deux types de méthodes auraient été envisagées : La première, et a priori la plus simple, aurait consisté à écarter complètement le droit de la responsabilité avec toutes ses subtilités, et à créer une assurance profitant directement aux victimes sans passer par le relais de la désignation d'un responsable. Ce système dit « d'assurance directe » serait calqué sur la pratique des accidents du travail, à la différence que l'organisme payeur, n'est pas une compagnie d'assurance privée, mais un organisme de l'Etat, rhétoriquement appelé fonds de garantie, ou Caisse de Sécurité Sociale. D'ailleurs, certains droits étrangers ont adopté un mécanisme de ce type en ce qui concerne notamment les accidents de la circulation . Cependant, les rédacteurs du Code CIMA, ont décidés de s'inspirer de la Loi Badinter du 05 juillet 1985 « tendant à l'amélioration et à l'accélération des procédures d'indemnisation ». Ainsi, selon les dispositions du Code CIMA, la réparation du préjudice nait de l'accident survenu, en d'autres termes c'est le dommage subi qui est pris en considération. Le droit à indemnisation est priorisé, par rapport à la recherche de l'auteur du dommage. L'indemnisation automatique ou responsabilité automatique ne suppose donc pas la démonstration d'un lien de causalité entre le fait dommageable et le dommage, d'où son impact sur le principe indemnitaire. Ainsi, tout comme le droit français, le Code CIMA en article 31 Alinéa 1, fait allusion au principe indemnitaire et dispose que : «L'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité ; l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. » Si cette disposition du Code CIMA est la reprise textuelle de l'Article L 121-1 du Code des Assurances français (Chose que nous déplorons), il n'en demeure pas moins vrai, que sa mise en uvre et son application dans les pays de la zone CIMA, connait certaines contingences. En effet, l'évaluation de l'indemnité d'assurance constitue parfois un problème. La vétuste du parc automobile et certains biens corporelles remettent au cur du débat des différentes juridictions de ladite zone, la question de la valeur de remplacement des biens. Par ailleurs, pour l'indemnisation des victimes d'accident de circulation, l'assureur ou le juge s'inspire des rapports établis par des autorités publiques et/ou les experts pour l'évaluation du montant d'indemnisation. Ces rapports, ne sont pas toujours dignes de foi ; ils sont parfois truqués et peuvent faire perdre ainsi à la victime tout ou partie de son droit à indemnisation. Aussi, contrairement aux dispositions du code CIMA , pour l'obtention du procès verbal de constat, c'est l'assuré ou toute personne intéressée qui est obligé de faire des navettes entre la compagnie d'assurance et la gendarmerie ou le commissariat, s'il veut voir son dossier aboutir. Cette situation rend le processus d'indemnisation lent, et laisse certaines victimes qui n'ont pas commis de faute, abandonnées à leur propre et triste sort. Cette différence constatée entre ces deux systèmes juridiques, appelle de notre part une réflexion profonde sur l'avenir du principe indemnitaire, et son impact sur le mécanisme subrogatoire constituera le substrat de nos recherches tout au long de cette thèse. Après cette présentation du cadre théorique, qui somme toute, semblait impérieuse afin d'éclaircir le champ sémantique de notre réflexion, nous allons définir la problématique en rapport avec notre sujet de thèse.