L'art de gouverner les prisons au Niger. Étude dun mode pluri-acteurs de gouvernement des prisons en contexte de militarité de lÉtat
Auteur / Autrice : | Carole Berrih |
Direction : | Jean-Charles Froment |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Administration publique |
Date : | Inscription en doctorat le Soutenance le 22/03/2024 |
Etablissement(s) : | Université Grenoble Alpes |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale sciences juridiques (Grenoble, Isère, France ; 2003-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'Etudes et de Recherche sur la Diplomatie, l'Administration Publique et le Politique |
Jury : | Président / Présidente : Martine Kaluszynski |
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Charles Froment, Dominique Darbon, Philippe Mary, Marie Morelle, Marie-Julie Bernard | |
Rapporteur / Rapporteuse : Dominique Darbon, Philippe Mary |
Résumé
Dans les prisons du Niger, lexercice de lautorité carcérale ne repose pas exclusivement sur les acteurs étatiques. Une partie des personnes détenues, organisées selon une structure pyramidale très élaborée, gèrent la vie quotidienne carcérale, de lallocation des chambres à la discipline au sein des quartiers de détention. Si ce mécanisme reflète un exercice multi-acteurs de lautorité, lanalyse des rapports de pouvoir entre ces super-détenus et ladministration étatique révèle que la participation des personnes détenues nest pas le reflet de défaillances dun État qui ne parviendrait pas à gouverner les personnes quil incarcère. Au contraire, la Garde Nationale du Niger (GNN) gouverne les prisons en instrumentalisant une partie des femmes et des hommes détenus en échange de prérogatives et de privilèges étendus. Afin de conserver le contrôle, la GNN a instauré de multiples mécanismes qui contribuent à brouiller le pouvoir des super-détenus, à absorber les contestations et à prévenir les risques daction collective. Réelle technique de gouvernement, la mobilisation des personnes détenues reflète un dispositif de contrôle stratégique orchestré par lÉtat, qui, ainsi, étend et consolide son pouvoir. Ce dispositif basé sur la division, la surveillance, le contrôle et la coercition sinscrit dans le cadre institutionnel plus large de labsence de mécanisme de contrôle efficace et de la domination des militaires de la GNN au sein de ladministration centrale : alors que le ministère de la Justice est théoriquement le seul détenteur de lautorité sur les prisons, la GNN contrôle la matière carcérale dans lappareil dÉtat et parvient à maintenir son emprise en refusant de transférer son autorité. Les mécanismes de contrôle sont par ailleurs limités, voire totalement inefficaces. Les liens étroits entre les prisons, les militaires et lexercice répressif du pouvoir prennent notamment source dans une histoire marquée par la brutalité, loppression et la coercition des pratiques dans le contrôle des populations incarcérées. La mise en perspective du fonctionnement des prisons coloniales et des prisons contemporaines révèle lexistence de pratiques et de réalités comparables. Au-delà, lidentification de pratiques coercitives dans les lieux de détention précoloniaux semble également dévoiler la nature intrinsèquement oppressive et génératrice de souffrance de lenfermement par lÉtat.