L'épreuve de Xızır. Violences, migrations et relations avec l'invisible dans l'alévisme kurde de Dersim (Turquie, France)
Auteur / Autrice : | Samuel Vock-verley |
Direction : | Thierry Zarcone |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Histoire des religions et anthropologie religieuse |
Date : | Inscription en doctorat le 31/08/2019 |
Etablissement(s) : | Université Paris sciences et lettres |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École pratique des hautes études (Paris) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Groupe sociétés, religions, laïcités |
établissement opérateur d'inscription : École pratique des hautes études (Paris ; 1868-....) |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Mes recherches portent sur les évolutions contemporaines du culte de Xızır (en arabe, Khidr) une entité immortelle connue pour prendre les apparences d'un mendiant, mettre à l'épreuve les personnes qu'il rencontre ou les sauver du danger dans l'alévisme kurde de Dersim (Tunceli). Elles se fondent sur un travail ethnographique multisitué au long cours mené depuis 2019 à la fois en Turquie, dans la région de Dersim et à Istanbul, ainsi que parmi les diasporas kurdes alévies en France, à Paris et à Marseille. Dans ma thèse, je m'intéresse aux manières dont les relations à Xızır se recomposent dans un contexte de mobilité transnationale, mais aussi de destructions des sociabilités locales à la suite de la guerre entre l'État turc et les guérillas dans les années 1980-2010. Les facteurs économiques et les épisodes répétés de violence d'État ont emmené la majorité de ses habitants à vivre en diaspora dans les métropoles de Turquie ou d'Europe. Cette région exerce pourtant une attraction particulière en tant que « pays des lieux saints » (jar û dîyar) de l'alévisme kurde : ses montagnes et ses forêts abritent les tombes d'ancêtres mythiques, tandis que certains lacs et animaux sauvages sont considérés comme la propriété de « protecteurs » invisibles (wayîr) parmi lesquels Xızır. Cette thèse propose une anthropologie du religieux en contexte violent, inspirée des travaux contemporains de l'anthropologie de l'invisible et de celle de la violence politique. Je m'intéresse ainsi aux conséquences plurielles de la violence que j'analyse à partir de la notion de « cosmocide » (Labou Tansi), ou de destruction d'un monde rural kurde alévi à Dersim dans les années 1990. Menées à la suite d'une décennie de reconstructions, mes recherches renseignent les recompositions des relations entre humains, non-humains et plus qu'humains sur ce territoire à la fois réinvesti, militarisé, et sacralisé, et au sein de la diaspora. Cette thèse vise ainsi à rendre compte des processus sociaux par lesquels la présence vécue d'une entité tutélaire façonne des démarches individuelles et collectives en contexte de crise, suivant ce qu'on peut nommer un « activisme cosmique » et dans le cadre du débat concernant l'identité kurde alévie, dans lesquels se réinventent les usages socio-politiques et les imaginaires de ce monde perdu.